L'élection de Donald Trump est certes spécifique; elle doit beaucoup à la culture politique américaine. Mais, elle contient des éléments qui sont généralisables dans l'ensemble des pays développés européens, parce qu'ils sont confrontés aux maux de la « mondialisation ».
Une victoire, une défaite, un regret
Cette vague, elle aurait pu prendre aussi une autre direction. Bernie Senders, le candidat malheureux de la primaire démocrate, l'incarnait aussi, à sa manière, et certainement de façon plus politique que Donald Trump. C'est la responsabilité historique de « l'establishment » démocrate, des caciques du parti qui n'ont pas hésité à manipuler cette primaire, qui ont outrancièrement avantagé Hillary Clinton, que d'avoir permis la victoire de Donald Trump. Retenons ici la leçon. Une partie des électeurs potentiels de Bernie Sanders ne sont pas allé voté le 8 novembre (de 25% à 40% selon les endroits) et qu'une autre partie de ces électeurs a préféré voter Trump que Clinton (de 12% à 18% dans les comtés où la popularité de Sanders était la plus forte). La gauche peut vaincre quand elle renoue avec le peuple, jamais quand elle se fourvoie avec les financiers et les grands patrons, la caste journalistique et des artistes aussi changeants qu'inconstants. C'est l'un des enseignements de cette campagne et de cette élection, et il valide en partie la stratégie de Jean-Luc Mélenchon.
Les conséquences
L'élection de Donald Trump aura des conséquences importantes, que ce soit aux Etats-Unis mêmes ou dans les relations internationales. Il devra en un sens donner rapidement satisfaction à cette majorité d'américains qui a vu son niveau de vie baisser alors que celui d'une petite minorité explosait. Le vote des états de l'ancienne ceinture industrielle des Etats-Unis, ce que l'on appelle la « ceinture de la rouille » ou rustbelt est à cet égard typique du mouvement qui a porté Trump à la présidence. Il devra aussi reconstruire le parti républicain, dont une partie de l'élite s'est détournée de lui. Le fait que les républicains demeurent majoritaires au Congrès pourrait l'y aider. Mais, sa politique sera tiraillée entre l'aile la plus réactionnaire du parti et sa volonté de satisfaire ses électeurs, en lançant en particulier de grands programmes d'investissements publics. Il devra, symboliquement, réconcilier les américains avec eux-mêmes alors qu'ils sortent divisés de cette campagne qui a été vue par une grande majorité comme calamiteuse.
Mais, il est clair que l'élection de Donald Trump est porteuse d'espoir pour les relations avec la Russie, et que la posture de confrontation adoptée par Washington, que ce soit sur l'Ukraine ou sur la Syrie, ne sera pas maintenue. C'est aussi un point positif de cette élection. Souhaitons que cela soit aussi compris dans les pays européens qui ont — stupidement — décidé de maintenir les sanctions contre la Russie.
Les conséquences pour l'idéologie européiste
Les élites européistes ont perdu un soutien décisif dans la présidence américaine (2), et cela se sent tant aux réactions de Juncker et Tusk, qu'à celles d'Angela Merkel ou de François Hollande. Bien entendu, on tentera d'entonner le fameux couplet sur l'Europe fédérale, et l'on cherchera à ranimer les feux moribonds d'une intégration européenne. Mais, les divisions entre les Etats de l'UE ne disparaitront pas par enchantement. Les intérêts de ces Etats vont rester ce qu'ils sont, opposés à toute intégration. Il faudra donc bien, un jour où l'autre, en tirer les conséquences et revenir à cette politique des Nations qui n'exclut d'ailleurs pas la coopération et l'amitié entre ces dites Nations. A se refuser à cela, les dirigeants européistes prennent le risque d'aggraver la colère qui, elle aussi, bout dans l'Union européenne. Les dénis de démocratie ont été trop nombreux, trop systématiques. Ces dirigeants sont menacés de connaître, à leur échelle et dans leurs conditions, le sort d'Hillary Clinton.
Il est cependant peu probable qu'ils comprennent que nous avons changé d'époque, certes non du fait de cette élection présidentielle qui n'est qu'un élément de plus dans le changement, mais bien parce que nous vivons aujourd'hui, et depuis plus de dix ans, le grand retour des Nations. Rien n'est plus dramatique que quand des élites, qu'elles soient politiques ou culturelles, se cramponnent à une vision du monde que la réalité a dépassée et démentie. On peut, jusqu'à un certain point, vivre dans une bulle. Mais, à un moment donné, cette bulle éclate et il faut payer au prix fort ce monde d'illusions que l'on a construit.
(1) Guilly C., La France périphérique: comment on a sacrifié les classes populaires, Paris, Flammarion, 2014
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