TAFTA: pas de cadeau pour la fin du mandat d’Obama?

© AFP 2024 Bertrand Guaygrève contre TAFTA
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Les élites politiques françaises sonnent l’alarme : la France en a assez du déséquilibre entre les USA et le reste du monde dans les négociations sur le Tafta. Les députés français sont de plus en plus nombreux à dénoncer des négociations opaques et un accord très controversé qu’Obama veut conclure avant la fin de 2016.

Le 13e cycle de négociations sur l'accord USA-UE s'ouvre donc à New York sous de sombres auspices. 

Les signes de la montée de la grogne sont en effet palpables. Début avril, ils étaient une soixantaine de parlementaires PS à avoir signé une tribune anti-Tafta. Ils refusaient que le parlement français soit « réduit au silence ». A la Commission des affaires européennes à l'Assemblée nationale, ils sont presqu'unanimes maintenant à souhaiter que les conditions de la France soient respectées. Jérôme Lambert, député socialiste, raconte ce qui gêne les élus français dans cet accord.​

« On ignore encore comment la négociation va se terminer, mais les termes dans lesquels elle se déroule sont plutôt inquiétants. Beaucoup de Français, beaucoup de partis politiques en France pensent qu'il faut être très prudents avec les Américains parce qu'on…ne doit pas accepter de leur part des conditions assez contraires à nos propres intérêts dans de nombreux domaines en particulier dans l'agriculture. L'accès aux marchés publics aux Etats-Unis est une clé aussi de la réussite ou non de l'accord. On a fixé des conditions qui rendront sans doute l'accord très difficile à conclure de la part des Américains qui veulent un accord très libéral, ce qui n'est pas notre volonté. Il [Obama, ndlr] n'est pas le maître de l'accord puisque pour qu'il y ait un accord, il faut justement l'accord des deux parties. Donc ce n'est pas M. Obama qui fixera les termes ni la durée dans laquelle devra se conclure l'accord. Les Américains voudraient bien avoir libre accès à tout en Europe, mais ils ne voudraient pas que les Européens aient un accès libre à tout aux USA. Donc un accord doit être de ce point de vue-là équilibré pour être régulier, acceptable. On veut également le respect de tout ce qui est appellations contrôlées. A l'Assemblée nationale, quand on a discuté de cela à la Commission des affaires européennes, il y avait déjà plusieurs communications qui avaient été faites, l'avis était unanime. Tout le monde dit: nous devons défendre un avis des Européens, défendre nos intérêts et s'ils ne sont pas bien respectés, à ce moment-là on sera contre l'accord ».

Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes à l'Assemblée nationale, a reçu l'autorisation de consulter les accords secrets du TAFTA. Elle se dit désormais persuadée que le Traité transatlantique ne sera pas une "bonne chose" pour la France. Les revendications de la France n'ont pas été prises en comptes, selon elle. Aucune garantie sur les appellations d'origine protégée ni sur l'équivalence du mode de vie français. Dans les tribunaux arbitraux, les juges ne seront pas indépendants, mais issus des grandes sociétés privées…

Une inquiétude croissante n'est pas propre qu'aux Français. Ils étaient quelque 35 000, selon la police, à Hanovre samedi 23 avril à demander l'abandon du traité de libre-échange. C'était la veille de la rencontre entre Barack Obama et Angela Merkel, lesquels s'entendent très bien sur le dossier. Les deux disaient ce weekend, leur volonté commune de signer le traité transatlantique avant la fin de l'année. Ils ont pourtant du mal à convaincre les citoyens et les politiques, que ce soit en Europe ou aux USA, où les rangs des opposants au traité transatlantique grossissent. Les deux principaux candidats à la succession d'Obama, Hillary Clinton et Donald Trump, se sont prononcés contre le TAFTA. Côté citoyens, la pétition "Stop TTIP" a déjà recueilli plus de 3.400.000 signatures. Une tendance vivement saluée par le député européen belge Marc Tarabella du Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen.

«C'est un projet d'accord qui n'est pas encore ficelé. J'espère qu'il ne le sera jamais notamment dans le domaine qui m'est cher qu'est l'agriculture… On abandonne le mécanisme de régulation des marchés. Les prix plongent. Les Américains, eux, sont protégés par le Farm Bill. Ici en Europe, que ce soit en matière de lait, de céréale ou de viande, tout accord avec les USA ferait plonger les prix et ne protégerait pas les producteurs. Au-delà de cela, les mécanismes de règlement privé des conflits entre les multinationales et les Etats, seront utilisés pour attaquer des lois protectrices de l'environnement, les lois sociales et les lois de santé publique. Et voilà pourquoi c'est un mécanisme très dangereux. Et qu'est-ce que vont devenir les normes? On a des normes plus protectrices qu'aux USA qu'on va aller brader sur l'autel pour accroître les échanges. Je me réjouis qu'un nombre croissant de citoyens en prennent conscience en Allemagne, en France, partout en Europe mais aussi aux Etats-Unis. Je crois que la pression citoyenne est nécessaire à la décision politique…

Ce n'est pas une décision prise rapidement. Elle ne sera prise avant l'élection américaine, ça c'est certain. Il faut qu'on ait le temps de faire analyser par nos spécialistes tous ces dossiers et des impacts, secteur par secteur, sur l'économie européenne qui a bien besoin d'être redressée et pas menacée ».

Au sein du gouvernement allemand, il n'y a pas d'accord malgré l'engagement de Merkel. Les négociations "vont échouer" sans concessions de Washington, avertissait dimanche le ministre allemand de l'Economie et de l'Energie, Sigmar Gabriel.

Ils sont plusieurs de gauche comme de droite à s'exprimer contre le Tafta en France. Jean Luc Mélecnhon dit « Non à l'annexion de pays européens par les multinationales ». Selon Marine Le Pen, le Tafta est « une bombe atomique économique » pour la France. Le président de la République laissait entendre que la France se réservait le droit de dire NON au Tafta si celui-ci ne respectait pas les intérêts du pays. "Hé ho, Barack Obama! Le TAFTA c'est réciproque ou c'est rien!", a résumé le premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis. Mais la France pourra-t-elle réellement se mettre à l'avant-garde de l'opposition au traité transatlantique et éconduire Obama sans lui offrir de cadeau de départ?

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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