Un texte qui "très probablement servira de base à la réaction officielle de la Russie sur les résultats de l'enquête du parquet hollandais" a été publié par la revue russe Novaya gazeta.
Selon le quotidien, le document serait fondé sur les conclusions des experts du consortium russe Almaz-Anteï, producteur des missiles sol-air Bouk.
Le texte fournit des preuves à l'appui des thèses de la partie russes avancées en octobre 2015 lors de la conférence de presse Almaz-Anteï.
Un missile, mais pas "un nouveau missile qui appartient à la Russie"
La thèse phare du groupe Bellingcat est la suivante: le missile ayant abattu le MH17 était non seulement un missile Bouk, mais son nouveau modèle utilisé par l’armée russe (9M317) et qui n'équipe pas l'armée urkainienne. Cette thèse est invalidée.
En effet, les trous, cités dans le rapport, retrouvés dans des fragments de l'avion se distinguent totalement de ceux qui auraient été provoqués par l'explosion d’une ogive 9M317 et ceci, par la forme comme par la taille.
De surcroit, le groupe international Bellingcat estime que les poutrelles retrouvées sur les lieux du crash en sont la preuve.
Pourtant, un missile de type 9M317 n'est pas composé de poutrelles mais de parallélépipèdes. En outre, les trous retrouvés dans plusieurs fragments de l'avion font 13 ou 14 mm de diamètre alors que les éléments mécaniques du 9M317 sont sensiblement plus petits.
"Le nouveau missile n'a jamais été doté de poutrelles ou d'élément mécaniques lourds qui pourraient provoquer des trous de 13 et 14 mm", lit-on dans le rapport.
Aussi l'existence-même de ce type de perforations démontrée lors de la présentation du rapport néerlandais exclut-elle d'emblée toute implication du nouveau missile russe 9M317.
L'endroit du tir
Les auteurs du rapport soulignent avant tout que l'affirmation du groupe Bellingcat selon laquelle l'endroit du tir (la ville de Snejnoe où se trouvaient des unités de la république populaire autoproclamée de Donetsk (DNR)) n'a rien à voir avec les aspects techniques de l'enquête.
Le 31 juillet, l'entreprise russe d'armement Almaz-Anteï a réalisé une expérience grandeur nature en faisant exploser un missile 9M38M1 d'un "Bouk-M1" près d'un avion retiré du service pour fournir sa propre version de l'incident.
Les spécialistes du groupe ont fait exploser une ogive 9N314M d'un missile 9M38M1 qui équipe un Bouk près de boucliers d'aluminium imitant le fuselage d'un avion. L'explosion a été réalisée comme si le missile avait été tiré non pas de Snejnoe, comme le supposent les Etats-Unis et l'Ukraine, mais de Zarochtchenskoe, s'appuyant ainsi sur la théorie d'Almaz-Anteï formulée en juin. Une fois l'expérience réalisée, les spécialistes ont entré les trajectoires des fragments dans une simulation informatique de Boeing 777 et ont constaté des dommages identiques. Les informations sur cette expérience ont été transmises début août à la commission néerlandaise mais, selon le directeur général d'Almaz-Anteï Ian Novikov, elles ont été ignorées.
Les auteurs du texte soulignent que si le missile avait été lancé depuis Snejnoe, le fuselage du Boeing aurait été entièrement percé.
Le Bouk n'est plus classé secret
Les expériences d'Almaz Anteï révèlent que les spécialistes hollandais ont souvent eu recours à des données erronées sur les missiles Bouk. C'est pourquoi la Russie a pris une décision sans précédent en ordonnant de déclassifier le dossier secret Défense du Bouk et de livrer à la commission hollandaise les caractéristiques réelles du système.
"Toutes les informations sur les missiles 9M38 et 9M38M1 demandées par les spécialistes hollandais ont été transmises à la commission".
Manipulations des données techniques
Les auteurs du texte réfutent l'argument principal retenu contre "la version de Moscou" par Bellingcat, à savoir "l'opinion des experts techniques".
"Les spécialistes de l'entreprise ont des réclamations à faire au sujet de la mise en place de l'enquête technique. Comme mentionné précédemment, suite à la demande des experts de la commission hollandaise, "Almaz-Antei" a fourni les données techniques nécessaires sur le système de missile "Bouk". Pourtant, certaines caractéristiques techniques fournies aux experts de la commission qui ne s'inscrivaient pas principalement dans la "version de base" ont été ignorées ou déformées", lit-on dans le texte.
Ainsi, les caractéristiques des paramètres de la destruction de l'ogive de combat 9N314М ont été rejetées "sans explications particulières" et ont été remplacées par des données reçues d'autres sources.
Peskov regrette que personne ne suive l'exemple de la Russie dans l'enquête sur le MH17.
"En outre, au cours de l'enquête sur les conditions techniques de la catastrophe aérienne, la mise en ligne de tous les fragments n'était pas terminée au moment où le rapport a été publié. Une partie des éléments de l'avion n'ont pas fait l'objet d'une reconstitution et leurs endommagements n'ont pas été pris en compte au cours du travail", remarque-t-on dans le texte.
"Mais ce qui est le plus frappant, c'est ce qui est arrivé aux éclats et fragments du missile. Il n'y a pas que le nombre d'éclats qui a changé mais aussi ses caractéristiques. Par exemple, le premier éclat déclaré comme celui correspondant à la poutrelle 21, pesait de 5,5 grammes en février 2015, mais selon le rapport (qui date d'octobre 2015), sa masse est de 6,1 grammes", lit-on dans le document.
Pourtant, selon le texte, les spécialistes ne savaient rien des fragments du missile retrouvés jusqu'au mois d'août 2015.
"Dans un projet de rapport final, transmis officiellement à la Fédération de Russie, il n'y a même pas de mention de ces fragments. Ils ne sont apparus qu'après l'achèvement des travaux de la commission, après l'harmonisation des remarques au projet du rapport, et ce n'était que sous forme de photos. Voici pourquoi les spécialistes n'ont même pas pu examiner ces fragments, sans parler des recherches et expertises".
En critiquant les schémas des trajectoires possibles du missile Bouk présenté par "Almaz-Antei", le groupe d'enquête Bellingcat manipule les faits et essaye, par le biais de moyens détournés, de faire en sorte que "la Russie soit coupable".
"Visiblement, il s'agit là d'un exemple de l'utilisation abusive des "nouvelles technologies de l'information", lit-on dans le texte du document.
Le Boeing 777 de la Malaysia Airlines reliant Amsterdam à Kuala Lumpur s'est écrasé dans le Donbass le 17 juillet 2014, faisant 298 morts. Fin février 2016, le groupe d'enquête international Bellingcat a publié un rapport intitulé "MH17: suspects et témoins potentiels de la 53e brigade de missiles antiaériens". Selon les auteurs de ce document, le système de missiles sol-air Bouk qui a abattu le Boeing malaisien avait été introduit dans le Donbass par les militaires russes.