Le 13e cycle de négociations sur l'accord USA-UE s'ouvre donc à New York sous de sombres auspices.
« On ignore encore comment la négociation va se terminer, mais les termes dans lesquels elle se déroule sont plutôt inquiétants. Beaucoup de Français, beaucoup de partis politiques en France pensent qu'il faut être très prudents avec les Américains parce qu'on…ne doit pas accepter de leur part des conditions assez contraires à nos propres intérêts dans de nombreux domaines en particulier dans l'agriculture. L'accès aux marchés publics aux Etats-Unis est une clé aussi de la réussite ou non de l'accord. On a fixé des conditions qui rendront sans doute l'accord très difficile à conclure de la part des Américains qui veulent un accord très libéral, ce qui n'est pas notre volonté. Il [Obama, ndlr] n'est pas le maître de l'accord puisque pour qu'il y ait un accord, il faut justement l'accord des deux parties. Donc ce n'est pas M. Obama qui fixera les termes ni la durée dans laquelle devra se conclure l'accord. Les Américains voudraient bien avoir libre accès à tout en Europe, mais ils ne voudraient pas que les Européens aient un accès libre à tout aux USA. Donc un accord doit être de ce point de vue-là équilibré pour être régulier, acceptable. On veut également le respect de tout ce qui est appellations contrôlées. A l'Assemblée nationale, quand on a discuté de cela à la Commission des affaires européennes, il y avait déjà plusieurs communications qui avaient été faites, l'avis était unanime. Tout le monde dit: nous devons défendre un avis des Européens, défendre nos intérêts et s'ils ne sont pas bien respectés, à ce moment-là on sera contre l'accord ».
Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes à l'Assemblée nationale, a reçu l'autorisation de consulter les accords secrets du TAFTA. Elle se dit désormais persuadée que le Traité transatlantique ne sera pas une "bonne chose" pour la France. Les revendications de la France n'ont pas été prises en comptes, selon elle. Aucune garantie sur les appellations d'origine protégée ni sur l'équivalence du mode de vie français. Dans les tribunaux arbitraux, les juges ne seront pas indépendants, mais issus des grandes sociétés privées…
Une inquiétude croissante n'est pas propre qu'aux Français. Ils étaient quelque 35 000, selon la police, à Hanovre samedi 23 avril à demander l'abandon du traité de libre-échange. C'était la veille de la rencontre entre Barack Obama et Angela Merkel, lesquels s'entendent très bien sur le dossier. Les deux disaient ce weekend, leur volonté commune de signer le traité transatlantique avant la fin de l'année. Ils ont pourtant du mal à convaincre les citoyens et les politiques, que ce soit en Europe ou aux USA, où les rangs des opposants au traité transatlantique grossissent. Les deux principaux candidats à la succession d'Obama, Hillary Clinton et Donald Trump, se sont prononcés contre le TAFTA. Côté citoyens, la pétition "Stop TTIP" a déjà recueilli plus de 3.400.000 signatures. Une tendance vivement saluée par le député européen belge Marc Tarabella du Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen.
Ce n'est pas une décision prise rapidement. Elle ne sera prise avant l'élection américaine, ça c'est certain. Il faut qu'on ait le temps de faire analyser par nos spécialistes tous ces dossiers et des impacts, secteur par secteur, sur l'économie européenne qui a bien besoin d'être redressée et pas menacée ».
Au sein du gouvernement allemand, il n'y a pas d'accord malgré l'engagement de Merkel. Les négociations "vont échouer" sans concessions de Washington, avertissait dimanche le ministre allemand de l'Economie et de l'Energie, Sigmar Gabriel.
Ils sont plusieurs de gauche comme de droite à s'exprimer contre le Tafta en France. Jean Luc Mélecnhon dit « Non à l'annexion de pays européens par les multinationales ». Selon Marine Le Pen, le Tafta est « une bombe atomique économique » pour la France. Le président de la République laissait entendre que la France se réservait le droit de dire NON au Tafta si celui-ci ne respectait pas les intérêts du pays. "Hé ho, Barack Obama! Le TAFTA c'est réciproque ou c'est rien!", a résumé le premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis. Mais la France pourra-t-elle réellement se mettre à l'avant-garde de l'opposition au traité transatlantique et éconduire Obama sans lui offrir de cadeau de départ?
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