Résolution à l’Onu sur Alep, les raisons du Non russe et chinois

© REUTERS / Omar SanadikiThe sun rises while smoke is pictured near Aleppo's historic citadel, as seen from a government-controlled area of Aleppo, Syria December 6, 2016.
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Le projet de résolution sur une trêve à Alep, coécrite par l’Égypte, l’Espagne et la Nouvelle-Zélande, a été rejeté lundi au Conseil de Sécurité suite aux vetos russe et chinois, respectivement les 6e et 5e sur la Syrie depuis le début du conflit. Quelles sont les raisons qui expliquent le rejet du texte ?

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« Lorsque les ministres des Affaires étrangères russe et américain sont sur le point de parvenir à un accord, des efforts sont déployés à New York pour le faire échouer », s'est indigné Vitaly Churkin, représentant permanent de la Russie à l'ONU. C'était pendant la réunion du Conseil de Sécurité, lundi 5 décembre, à New York. Une réunion au cours de laquelle un nouveau projet de résolution sur Alep a été rejeté par les vetos russe et chinois. Un rejet qui a immédiatement provoqué la mise au banc des accusés, une fois n'est pas coutume, de la Russie. Délégués et médias occidentaux ont  fustigé les « rejets systématiques » des projets de résolutions sur la Syrie par la partie russe. Six fois pour être exact, depuis le début du conflit en 2011.

Michele Sison, ambassadrice adjointe américaine, a déclaré qu'elle ne laisserait pas la Russie « prendre en otage le Conseil de sécurité au moment où la situation à Alep exige une action de notre part », accusant Moscou avec virulence de vouloir « conserver ses gains militaires » et qualifiant d'« invention » l'accord évoqué par son homologue russe, selon lequel Sergei Lavrov et John Kerry seraient en passe de s'entendre sur le sort d'Alep. « La Chine, la Fédération de Russie et le Venezuela ne veulent pas que nous agissions pour alléger les souffrances en Syrie », a-t-elle ajouté.

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Le français François Delattre a quant à lui affirmé que la résolution portée par l'Égypte, l'Espagne, la Nouvelle-Zélande et encouragée en sous-main par les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne aurait pu « représenter une fragile lueur d'espoir » et « sauver des vies ». Mais au-delà de ce flot d'émotions, devenu si caractéristique de la manière dont l'Occident mène sa politique étrangère, que sait-on sur ce projet de résolution?

Elle visait à la cessation des hostilités à Alep sous 24 h, suivie d'un cessez-le-feu de 7 jours afin que « les besoins humanitaires urgents puissent être satisfaits. » Le texte exigeait de « toutes les parties » qu'elles garantissent aux humanitaires un « accès rapide, sûr et sans entrave » à « l'ensemble de la ville d'Alep », ainsi que du territoire syrien.

​« Cette résolution est une ultime tentative pour empêcher une reconquête globale d'Alep », selon Richard Labévière, consultant international, ancien rédacteur en chef de RFI, auteur de l'ouvrage « Terrorisme face cachée de la mondialisation » (Pierre Guillaume de Roux, 2016), il souligne que ces propositions en rappellent d'autres… Fin juillet et fin octobre, la Russie avait instauré des couloirs humanitaires pour évacuer civils et combattants repentis d'Alep-Est. Des couloirs qui n'avaient pas répondu aux espérances, peu de civils les empruntant. Des couloirs humanitaires qui avaient été dépeints comme des « couloirs de la mort » par les médias occidentaux, à grand renfort d'interviews de membres de « l'opposition »:

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« C'est de dire "voilà, il faut atténuer les effets de la bataille d'Alep, prévoir des sorties, des couloirs humanitaires"… que la Russie a proposés y a des mois ! Et quand les gens essayaient de sortir, ils étaient tués d'une balle dans la nuque par les gens de Jabhat Al-Nosra, qui sont qualifiés de rebelles modérés par la presse parisienne. »

