L'Otan crée un catalogue de «mythes russes»

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L'Otan accuse la Russie de mener une campagne de désinformation contre elle. Selon les représentants de l'Alliance, les principaux propagateurs de ces "fausses informations" seraient la chaîne Russia Today (RT) et l'agence d'information Sputnik.

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La porte-parole de l'Otan Oana Lungescu a noté "une recrudescence des cas de désinformation depuis deux ans", à tel point que le site de l'Otan a décidé de les cataloguer. RT a consulté cette liste de "mythes russes".

Les hauts responsables de l'Otan sont de plus en plus préoccupés par l'"aspiration de la Russie à utiliser la télévision et internet pour diffuser des fake news", rapporte Reuters.

Selon l'agence de presse britannique, la porte-parole de l'Alliance Oana Lungescu "connaît le visage de l'ennemi: les médias russes RT et Sputnik contrôlés par le Kremlin".

"Depuis l'annexion illégale de la Crimée par la Russie en 2014, l'Otan a été confrontée à une hausse significative du niveau de propagande et de désinformation russe", estime Lungescu. Et d'ajouter que le site lancé par l'Alliance recensait "32 mythes russes sur l'Otan", systématiquement utilisés par Sputnik, RT et d'autres médias "appartenant au gouvernement russe ou contrôlé par ce dernier".

RT a pris connaissance du contenu de ce catalogue. Les 32 "mythes" sont répartis en cinq grandes catégories: l'expansion de l'Otan; l'Otan et son attitude envers la Russie; l'Otan comme une "menace"; les promesses; les opérations de l'Otan. De plus, le site publie régulièrement des bulletins d'information analysant les mythes les plus populaires selon l'Alliance. Le dernier en date est paru en février 2017.

Le bouclier antimissile de l'Otan, une menace "mythique"?

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L'Otan considère d'abord comme un mythe l'affirmation russe selon laquelle le déploiement du système de défense antimissile (ABM) en Europe de l'Est représenterait une menace pour la Russie. Le site rétorque que "l'Otan a expliqué plusieurs fois que l'ABM n'était pas mis en place contre un pays concret" — ce qui, en effet, a été répété à plusieurs reprises par les représentants de l'Alliance. Cependant, l'organisation ne précise pas, dans ce cas, dans quel but il faudrait installer des systèmes antimissiles dans ces pays précis d'Europe de l'Est. En effet, des complexes ABM ont déjà été installés dans la ville roumaine de Deveselu et dans le village polonais de Redzikowo. Et ils se situent bien plus près des frontières russes que de celles d'autres puissances nucléaires comme la Chine, l'Inde ou le Pakistan. En outre, même le déploiement de systèmes défensifs conduit au renforcement de la capacité opérationnelle générale de l'Alliance à l'est de l'Europe. Comme l'a expliqué en octobre 2016 le professeur Vadim Koziouline de l'Académie des sciences militaires, "l'accroissement du niveau des capacités de mobilisation couplé au déploiement du système ABM en Europe de l'Est renforce objectivement le potentiel militaire de l'Otan dans la région".

Expansion paisible, Monténégro paisible

Selon les auteurs de la liste, les déclarations de la Russie selon lesquelles l'adhésion de nouveaux membres à l'Otan créait une tension supplémentaire dans les relations entre l'Alliance et Moscou relèvent de la fiction. Ils argumentent en disant que tout pays qui devient membre de l'Otan accepte les principes en vigueur au sein de l'Alliance, dont l'un est de ne pas viser à nuire à la Russie.

La liste des mythes rappelle que les participants au sommet de l'Otan au pays de Galles en 2014 exprimaient également leur disposition amicale envers Moscou. Toutefois, depuis, les relations entre la Russie et l'Occident se sont dégradées dans le contexte des événements en Ukraine et en 2016, des efforts ont été relancés pour faire adhérer le Monténégro à l'Alliance. Le pays avait obtenu le plan d'action nécessaire dès 2009, mais le protocole d'adhésion n'a été signé qu'en mai dernier.

En commentant la situation autour du Monténégro, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a souligné: "J'ai l'impression qu'on tente de faire entrer le pays dans l'Alliance avant la fin du mandat de l'administration de Barack Obama". On imagine difficilement qu'ainsi, le ministre ne voulait pas expliquer la préoccupation de Moscou mais une autre attitude envers la situation.

