Elle est accusée d'avoir permis à des charlatans d'influencer la ligne politique de Séoul. En effet, on a découvert que l'entourage proche de la présidente comptait des membres de sectes, des voyantes et même un gigolo! L'une de ses principales conseillères était une chamane que la presse locale a baptisée la « Raspoutine sud-coréenne ».
Tout de même, le scandale actuel est sans précédent. Même l'opposition et le parti au pouvoir sont unanimes — ce qui est très rare pour la politique sud-coréenne et ses bruyantes querelles entre la droite et la gauche. La cote de popularité de Park Geun-hye chute rapidement et elle devrait visiblement battre prochainement le record de son prédécesseur Roh Moo-hyun (qui s'est suicidé à cause d'un scandale de corruption): à la fin de sa présidence, sa popularité avait chuté à 5%. Park Geun-hye est déjà tombée à 14% d'opinions favorables et est toujours en baisse.
Choi Soon-sil, 60 ans, est amie avec Park Geun-hye depuis les années 1970 quand elles avaient toutes les deux une vingtaine d'années. Son père Choi Tae-min est passé de moine bouddhiste à professeur protestant avant de fonder sa propre église qui semblait aux chrétiens coréens très douteuse sur le plan théologique.
Ce dernier a été marié six fois, a changé de nom sept fois, menait un business religieux très suspect et avait réussi à gagner la confiance de Park Geun-hye dont le père, le général Park Chung-hee, a dirigé la Corée du Sud de 1961 à 1979. C'est l'autorité de celui-ci, qui pour la plupart des Coréens n'était pas un dictateur mais plutôt l'auteur du miracle économique, qui a été un facteur décisif pour l'élection de Park Geun-hye en 2012.
Dans sa jeunesse, la présidente Park Geun-hye était étroitement liée à cette secte, ce qui explique sa disposition à obéir à Choi Soon-sil dans tous les domaines et à suivre aveuglément les conseils de son amie. Park Geun-hye était très solitaire, ne s'est jamais mariée et était très peu sociable. Le cercle étroit d'amis de jeunesse dont a fait partie Choi Soon-sil pendant toutes ces décennies était son unique soutien psychologique.
Depuis longtemps, la rumeur circulait en Corée du Sud que la présidente Park Geun-hye ignorait l'avis des membres de l'administration et des experts, préférant écouter les conseils d'individus peu connus du public. Après la révélation d'informations sur d'étranges dons à des fondations dirigées par Choi Soon-sil, les médias se sont intéressés à la situation.
En effet, l'ordinateur contenait de nombreux documents confidentiels que Park Geun-hye transmettait à son amie (ou guide religieuse?) pour en prendre connaissance et les rédiger. De plus, cela a permis d'identifier la composition exacte du groupe des conseillers de la présidente. On y trouve des personnalités hautes en couleurs comme Ko Young-tae, bel homme de 40 ans, champion d'escrime aux Jeux asiatiques de 1998 qui après avoir terminé sa carrière a endossé le rôle d'« homme de divertissements ». Il fournissait des services d'escorte dans les bars où se rendaient des femmes aisées à la recherche d'une compagnie masculine agréable. Quand Choi Soon-sil a divorcé, elle a établi une relation très proche avec Ko Young-tae et partageait souvent avec lui des secrets de l'administration présidentielle.
C'est visiblement sous l'influence des voyantes et des chamanes — voire sur leur indication directe — qu'il a été décidé de fermer la zone industrielle de Kaesong et de rompre totalement la coopération économique avec Pyongyang. C'est probablement l'une des plus graves erreurs de toutes les administrations sud-coréennes en ce qui concerne les questions relatives à la Corée du Nord.
L'affaire n'est pas dépourvue de corruption non plus: deux fondations de Choi Soon-sil ont ainsi reçu des dons importants de grandes compagnies dont les chefs d'entreprises connaissaient les liens entre Choi Soon-sil et la présidente, et espéraient ainsi obtenir des privilèges en retour. L'argent était formellement donné pour une cause noble — le développement du sport et la promotion de la culture de masse sud-coréenne à l'étranger. Mais dans les faits, une grande partie de ces fonds finissait dans la poche de Choi Soon-sil et de ses amis. On ignore encore les sommes concrètes détournées mais il est question d'au moins plusieurs dizaines de millions de dollars (voire de centaines). C'est toutefois moins la corruption que l'ingérence flagrante de charlatans dans la vie politique nationale qui a indigné le pays.
Park Geun-hye, qui a compris que la situation échappait à son contrôle, a tenu un discours pour reconnaître certaines infractions — comme il se doit en Corée du Sud. Mais sa repentance n'a pas aidé car la présidente n'a reconnu qu'une infime part de ses torts. Elle fera manifestement une nouvelle confession dans les jours à venir — comme en témoigne le retour hâtif de Choi Soon-sil d'Allemagne le 30 octobre et sa disposition à coopérer avec les enquêteurs après son arrestation.
On pourrait imaginer plusieurs scénarios pour l'avenir de la présidente.
Premièrement, la première destitution de l'histoire de la Corée du Sud est parfaitement envisageable. L'opposition dispose d'une majorité simple au parlement, qui ne suffit pas pour engager une telle démarche. Mais le mécontentement touche également le parti au pouvoir et il est donc tout à fait possible de réunir les deux tiers des voix nécessaires pour destituer le chef de l'État.
Troisième option: la création d'un gouvernement de coalition de compromis où le pouvoir reviendrait au premier ministre nommé par les partis gouvernementaux et d'opposition, alors que le président conserverait des fonctions purement protocolaires jusqu'à l'expiration de son mandat fin 2017.
Mais il se pourrait aussi que la tempête se calme et que tout revienne à sa place. Cependant, à en juger par le déchaînement des passions actuel, cette probabilité est très faible.
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