Le «swatting», canular téléphonique made in US

© AFP 2024 LIONEL BONAVENTUREPolice patrol in Paris on November 14, 2015 at the Eiffel Tower, which has been closed to the public following a series of coordinated attacks in and around Paris late November 13, that left at least 128 people dead.
Police patrol in Paris on November 14, 2015 at the Eiffel Tower, which has been closed to the public following a series of coordinated attacks in and around Paris late November 13, that left at least 128 people dead. - Sputnik Afrique
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Les auteurs présumés du canular téléphonique à l'origine du déploiement d'un impressionnant arsenal d'intervention, dans le quartier des Halles à Paris samedi, revendiquent sans aucune gêne leur exploit sur les réseaux sociaux. Le « swatting », canular téléphonique venu tout droit des Etats-Unis, a déjà fait parler de lui dans l'hexagone.

Tout l'arsenal d'intervention antiterroriste était mobilisé, de la BRI au RAID en passant par l'hélicoptère de la Sécurité civile. Samedi, en fin d'après-midi, le quartier des Halles est bouclé, en moins d'une heure, l'alerte attentat est déclenchée, des sites d'informations évoquent une prise d'otages, les réseaux sociaux s'enflamment, des mouvements de panique ont même lieu à proximité du site.

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A l'origine de tout cela ? Un attentat déjoué de justesse ? Deux djihadistes ? Non, deux internautes de 16 et 17 ans — « Tylers Swatting » et « Zakhaev Yamaha », auteurs d'un type particulier de canular. Peu après 15h30, l'un d'eux compose le numéro de la préfecture de Police et se fait passer pour le père Mathis, de la paroisse de St-Leu, retranché dans sa cave. Il décrit aux officiers une dizaine d'individus armés de type maghrébin — et tout de noir vêtus — ayant fait irruption dans son église avant de prendre près de vingt otages.

La réaction des forces de l'ordre est immédiate, les unités antiterroristes se déploient et bouclent le quartier en quelques minutes, avant de se rendre à l'évidence : aucune prise d'otages n'est en cours. Une « fausse alerte » confirmera plus tard Bernard Cazeneuve, quant au porte-parole du ministère de l'Intérieur, Pierre-Henry Brandet, il fustige « des comportements totalement irresponsables. »

« On a fait ça pour le buzz, si les gens ont eu peur c'est leur problème » expliquent par téléphone les deux ados à l'Obs. Car les deux jeunes ne se cachent pas, bien au contraire, sous le couvert de leurs pseudonymes, dès les premiers instants, ils vantent leur exploit sur les réseaux sociaux :

« J'ai fait le pire SWATT, j'ai fait déplacé des hélicos, le gouvernement, 50 voitures de flics, j'suis passer en premier sur twitter, j'suis passer sur périscope, j'suis passé sur facebook, je suis passé sur BFMTV et 10 journal hihi #églisefuck #flicKO », fanfaronne sur Facebook « Tylers Swatting » dans un français grammaticalement approximatif.

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Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la cible n'était pas choisie par hasard : « Le projet initial était de "swatter" une mosquée mais après Saint-Etienne-du-Rouvray on s'est dit que ça marcherait mieux avec une église. » Un plan prémédité, donc. Comme ils l'expliquent aux journalistes de l'Obs, ils ont continué à parler à plusieurs officiers de Police, auxquels ils ont fourni pléthore de fausses informations afin de les tenir en haleine. Une conversation téléphonique de plusieurs dizaines de minutes, retransmise sur les réseaux sociaux.

Mais qu'est-ce que le « swatting » ? Guillaume Champeau, fondateur de Numérama, en dresse une bonne définition : « activité idiote et dangereuse consistant à faire déplacer les forces de police, généralement chez un particulier, en invoquant une fausse menace à la bombe, à la prise d'otages ou au meurtre. »

La raison de ces canulars stupides ? Par esprit revanchard, des joueurs en ligne ayant du mal à digérer leurs défaite rassemblent un maximum d'informations sur leurs vainqueurs, à commencer par leur adresse IP depuis laquelle ils retrouvent adresse physique et numéro de téléphone, jusqu'à aller puiser des informations plus personnelles dans les mines que constituent les réseaux sociaux et qui leur serviront à convaincre le SWAT — l'équivalent local du RAID — d'intervenir au domicile de l'intéressé, si possible alors que celui-ci est en plein jeu.

