Malgré le fait que l'adoption d'une loi autorisant les victimes des attentats du 11 septembre à poursuivre en justice l'Arabie saoudite aurait pu être rejetée par le président américain, et en dépit de l'opposition de la Maison Blanche, le sénat américain a voté unanimement en faveur du projet de loi.
Est-ce un point final? Loin de là!
Il ne faut pas oublier l'opinion de la partie adverse. Les monarchies du Golfe, l'Arabie saoudite en tête, ont contesté la loi du Congrès américain. Le Maroc l'a aussi dénoncé immédiatement: « En aucun cas les actes terroristes de certains individus ne peuvent être reprochés à leur pays d'appartenance », a commenté dans un communiqué le ministère marocain des Affaires étrangères.
Ce projet de loi a toujours été l'incarnation de ce torchon virtuel qui brûlait entre les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite.
Anne Deysine, spécialiste des questions politiques et juridiques aux Etats-Unis, professeur de l'Université Paris Ouest Nanterre, précise:
« L'Arabie Saoudite ne peut rien faire. Mais elle se rend bien compte que le Président Obama va sans doute poser son veto. Il faut comprendre les membres du Congrès: ils suivent l'opinion publique, les attentats terroristes ont été un choc terrible. Il est certain que quand on leur propose de voter un texte qui permettrait aux familles de rechercher la responsabilité des Saoudiens, ils votent ce texte. »
La raison pour laquelle le président américain veut apposer son veto, c'est la question de « l'immunité des états » Un état est souverain et apriori il ne peut pas être devant un tribunal étranger. Or, c'est ce que propose la loi, parce que ça permettrait aux victimes américaines de rechercher la responsabilité des Saoudiens devant les tribunaux américains. Quelque part, c'est une atteinte au principe fondamental du droit international, à la souveraineté.
« Les Américains et le président Obama craint qu'en rétorsion, les Saoudiens pourraient rechercher la responsabilité des Américains sur certains dossier, » — affirme l'expert.
Le chantage va bon train, et en avril dernier, l'Arabie saoudite a mis en garde les Etats-Unis en brandissant la menace de la vente de 750 milliards de dollars d'actifs américains (667,1 mds EUR) si le Congrès votait le projet de loi.
Les dés sont désormais jetés et la bataille juridique semble engagée entre familles des victimes et intérêts pécuniaires américains.
« Le droit international repose sur le principe de courtoisie des nations et de la réciprocité. — rappelle Anne Deysine, — Jusqu'ici tous les états admettent ce principe de souveraineté. A partir du moment que les Etats-Unis font une brèche dans ce principe, les autres états pourraient avoir envie de faire de même. Et ça permettrait aux victimes de drones ou de bombardements de rechercher la responsabilité des officiels américains et du gouvernement américain. »
En vertu des lois américaines actuelles, plusieurs nations étrangères jouissent d'un certain degré d'immunité et leurs ressortissants ne peuvent donc pas être poursuivis par la justice américaine. La loi sur l'immunité des autorités étrangères souveraines de 1976 est l'une des raisons pour lesquelles les familles des victimes des attentats du 11 septembre 2001 n'ont pas été en mesure de traduire en justice des membres de la famille royale saoudienne et certains organismes de charité soupçonnés d'avoir soutenu financièrement les attaques.
La loi présentée au Sénat lèverait cette immunité.
Mais, au vu des tiraillements et conflits d'intérêts autour de la « Loi contre les sponsors du terrorisme », la bataille n'est pas encore gagnée.