Angela Merkel serait élue personnalité de l'année par les soldats numériques du Kremlin. C'est ce qu'affirme une source européenne à Bruxelles, cité par l'AFP: la chancelière allemande aurait déjà été l'une des cibles favorites de la « désinformation » orchestrée par la Russie en 2016, campagne qui devrait donc s'intensifier cette année à l'approche de l'élection présidentielle.
« D'abord, le nom est intéressant, c'est StratCom, "communication stratégique", qui est un des délicats euphémismes que l'on emploie dans les milieux, disons, proches des think tanks américains ou de l'Otan pour désigner la propagande ou la contre-propagande », commente François-Bernard Huyghe, chercheur en Sciences de l'Information à l'IRIS.
Tel un phare faisant la lumière dans les abysses de la désinformation, le groupe de travail est doté d'un site: https://euvsdisinfo.eu/. La dizaine de chercheurs s'appuie sur un réseau de 400 experts, journalistes, officiels, ONG et Think-tanks dans plus de 30 pays, qui leur font remonter les « histoires contredisant des faits publiquement disponibles »…. Mais est-ce que cela suffit vraiment à mettre toutes les données dans le même panier de la désinformation?
« Il faut démontrer un mensonge délibéré et à utilisation stratégique. Il ne suffit pas de dénoncer une illusion idéologique […], il faut démontrer un faux délibéré, c'est-à-dire que quelqu'un a publié de mauvaise foi une information dont il savait pertinemment qu'elle était fausse ou mieux encore, qu'il l'a fabriqué », poursuit François-Bernard Huyghe.
« Elle ne marque pas énormément l'opinion publique, on ne voit pas grand-chose apparaître dans les médias. Par ailleurs, si c'est pour dire que Sputnik est plutôt prorusse et n'a pas la même représentation du monde que les gens de l'Union européenne, on s'en serait un petit peu doutés ».
Une initiative européenne pour lutter contre les fausses informations, mais qui finit par se dédouaner. Sur son site, l'« East StratCom Task Force » prend soin de préciser que « le contenu du réexamen de la désinformation ne peut pas être considéré comme une position officielle de l'UE », car il repose sur les contributions d'un « réseau de démystification ». Réseau qui, par ailleurs, cherche à croître: de quoi submerger un peu plus de démentis un internaute déjà noyé par les fact checking, décodeurs et autres pages désintox.
Le parlement européen veut renforcer la lutte contre les « fausses informations ». Le rapport de la députée européenne Anna Fotyga contre la « propagande des pays tiers » a été adopté en novembre dernier. Le texte, qui stipule que « la propagande hostile contre l'UE et ses États-membres vise à dénaturer la vérité, à provoquer le doute, à diviser l'Union et ses partenaires nord-américains, à paralyser le processus décisionnel et à susciter la peur et l'incertitude parmi les citoyens », n'avait pas fait l'unanimité: 304 voix pour, contre 179 et 208 abstentions. Un score d'autant plus mesuré quand on connaît la force des disciplines de groupe parlementaire au sein du parlement de Strasbourg. Bref, les Européens eux-mêmes ne semblent pas tous convaincus du danger de la « propagande russe ».
Quant à la East StratCom Task Force, soit la cellule de propagande et contre-propagande de l'UE, comme l'expliquait notre expert, à défaut de « fact-checkers » vérifiant leurs démentis, nous sommes bien obligés de leur faire confiance.