Depuis septembre dernier, la East StratCom Task Force sert de base de données recueillant le travail de journalistes, d'"organisations" et d'universitaires; cette entité publie depuis janvier une revue sur la désinformation et une analyse dessus, se focalisant sur les publications russes faites sur l'Europe.
Sur le site internet de la mission permanente de l'UE en Russie, Bruxelles annonce un service de presse officiel pour ceux parlant le russe précisément c'est le service officiel en langue russe, sur lequel il est écrit que "le site contient une large gamme de matériaux sur les sanctions contre la Russie, à propos de la vie des gens au Moyen-Orient, en Ukraine, sur les efforts de l'UE et ainsi de suite. Il sera publié du contenu frais pour identifier et dénoncer la désinformation." En d'autres termes, ceci s'adresse à ceux vivant en Russie et lisant le Russe. Les autres devront se contenter de Google translate.
Si cela n'est pas de l'information ciblée, alors pourquoi diable parler de "désinformation"? Surtout si le contenu porte sur les sanctions contre la Russie, sur la vie des gens au Moyen-Orient et en Ukraine.
Dans le même ordre d'idées, une chaîne d'information russophone sera créée avec le soutien des institutions; mais les russophones (très nombreux dans les pays de l'UE) savent déjà quelles chaînes regarder, lire ou écouter.
Selon Mme Federica Mogherini, Haut Représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, a déclaré l'an passé que l'UE allait prendre des mesures de communications, dans le but de contrer la "propagande russophone". Un plan d'action stratégique aura été mis en place par le Conseil Européen dans ce sens.
Mais au fait, dans quel sens va-t-on?
Pour nous éclairer sur ces mesures, le journaliste Pierre Lorrain, auteur du livre L'Ukraine entre deux destins, nous explique en quoi consistent ces mesures.
"Ces mesures se résument essentiellement à l'ouverture d'un site en langue russe pour dénoncer la propagande russe; c'est-à-dire qu'on remplace une propagande par une autre."
Ces mesures sont-elles coercitives, et quelles sont leurs effets sur la population?
"Il n'y a pas de conséquence particulière puisque la liberté d'expression existe en Europe malgré tout; ces mesures sont une simple déclaration d'intention, destinée à rassurer les pays européens qui faisaient partie du bloc soviétique et qui ont une politique relativement agressive à l'égard de la Russie; (…) l'Union européenne est obligée de tenir compte de la position de la Pologne ou des pays baltes; ces mesures sont donc simplement déclaratives et n'ont aucun effet coercitif, sauf à l'égard de ce qui contreviendrait aux lois nationales des différents pays.
Les mesures ne peuvent pas avoir d'effet sur la population, car on assiste, de la part des médias occidentaux en général, à une ligne éditoriale antirusse, et par conséquent, la propagande russe ne s'adresse pas à un tel public; donc, la contre-propagande ne pourrait toucher que ceux qui sont susceptibles d'écouter les médias russes, mais ce public-là est immunisé contre la propagande; (…) on essaie de faire des déclarations et de prendre des mesures qui peuvent rassurer une certaine catégorie de la population en Europe dans certains pays, et en dehors de cela, cela n'aura pas d'effet et ne mènera nulle part."
Les soi-disant mesures luttant contre la désinformation sont surtout là pour empêcher les agences indépendantes de transmettre des faits non-vérifiés par les politiques. Déclaratives, elles ont un caractère politique avant tout. Comme l'a expliqué l'ambassadeur russe à Paris, Alexandre Orlov, ceci revient à mettre en place des mesures datant de la Guerre froideet dignes de l'Union soviétique.
Son excellence M.Orlov a préféré, de manière élégante, laisser tomber toute réclamation à l'encontre de France télévision pour l'utilisation faite par cette chaîne d'images du ministère russe de la Défense pour illustrer les "victoires" de la coalition en Syrie et la précision de ses bombardements, en opposition aux bombardements "aveugles" faits par l'aviation russe.
Cette affaire rejoint celle de la jeune fille mourant de faim dans la ville de Madaya (photo réelle mais ne concernant pas Madaya, ce qui ajoute l'horreur à un manque de déontologie) et des attaques au gaz, soi-disant effectuées par l'armée syrienne régulière, mais qui se sont révélées avoir été faites par des groupes rebelles. La liste est encore longue, et il est hors de question de tomber dans ce genre de voyeurisme.
Or, les sites indépendants sont nécessaires pour que le public puisse se faire une opinion. Sinon, à quoi bon parler de démocratie et de liberté d'expression?
Les mesures violent ces deux principes. L'Union européenne deviendrait-elle soviétique? En effet, pourquoi faire de la contre-propagande, si ce n'est pour faire de la propagande? Cela rappelle surtout se réclamant de la justice et assouvant surtout leur vengeance durant l'Epuration après la Libération.
En fait, ces politiques sont de la censure et une atteinte aux libertés, deux violations que l'Occident semble systématiquement reprocher à la Russie.
Les idées conspirationnistes pullulent sur internet à l'encontre des Etats-Unis, des illuminatis et des francs-maçons, mais aussi à l'encontre de la Russie: certains voient l'ombre d'Alexandre Douguine dans toute les décisions prises par le Kremlin, d'autres voient une secte "eurasianiste" dirigeant les médias et les politiques; enfin, PEGIDA ne serait qu'une mouvance déstabilisant les sociétés occidentales, desservant un plan de conquête en surfant sur le ressentiment anti-migrant.
Tant qu'on y est, pourquoi pas des "cinquièmes colonnes" prêtes à prendre le pouvoir? Ah oui, en fait cela a déjà été trouvé. Tout comme Winston, nous aimons notre "Grand Frère".
Ne soyons pas naïfs; toutes les paranoïas se valent, et toutes servent un dessein: dénaturer la personne en face. Ce n'est ni plus ni moins que de la calomnie à grande échelle, qu'elle soit antirusse, anti-européenne, anti-américaine, raciste, antimaçonnique ou anti-schtroumpf.
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