Et si à l'époque Barack Obama n'avait pas "reculé devant la force" (il n'y a jamais eu autant d'intervention extérieures américaines que sous son mandat), mais accepté une meilleure solution proposée par la Russie? Il est vrai qu'ils n'avaient guère le choix à ce moment, sauf à passer pour des va-t-en guerre, Moscou ayant réduit à néant le motif de leur possible intervention militaire.
C'est en effet ce qui avait été affirmé à l'époque. Mais M. Michel Colomès ne lit-il pas le Point? Cet excellent confrère a été parmi les rares médias français à se faire l'écho du rapport du MIT qui disculpe le pouvoir syrien de ce crime.
Ce d'autant que d'autres voix discordantes se sont fait entendre pour apporter une version de cette tragédie différente de celle qui est encore considérée comme la version officielle.
Au delà des études scientifiques du MIT, imagine-t-on Bachar el-Assad assez inconscient pour franchir cette fameuse ligne rouge qu'Obama avait tracée en 2012, suite à l'aveu même de Bachar el-Assad qu'il possédait de telles armes? S'il était à l'époque dans une situation militaire difficile, se rajouter un ennemi aussi puissant que les États-Unis semble un choix pour le moins hasardeux. À l'inverse, on ne peut s'empêcher de rappeler qu'à l'époque Assad était dans le collimateur de Washington, qui cherchait clairement une raison pour intervenir et parachever dans ce pays le Printemps Arabe par la destitution du dirigeant syrien.
Le rapport de l'ONU semble sujet à caution. La Russie affirme que les "preuves" impliquant le pouvoir de Damas dans des attaques au chlore, avancées dans le rapport, ne sont en fait que des faisceaux de présomptions.
Comme souvent, il ne faut pas oublier les possibles arrière-pensées politiques derrière les accusations émises à l'encontre de Damas.
Bref, à ce stade, il semble prématuré de prendre pour argent comptant ce rapport et d'en tirer la conclusion que des sanctions à l'égard de Damas, voire une offensive armée, sont indispensables. Et si la France et le Royaume-Uni évitaient de jouer les va-t-en guerre sur la base d'accusations non vérifiées, comme ils l'avaient fait en 2013?
En passant, la présentation de la bataille d'Alep est systématiquement biaisée dans les médias occidentaux. N'oublions pas que ce sont les "rebelles" —en fait des factions extrémistes liées à Al-Nosra- qui ont attaqué la ville, en tiennent quelques quartiers périphériques — et tentaient d'en conquérir le reste. Dans cette bataille, c'est l'armée gouvernementale qui tente de briser un siège.
S'il est clair que l'intervention de l'aviation russe a permis au pouvoir syrien de reprendre l'initiative sur le terrain, il est également clair qu'elle a démontré qu'en s'attaquant aux terroristes, ils pouvaient reculer. Elle a obtenu plus de résultats en quelques mois de campagne aérienne que la coalition internationale en deux ans.
Mi-mars, la Russie annonçait en effet avoir détruit des dizaines de milliers de cibles de Daech ou d'autres groupes combattants. Plus concrètement, l'armée syrienne soutenue par l'aviation russe avait à cette date repris contrôle de 10.000 km carrés de territoire, le tout en quatre mois et demi.
De son côté, la coalition internationale a mené en Syrie 2579 frappes entre septembre 2014 et septembre 2015. Si la coalition internationale affirme avoir tué plus de quinze mille combattants de l'État islamique depuis le début de la campagne aérienne, elle n'a su ni empêcher la prise de Palmyre par une colonne blindée de Daech progressant en ligne droite sur une autoroute de quelques centaines de kilomètres en plein désert, ni endiguer sérieusement le trafic de pétrole de l'État islamique, assuré lui aussi par des norias de camions…
Encore le côté va-t-en guerre. Est-ce vraiment un cafouillage que d'avoir trouvé une solution diplomatique?
Étonnant, on cite le rapport de l'ONU comme parole d'évangile dans ce cas de figure, en oubliant de préciser que selon l'OIAC, le démantèlement du stock d'armes chimiques d'Assad a été mené à bien et s'est achevé en janvier, comme le rappelle la Tribune de Genève en fin de cet article.
Rappelons que l'OIAC (l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques) est co-auteur du fameux rapport de l'ONU qui incrimine le pouvoir légal syrien.
La réponse est dans la question. Michel Colomès suppose ici qu'il est dans l'intérêt de la Russie de soutenir la Syrie coûte que coûte et qu'elle renoncera à exercer des pressions sur son allié levantin. C'est faire peu de cas de celles déjà exercées par Moscou sur Damas dans l'affaire de l'arsenal chimique.
Il s'agirait en effet du Harakat Nour al-Din al-Zenki, allié d'Ahrar al-Cham (ex-Front al-Nosra).
Front Al-Nosra, antenne locale d'Al Qaeda, que les États-Unis trouvent fréquentables… Pas d'indignation exagérée non plus quand Daech emploie du gaz moutarde dans cette même région d'Alep les 3 et 17 août 2016.
Certes, Daech figure en tête de liste des ennemis à abattre et les attaques au gaz sont loin d'être les pires des atrocités commises par ce groupe responsable de génocides, de tortures, d'esclavage… pour autant, leurs confrères d'Al-Nosra et d'autres groupes qualifiés de "modérés" n'ont pas grand chose à leur envier et passent pourtant sous le radar de l'indignation de notre confrère.
Bref, ce sont moins les armes chimiques qui semblent être dans son collimateur qu'Assad et Poutine.