« Ce projet de François Fillon arrive au moment du Brexit, c'est-à-dire où Londres, qui était un des acteurs militaires ou sécuritaires majeurs en Europe est en train de quitter l'UE. Ce projet arrive au moment où l'Allemagne vient de sortir son nouveau livre blanc, qui est un projet beaucoup plus ambitieux et beaucoup plus agressif, internationaliste et global que toutes les politiques de sécurité auxquelles l'Allemagne nous a habitué jusqu'à maintenant. Et puis bien sûr, ce projet arrive au moment de l'investiture de Donald Trump ».
Depuis que M. Trump a laissé planer le doute sur le retrait des États-Unis de l'Otan, chacun y va de sa proposition au sujet de la défense européenne, pour plus d'indépendance et de sécurité vis-vis des nouvelles formes de menaces, notamment liées au terrorisme islamiste. François Fillon veut s'affranchir « des règles du jeu américaines », tout en estimant que « l'existence d'une alliance transatlantique n'est pas obsolète » et qu'elle est même nécessaire. La place accordée à l'Otan dans son projet d'« alliance européenne de défense » n'est pas claire pour autant. Un manque de clarté qui pourrait masquer une stratégie politique, estime Christophe Réveillard, directeur de recherche en histoire contemporaine à Paris 4.
Plutôt que de maintenir une position de défiance avec la Russie, M. Fillon propose une réconciliation. Il estime que pour l'avenir de l'Europe, la relation avec la Russie est une « question stratégique ». Il faut pouvoir établir un périmètre de sécurité européen en collaboration avec elle, et propose une « conférence Europe-Russie sur les nouvelles conditions de sécurité en Europe ». L'attitude vis-à-vis de Vladimir Poutine est un sujet de discorde avec la chancelière Angela Merkel sur lequel le candidat tentera probablement de rassurer.
« Ce n'est jamais que ce qu'a demandé la Russie depuis ces trente dernières années. La Russie a toujours demandé qu'on s'asseye à une table et qu'on parle de la sécurité en Europe. Qu'on parle avec elle, et non pas contre elle. Pour la première fois, un futur dirigeant occidental reprend cette idée et l'expose de façon très claire. Tout en maintenant, et c'est normal, diplomatie et proximité oblige, un lien avec l'Allemagne. Espérant, pour sa part, que ce ne soit pas avec Angela Merkel ».
Que la menace de Donald Trump soit mise à exécution ou non, Hollande, Merkel et dernièrement le premier ministre français Bernard Cazeneuve ont répondu au président américain quelques jours avant son investiture. Mardi 17 janvier, dans un discours à l'Assemblée nationale, Bernard Cazeneuve a plaidé pour une « défense européenne indépendante », avec « des moyens européens, avec des investissements européens, avec une capacité de projection européenne qui rendra l'Union européenne, les peuples et les nations qui la composent, indépendante ». Si un corps d'armée regroupant des contingents de différents pays européens existe déjà, les traités actuels ne permettent pas de bâtir une défense européenne propre, indépendante de l'Otan.
« Parce que dans l'Otan, vous avez une close, c'est l'article 3, celui de la sécurité collective, qui rend l'Otan intéressant pour tous ses partenaires. À partir du moment où vous n'avez pas un accord de sécurité collective, et bien finalement cet accord est très faible. Il peut, ou peut-être ne peut pas, entrer en vigueur dans une crise. L'avantage de l'Otan, c'est cet article 3, ce principe de sécurité collective: si un pays membre de l'Otan est attaqué, cela représente une attaque contre tous les autres et il y a une obligation pour les autres pays membres d'intervenir. Aucun accord entre la France et l'Allemagne ne pourra, je pense, aller aussi loin ».