Si c'est encore un OVNI sur la scène médiatique française, le « swatting » est devenu un véritable phénomène outre-Atlantique où il est régulièrement dénoncé, comme en août 2014, lorsque Jordan Mathewson — alias « Kootra » — un joueur invétéré de Counter-Strike, voit le SWAT débarquer en force à son domicile de Littleton dans le Colorado, le poussant à interrompre sa partie suivie en direct par 3 000 personnes, après qu'un internaute anonyme l'ait désigné comme « tireur fou » et « poseur de bombe ». Une intervention qui aura provoqué l'évacuation de plusieurs établissements scolaires des environs.

Quelques mois plus tôt, un autre adolescent, de 17 ans, Rafael Castillo fait à son insu la Une des médias américains, lorsqu'il voit sa partie de Call of Duty prendre une tournure très réaliste au moment où le SWAT — hélicoptère et véhicule blindé à l'appui — investit le domicile familial à Long Island.

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Le SWAT a été dépêché sur place après avoir reçu un appel téléphonique d'un adolescent affirmant qu'il venait de tuer sa mère. Il s'agissait en fait du perdant qui entendait se venger d'une partie perdue.

En France, c'est le streamer « Bibix » — de son vrai nom Hubert Skrzypek — qui créer un précédent en la matière, en février 2015, alors qu'il diffusait sa partie de DayZ sur Twitch — une plate-forme de diffusion appartenant à Amazon — la Brigade de protection des mineurs fait irruption à son domicile pour l'arrêter manu militari, lui et sa compagne alors que la webcam filmait toujours…

Mais si ces situations peuvent parfois prêter à sourire, les conséquences n'en sont pas moins graves. Car il s'agit bien d'actes réalisés avec l'intention de nuire: le « swatting » ce sont des drames, comme celui du père de Benoit le Corre — Journaliste à Rue89 — victime à l'été 2014 des canulars du harceleur franco-israélien Grégory Chelli, alias « Ulcan », qui après lui avoir fait croire que son fils était mort, a provoqué une descente musclée du GIGN à son domicile au beau milieu de la nuit. L'homme, fragile du cœur, est victime quelques jours plus tard d'un infarctus, dont il décédera.

Grégory Chelli, dont l'un des auteurs du canular de samedi se dit « fan », se présente comme « Sergent de l'Armée de défense d'Israël ». Gregory Chelli s'est toutefois désolidarisé des deux adolescents, qu'il décrit à LCI comme étant des amateurs « immatures ». Il écrit d'ailleurs sur Facebook à l'un d'eux « en continuant d'enquêter sur toi, j'ai vu qu'en fait tu n'es pas juif », avant de divulguer le numéro de téléphone de l'ado.

Les deux complices encourent, tous les deux, deux ans fermes et 30 000€ d'amende après l'ouverture par le Parquet de Paris d'une enquête pour « dénonciation de crime imaginaire » et « divulgation de fausses informations afin de faire croire à une destruction dangereuse ». Pourtant, ils ont déjà donné l'avant-goût d'un agenda bien rempli, ne « craignant pas la prison », ils annoncent leur intention de semer le chaos lors du prochain salon des jeux vidéo, fin octobre.

Avant de finir, un petit mot quant à l'application SAIP — Système d'alerte et d'information aux populations — elle a cette fois-ci réagit en temps et en heure… contrairement à ce qui s'était passé lors des attentats de Paris et de Nice. Voir même trop vite, annonçant « église — alerte attentat », laissant penser que l'attentat avait déjà eu lieu. Et pour la prochaine alerte ? Sera-t-elle prise au sérieux après que « Tylers Swatting » et « Zakhaev Yamaha » se soient amusés à crier au loup ?

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