« Nous sommes en 2016 après Jésus-Christ. Toute l'Europe est occupée par les libre-échangistes. Toute? Non! Un petit village d'irréductibles Belges (francophones) résiste encore et toujours à l'envahisseur. Et la vie n'est pas facile pour les garnisons de Commissionum, Commercum, Transatlanticum et Libéralum. »
Catastrophe! Ce jeudi devait se tenir à Bruxelles un sommet Union européenne — Canada, en présence de Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, pour la signature en grande pompe dudit traité… et jusque-là les 27 autres pays-membres de l'UE étaient d'accord. Bref, les Belges gâchent la fête. Pourtant le 14 octobre ces mêmes Wallons avaient déjà montré leur désaccord vis-à-vis du texte actuel du CETA.
Et rien n'y fait. Samedi, Martin Schulz, le président du Parlement européen a tenté en vain une ultime médiation. Dimanche, la Commission a transmis de nouvelles propositions à Paul Magnette, des « propositions » que l'intéressé a considérées comme — je cite — « un document décevant ».
« J'espère que la Belgique prouvera une fois encore qu'elle est une vraie championne en matière de compromis » a déclaré Donald Tusk en marge d'un sommet européen jeudi 20 octobre, rapporte l'agence de presse belge Belga. Pour le Président du Conseil, un échec pourrait signifier la fin des accords de libre-échange négociés par l'UE. Une ligne reprise par la ministre canadienne du Commerce international, Chrystia Freeland, qui, visiblement très émue, déclarait vendredi 21 octobre à la télévision belge « il semble évident pour moi, pour le Canada, que l'Union européenne n'est pas capable maintenant d'avoir un accord international même avec un pays qui a des valeurs si européennes comme le Canada » alors que les Wallons demandent simplement plus de temps pour amender le texte.
D'ailleurs, la Roumanie et la Bulgarie, dissimulées derrière le refus des Wallons, en profitent pour exiger du Canada qu'il exempte ses citoyens de visas. Une requête totalement opportuniste, le CETA n'abordant pas du tout ces questions.
Cecilia Malmström, vous savez, celle-là même qui alors qu'elle était en charge des négociations sur le TAFTA, avait répondu froidement aux 3,2 millions de signataires de la pétition appelant à la fin de ces négociations, que, je cite « son mandat ne provient pas du peuple européen ».
Des pressions qui n'ont pas été du goût des principaux intéressés, « Cet ultimatum n'est pas compatible avec le processus démocratique » a déclaré le ministre-président Paul Magnette, à la tête du gouvernement socialiste de Wallonie, opposé au traité et qui s'indigne de l'incongruité du choix qu'on lui laisse, « On ne peut pas nous dire "ce traité est parfait, vous avez le choix entre oui et oui" » s'est-il indigné jeudi 20, dans les colonnes du Monde.
Mais reste à savoir si les Wallons tiendront bon face aux diverses pressions, mais aussi si les instances européennes s'embarrasseront de ce type de décisions démocratiques. En effet, ces dernières années les exemples de pieds de nez de Bruxelles à ses citoyens se sont multipliés.
En août, alors que l'Allemagne constatait l'échec des négociations sur le TAFTA, la France demandant également leur arrêt, Jean-Claude Juncker: avait annoncé que Bruxelles « continuera de négocier » avec les États-Unis, déclarant que « le mandat de la Commission européenne pour négocier ce traité reste pleinement valable. » Pour faire passer un traité « aux effets positifs » pour l'économie et l'emploi.
Les Belges pourtant, refusent aujourd'hui le CETA pour les mêmes raisons: les négociations secrètes et les tribunaux arbitraux: ces tribunaux jugés favorables aux multinationales et dont l'économiste Thomas Porcher résumait ainsi l'effet ce matin au micro de RTL: « Chaque fois que l'État voudra légiférer, il aura une épée de Damoclès au-dessus de la tête parce qu'il pourra, justement, être attaqué par une multinationale et payer des dommages, payés par le contribuable. »
En janvier 2015, alors que la grogne montait dans une Grèce en crise et qu'Alexis Tsipras était porté au pouvoir, Jean-Claude Juncker affirmait dans une interview accordée au Figaro « qu'il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. »
Autre illustration de cette tendance devenue une habitude: Alors qu'en 2005, Français et Hollandais refusaient la constitution européenne, le texte fut réadapté à l'occasion du traité de Lisbonne en 2008, cette fois-ci ratifié par les seuls parlements (excepté en Irlande ou un nouveau vote fut organisé un an plus tard). Une méthode héritée d'un référendum plus ancien, le traité de Nice: en 2001 le texte était rejeté par les irlandais à 54%, seize mois plus tard les irlandais seront rappelés aux urnes pour un vote plus concluant.
« Nous devons sauver Bruxelles de la soviétisation, de ces gens qui veulent nous dire comment nous devons vivre dans nos pays. »
Pour en revenir aux Belges, Jules César lui-même, dans ses « Commentaires sur la guerre des Gaules », écrivait: « De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves. » La négociation sur le CETA semble lui donner raison, à 2 066 ans de distance.
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