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D'ailleurs on retrouve dans la liste des "mythes russes" un point sur la préoccupation de Podgorica concernant son adhésion à l'organisation — sans préciser ce que pense la population de ce pays des perspectives d'adhésion à l'Alliance.

"Personne ne force qui que ce soit à adhérer à l'Otan. La décision d'adhésion est prise par l'ensemble du pays. C'est le choix libre d'un État souverain. Les pays candidats doivent soumettre une demande d'adhésion et, traditionnellement, tous les pays membres de l'Otan doivent donner leur accord. La question de l'adhésion à l'Otan concerne le Monténégro et les Monténégrins", peut-on notamment lire.

Les résultats des sondages dans les Balkans témoignaient pourtant clairement que le Monténégro, du moins en juillet 2015, était loin d'avoir fait son choix: entre 44 et 47% des habitants seulement approuvaient la perspective de devenir un nouveau membre de l'Otan.

A noter: ce pays n'a pas organisé de référendum à ce sujet.

Il y a dix ans, le président russe Vladimir Poutine avait tenu un discours à la conférence de Munich sur l'état de la sécurité internationale. Il avait fermement critiqué le modèle d'un monde unipolaire, l'usage injustifié de la force à l'égard d'autres États et l'expansion de l'Otan vers l'est.

© AFP 2024 DMITRY ASTAKHOV Le président russe Vladimir Poutine à la conférence de Munich
Le président russe Vladimir Poutine à la conférence de Munich  - Sputnik Afrique
Le président russe Vladimir Poutine à la conférence de Munich

"Je pense que c'est une évidence: le processus d'expansion de l'Otan n'a rien à voir avec la modernisation de l'Alliance ou avec la sécurité en Europe. Au contraire, c'est un facteur très provocateur qui diminue le niveau de confiance réciproque. Et nous avons le droit de demander franchement: contre qui est dirigée cette expansion? Et qu'en est-il des affirmations des partenaires occidentaux après la dissolution du Pacte de Varsovie? Où sont ces déclarations? Personne ne s'en souvient", avait souligné Poutine.

Aucune raison de s'inquiéter… ni de coopérer

Et puisqu'au pays de Galles les participants au sommet ont exprimé l'attitude amicale de l'Otan envers la Russie, pourquoi les Russes devraient-ils s'inquiéter? Au contraire — déduisent logiquement les auteurs de la liste — plus il y aura de pays au sein de l'Otan moins Moscou devra s'inquiéter: tous ces États deviendront en effet fondamentalement amicaux.

Par ailleurs, pendant le même sommet de septembre 2014, le secrétaire général de l'Alliance — à l'époque il s'agissait encore d'Anders Fogh Rasmussen — ne parlait pas seulement de l'aspiration "à la coopération avec la Russie et au développement des relations constructives". L'organisation avait déclaré que "les conditions pour le développement de telles relations n'étaient pas réunies".

"Finalement, la décision de l'Otan est maintenue de suspendre toute coopération civile et militaire entre l'Alliance et la Russie", avait-on expliqué à Moscou à l'issue du sommet.

Ces propos ne sont pas le fruit des mythes de RT: ils sont repris dans la déclaration du sommet.

Quand l'imagination joue des tours

L'Alliance considère également que "la tentative de l'Otan d'encercler la Russie" est un mythe inventé par Moscou. "Cette affirmation ignore les données géographiques. Les frontières de la Russie s'étendent sur plus de 20 000 km dont seulement 1 215 km, soit moins de 1/16, sont avec les pays membres de l'Otan. La Russie est frontalière de 14 États (Norvège, Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Biélorussie, Ukraine, Géorgie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Mongolie, Chine, Corée du Nord), dont seulement cinq sont membres de l'Otan."

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Il est toutefois peu probable que Moscou craigne sérieusement l'apparition de bases militaires de l'Otan en Corée du Nord ou en Mongolie.