Pour Richard Labévière, le blocage lundi des Russes et des Chinois s'explique notamment par le « traumatisme libyen ». À l'époque, l'OTAN, la France et la Grande-Bretagne avaient prétexté une résolution du même type pour intervenir militairement et renverser le régime de Kadhafi. Une déstabilisation dont la Libye ne s'est toujours pas remise:

« Les Russes et les Chinois ne veulent plus se faire avoir dans la reconfiguration géostratégique où les Américains et principalement l'OTAN avancent et redéploient leur plateforme géostratégique. »

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La Chine, qui a donc également voté contre la résolution. Elle a estimé « que l'action du Conseil de sécurité en Syrie devrait viser à appuyer les initiatives diplomatiques de la Fédération de Russie et des États-Unis » ajoutant que les coauteurs « auraient dû poursuivre leurs efforts afin que le Conseil s'exprime d'une seule voix et évite toute politisation de l'aide humanitaire ».

Un pragmatisme qui s'accompagne de préoccupations bien concrètes. Richard Labévière évoque ainsi le cas des Ouïghours venus de Chine pour combattre en Syrie. « Il y a 5 000 Chinois entre les quartiers Est d'Alep, Idlib et Jisr al-Choghour ». Des ressortissants chinois qui sont appelés un jour ou un autre à rentrer au pays où ils pourraient « ouvrir de nouvelles terres de djihad ». Une problématique, qui à l'instar de leurs homologues occidentales, inquiète les autorités chinoises, qui ont visiblement pris les devants, et pas seulement au Conseil de Sécurité:

« Les Chinois sont en train d'ouvrir une base militaire à Tartous […] la Chine veut développer à Tartous sur la méditerranée le même type de base qu'elle est en train de construire à Djibouti, c'est-à-dire une digue en eaux profondes pour accueillir des sous-marins nucléaires d'attaque et des frégates lourdes. Un bassin de radoub sec pour des chantiers navals de réparation, des points refueling, et une base vie pour 2 000 personnes. »

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Les Chinois, énième acteurs d'un conflit syrien devenu une guerre mondiale localisée. Selon le géopolitologue, les Américains auraient pu faire prévaloir la résolution lors des négociations entre rebelles et autorité syrienne à Genève — négociations à laquelle les américains viennent d'annoncer qu'ils ne se rendraient pas — afin de faire passer leur plan de partition de la Syrie.

Et le temps presse, les dernières poches de résistance à Alep sont sur le point de tomber, ce qui permettra aux troupes syriennes de se reporter sur les autres grandes villes du nord et de l'est du pays encore aux mains des djihadistes:

« Cela va libérer le IIIe corps d'armée syrien, ça va libérer 30 000 hommes, qui vont se reporter évidemment sur Deir ez-Zor, sur l'Est et sur Raqqa. Après Alep qui est quasiment une situation réglée, on va être dans le processus de Raqqa. »

Mais cette focalisation sur le théâtre aleppin, n'en masquerait-elle pas un autre? à Mossoul, les hostilités ont débuté depuis plus d'un mois et demi, charriant leur lot de victimes, énorme:

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« Selon les dépêches de différentes agences, 2 000 assaillants, qui essaient de reconquérir Mossoul avec l'armée irakienne et kurde, ont été tués. »

rappelle Richard Labévière, qui nous invite à nous interroger sur la couverture médiatique des combats à Alep-Est et à Mossoul:

« Vous lisez le Monde ou les grands médias occidentaux: il y a une armée qui va libérer Mossoul, alors qu'Alep est assiégée — par l'armée de son propre pays. À Mossoul, l'aviation occidentale fait des "frappes" chirurgicales, à Alep l'aviation russe fait des "bombardements" très meurtriers. À Mossoul, les civils sont des boucliers humains, à Alep les civils sont délibérément ciblés par l'aviation syrienne et russe. Alep est une ville martyre assiégée, alors qu'on va reconquérir, libérer, Mossoul. On voit bien dans ce différentiel médiatique, la force en actes, de la propagande occidentale. »

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