La politique dite antiterroriste en Turquie est plus que curieuse puisqu'elle ne sert qu'aux intérêts du président Recep Tayyip Erdogan. Exemple? La terminologie actuelle le gêne à un tel point qu'il veut élargir les notions de "terrorisme" et de "terroriste". Ces termes, selon lui, doivent être appliqués également pour désigner des législateurs, des journalistes, des scientifiques ou tout simplement des militants qui soutiennent le terrorisme.
Il n'y a aucune différence entre le terroriste, une arme ou une bombe dans ses mains, et ceux qui se servent de leur statut et de leur stylo pour aider les terroristes, a insisté le président.
Le gouvernement turc, introduisant chaque année des amendements, a pour but de déjouer des situations potentiellement dangereuses pour le régime, estime le fondateur d'un syndicat de juges dans la province de Çankırı (région de l'Anatolie centrale) Ömer Faruk Eminağaoğlu dans un entretien accordé à Sputnik. Le président n'aspire pas à contrer la menace terroriste, et son seul désir, presqu'une obsession, est de renforcer son pouvoir.
Le gouvernement d'aujourd'hui a déjà modifié la notion d'"organisation terroriste", précise M. Eminağaoğlu. En 2002, le parti au pouvoir avait modifié son interprétation afin que le terme ne concerne plus les groupes islamistes. Et le terme a vécu jusqu'ici tel quel.
"Selon les lois internationales, pour classifier telle ou telle démarche du point de vue de la menace terroriste, il suffit de déterminer si elle a été réalisée par des voies comme la menace, la pression, la violence, les attaques armées", explique l'interlocuteur de Sputnik. "Dans le même temps, en introduisant sans cesse des amendements, le pouvoir politique vise à bannir les idées, les actions et les événements qui vont à l'encontre de sa stratégie politique".
Ainsi, l'initiative récente du président turc est axée sur la destruction de la société diversifiée et les bases démocratiques de l'Etat.
"Il ne s'agit pas d'une stratégie de lutter contre le terrorisme, au contraire, c'est une tentative du pouvoir d'imposer à la population son propre point de vue par la force et la menace, des moyens fascistes en général. Ces actions n'ont aucun autre objectif", met en valeur M. Eminağaoğlu.
Selon lui, la responsabilité de la crise sévissant dans le pays revient au gouvernement actuel, en particulier au Parti de la justice et du développement (AKP) avec sa stratégie prétendument antiterroriste. Depuis son arrivée au pouvoir, il n'a jamais réussi à appliquer une politique mûrie, réfléchie et efficace pour contrer la menace terroriste.
"Pour la Turquie, les bénéfices et les intérêts politiques ont toujours été prioritaires, tout comme le désir de renforcer son pouvoir, et jamais, améliorer les conditions de vie de sa population ou résoudre les problèmes intérieures de l'Etat", résume-t-il.