Néanmoins, l'Alliance n'attire pas l'intention des lecteurs sur les bons chiffres. En effet, la question soulevée par Moscou n'est pas celle du nombre de pays membres de l'Otan mais des effectifs militaires situés dans certains pays de l'Alliance, ainsi que des pays collaborant avec l'Otan sans en faire partie. Ainsi, début janvier 2017, le ministre géorgien de la Défense Levan Izoria a annoncé un rapprochement avec l'Otan dans le courant de l'année, impliquant le développement d'un centre d'entraînement commun sur le territoire du pays. De plus, la Norvège a l'intention de déployer sur son territoire plus de 300 fantassins de marine américains en 2017, qui seront installés à la base Værnes dans les environs de Trondheim, à environ 1200 km de la frontière russe (dans un point à part l'Otan perce à jour le mythe selon lequel l'Alliance est un "projet géopolitique des USA"). Heureux concours de circonstances… Et le ministère norvégien de la Défense compte, à terme, allouer près de 5 milliards de dollars pour la modernisation de son armée sous prétexte de la "menace russe" qui pèse sur le pays.

Les démystificateurs ne disent pas qu'en 2017, les premiers militaires belges et allemands sont déjà arrivés en Lituanie pour renforcer le bataillon multinational de l'Alliance, et que d'ici la fin de l'année Berlin pourrait y envoyer encore mille hommes.

En effet, ce n'est pas un encerclement.

Les fantômes de la Guerre froide

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Pourquoi il n'y aura pas de nouvelle Guerre froide
D'après les représentants de l'Alliance, les affirmations selon lesquelles l'Otan continue d'obéir à une logique de guerre froide sont également fausses. La liste de l'organisation rappelle que "la confrontation entre le bloc socialiste et l'Occident s'est terminée il y a plus de 20 ans, avec la chute du mur du Berlin et donc du camp socialiste en soi. Après cela, l'Otan a développé une coopération avec ses ennemis potentiels d'hier". Les auteurs soulignent également qu'en 2002 a été créé le Conseil Otan-Russie, tout en oubliant de mentionner que le travail de cet organisme a été suspendu en 2008 après un nouvel élan du conflit entre la Géorgie, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie. La coopération a repris dans le cadre du Conseil en 2009 mais a été rompue à nouveau après le début du conflit dans l'est de l'Ukraine. On s'imagine difficilement que l'absence de mises à jour sur le site officiel du Conseil depuis 2014 témoigne de son travail productif.

En avril 2016, pour la première fois depuis deux ans, Bruxelles a accueilli une réunion du Conseil Otan-Russie au niveau de représentants permanents. "Nous avons écouté ce que l'autre partie avait à dire, mais cela ne signifie pas que nous revenons à des relations normales", avait déclaré le Norvégien Jens Stoltenberg, nouveau secrétaire général de l'Alliance, à l'issue de la rencontre. Cette déclaration n'a pas été inventée par RT — Stoltenberg a été cité notamment par le service russe de la BBC — et n'est pas plus un mythe que celle sur la nature des contacts entre l'Otan et la Russie enregistrée par la même chaîne en 2000.

Moscou est prêt à coopérer avec l'Alliance et étudie même la possibilité d'adhérer à l'Otan "si les intérêts de la Russie étaient pris en compte et si elle était considérée comme un partenaire à part entière". Vladimir Poutine avait tenu ces propos en mars 2000 dans l'émission Breakfast with Frost.

"L'Alliance doit gagner les esprits"

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Article du Sunday Times sur RT, une «campagne ouverte de manière malhonnête»
Le directeur de l'Association internationale des juristes contre les armes nucléaires, Reiner Braun, a noté dans une interview accordée à RT que la rédaction et la diffusion de tels "catalogues de mythes" s'inscrivait dans la stratégie générale de l'Alliance.

"Cela fait partie de la stratégie de désinformation de l'Otan, qu'elle déploie depuis des années. […] Rappelons la Yougoslavie: la guerre avait été précédée d'une immense campagne de désinformation", a rappelé Braun.

Il souligne également l'écart entre les budgets pour la défense de l'organisation et de la Russie: "Référons-nous aux faits. L'Otan dépense aujourd'hui 800 milliards de dollars à des fins militaires quand la Russie, elle, n'en dépense que 80 milliards."

Quant aux attaques de l'Alliance contre RT et Sputnik, d'après Braun, elles peuvent être expliquées par l'aspiration des dirigeants de l'organisation à dominer dans l'espace médiatique:

"Pour arriver à l'hégémonie l'Alliance doit, entre autres, gagner les esprits. Pour cela il faut légaliser le comportement agressif. C'est pourquoi on constate un tel nombre de reportages contre RT, d'autres médias et tous ceux qui critiquent l'Otan en Europe."

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