La lutte antiterroriste, un prétexte
L'organisation internationale des droits de l'homme Amnesty International a publié un rapport consacré au développement de la législation antiterroriste dans les pays de l'UE ces deux dernières années. Le document, intitulé "Des mesures disproportionnées: l'ampleur grandissante des politiques sécuritaires dans les pays de l'UE est dangereuse", se focalise sur les nouvelles lois consécutives à la vague d'attentats en Europe, dont le premier abordé dans le rapport est celui contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 à Paris, et le dernier l'attaque d'un camion-bélier contre le marché de Noël de Berlin le 19 décembre 2016. Le renforcement des mesures antiterroristes, selon Amnesty, conduit souvent à des violations des droits de l'homme.
Troisièmement, le rapport se penche sur le droit au respect de la vie privée, bafoué par les services spéciaux. Le quatrième thème porte sur la violation de la liberté d'expression justifiée par la lutte contre l'extrémisme. Sont ensuite abordées les violations du droit à la liberté et, séparément, du droit de circuler librement. Enfin, le rapport décrit les cas de déchéance de citoyenneté à l'égard d'"extrémistes" et de violation du principe de non-refoulement (extradition ou rapatriement sans garantir la sécurité de la personne concernée).
La géographie de l'antiterrorisme
Sur les 28 pays de l'UE, les analystes de l'ONG ont examiné les agissements de 14 gouvernements qui reflètent le plus cette tendance à la "sécurisation", à un durcissement de la lutte contre le terrorisme et à une augmentation du rôle des services de renseignement. "Tous les États membres de l'UE ne sont pas mentionnés dans ce rapport mais la quasi-totalité d'entre eux a promulgué des projets de loi, a adopté des textes et mis en œuvre des opérations de sécurité similaires à ceux décrits dans ce rapport. Si un membre de l'UE n'est pas mentionné dans ce rapport, c'est principalement à cause d'un manque d'accès aux informations pertinentes dans cet État — cela ne veut absolument pas dire que le gouvernement du pays en question a résisté à la tendance sécuritaire", précisent les auteurs du rapport.
Certains États sont mentionnés dans un ou deux chapitres du rapport, d'autres pratiquement dans tous. Les plus "attachés à la liberté" sont le Danemark, l'Irlande, le Luxembourg et la Slovaquie, qui ne figurent que dans une partie du rapport.
Marc Hecker, expert du Centre des études de sécurité à l'Institut français des relations internationales (IFRI), souligne qu'en France (qui a subi le plus grand nombre d'attentats ces dernières années) la législation antiterroriste a commencé à se durcir avant l'attaque contre Charlie Hebdo, dès novembre 2014. D'un côté, selon Hecker, la société française approuve globalement les nouvelles mesures car elle a conscience de la gravité de la menace terroriste, de l'autre une critique des nouvelles mesures pourrait corriger efficacement la ligne du gouvernement, comme on a pu le voir avec la loi sur la déchéance de nationalité.
Les auteurs du rapport remarquent que les pays européens renoncent progressivement à certains droits au profit du renforcement de la sécurité, "ce qui conduit souvent à des violations, par les Européens, de leurs propres libertés constitutionnelles acquises après la Seconde Guerre mondiale et même plus tôt", met en garde Amnesty International.
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