Local News: Ghanaian-born ISIS jihadi jailed in Germany,Believing he was answering a holy call, Harry Sarfo left… pic.twitter.com/gcalbojPjO
— Ghananewsline (@Ghananewsline1) 4 августа 2016 г.
"Emni cumule les fonctions de police, de renseignement et gère l'exportation du terrorisme", explique-t-il. Cette structure à plusieurs niveaux dirigée par Abou Mohammed al-Adnani — en alternance principal propagandiste de l'organisation terroriste Daech — planifie des attentats dans différentes régions de la planète dont l'Europe, l'Asie et les pays arabes.
D'après les dépositions des extrémistes lors de leur arrestation, Emni a carte blanche pour recruter aussi bien des novices que des combattants aguerris des unités d'élite de Daech. Les futurs terroristes sont sélectionnés en fonction de leur citoyenneté et sont rassemblés en groupes réduits, dont les membres se rencontrent souvent pour la première fois juste avant de partir en mission.
Le recrutement
Dès que les recrues intègrent l'organisation terroriste, elles sont placées dans des résidences dont la majorité se trouve à proximité de la frontière turque. Elles sont interrogées et inscrites sur des listes.
Sarfo a d'abord suivi la procédure de prélèvement des empreintes et d'un échantillon de sang, ainsi qu'un examen physique. Il a ensuite été interrogé par un homme avec un ordinateur portable. "Il me posait des questions ordinaires: mon nom, l'origine de ma mère, mon niveau d'études, mes ambitions et qui je rêvais de devenir", se souvient le terroriste raté.
Sarfo a rempli un questionnaire et le troisième jour de son séjour dans le "califat", il a rencontré les agents d'Emni. "Ils disaient manquer d'hommes en Allemagne prêts à commettre des attentats. D'abord, tout allait bien. Puis un par un les agents ont refusé de coopérer. Ils ont eu peur, tout simplement. La même chose s'est produite en Angleterre", raconte-t-il.
Depuis l'apparition de Daech, les renseignements occidentaux recueillent peu à peu des informations sur Emni. Initialement, cette structure s'occupait uniquement de la sécurité intérieure, y compris de la lutte contre les espions, avant de prendre progressivement en charge l'organisation de la terreur à l'étranger.
"Emni assure la sécurité intérieure de l'État islamique et envoie des hommes à l'étranger pour commettre des attentats similaires à la fusillade du musée du Bardo à Tunis en mars 2015", témoigne Nicolas Moreau, 32 ans, arrêté par le service de contrespionnage français l'an dernier alors qu'il revenait du territoire de Daech.
Ce Français tenait un restaurant dans la ville syrienne de Raqqa, de facto capitale du "califat" autoproclamé. Son établissement était fréquenté par des dirigeants clés d'Emni comme Abdelhamid Abaaoud, organisateur des attentats de Paris.
Selon le terroriste, Emni a créé de nombreuses cellules dormantes en Europe qui agissent comme des centres de coordination, envoyant à distance des ordres aux terroristes kamikazes abreuvés de propagande islamiste. Ils maintiennent le contact via des islamistes néophytes qui n'ont pas encore attiré l'attention des renseignements.
"Il serait bien plus simple de recruter des hommes directement aux USA et au Canada par l'intermédiaire des réseaux sociaux. Les islamistes pensent que les Américains sont stupides parce qu'ils vendent des armes librement. Nous pouvons facilement inculquer des idées extrémistes à une recrue potentielle et si la police ne s'est jamais intéressée à lui, il pourrait facilement acheter une arme. Nous n'avons pas besoin de chercher un moyen de leur en fournir", explique l'ancien terroriste.
L'entraînement
Ce schéma force les combattants à réduire au maximum leur durée de formation et beaucoup n'apprennent que le minimum — parfois l'instruction au maniement des armes ne prend que quelques jours. "De retour en France ou en Allemagne, ils peuvent simplement prétendre être partis prendre des vacances en Turquie. Plus on reste longtemps sur le territoire de Daech, plus il y a de risques d'être suspecté par les renseignements occidentaux", explique Sarfo.
Ce dernier a particulièrement intéressé les recruteurs d'Emni car il parlait allemand et anglais. La cellule secrète l'a contacté plusieurs fois pour lui faire comprendre qu'il serait utile en Allemagne, mais Sarfo opposait un refus systématique.
Enfin, probablement pour ses qualités physiques (1m85 et 129 kg, même s'il a beaucoup maigri depuis), Sarfo a été transféré dans les forces spéciales Kowat Khasa où n'étaient recrutés que des hommes célibataires promettant de ne pas se marier avant la fin de la formation. Kowat Khasa est une force de choc agissant lors de l'assaut des villes, et sert de réserve d'unités d'élite pour les renseignements.
"Il était interdit de se laver jusqu'à nouvel ordre. Deux bocaux d'eau étaient déposés chaque jour pour une grotte de six personnes. C'était un test — ils voulaient voir qui tiendrait le coup, qui aurait suffisamment de motivation", décrit-il.
Les entraînements étaient exténuants: pendant des heures les recrues couraient, sautaient, faisaient des pompes et rampaient. Certains perdaient connaissance. Ceux qui ne tenaient pas le rythme n'étaient pas ménagés: une recrue qui avait refusé de se lever à cause de la fatigue a notamment été attachée à un poteau par les bras et les jambes.
La semaine suivante, chacun recevait une Kalachnikov qu'il ne devait jamais quitter, même la nuit. Il fallait considérer l'arme comme son troisième bras.
Au total, le programme de ces forces spéciales comprend 10 niveaux de préparation. Après le passage réussi du deuxième niveau, Sarfo a été envoyé dans un autre camp, sur une île du fleuve Tabqa. Il dormait dans un terrier sous les branches, a appris à nager, à plonger et à se repérer grâce aux étoiles.
Pendant sa formation, Sarfo communiquait en permanence avec des combattants étrangers. Dans le premier camp, il courait avec des Marocains, des Égyptiens, un Indonésien, un Canadien et un Belge. En arrivant sur l'île, il a appris qu'il existait d'autres unités de ce genre, par exemple Jaysh al-Khalifa ("Armée du califat").
Le "parrain" des terroristes
Pendant les entraînements, Sarfo s'est lié d'amitié avec l'émir du camp, un Marocain qui lui a révélé qui était derrière toutes les opérations d'Emni: Abou Mohammed Al-Adnani.
Adnani, 39 ans, est originaire de Binnish au nord de la Syrie. Sa tête a été mise à prix par le département d'État américain pour 5 millions de dollars et c'est pratiquement tout ce qu'on sait de lui — on ne dispose même pas de photos récentes de lui. Il est avant tout connu comme le porte-parole de Daech qui a appelé les musulmans du monde entier à "tuer des infidèles où qu'ils soient".
Quand les soldats d'élite achèvent le 10e niveau de formation ils sont envoyés, les yeux bandés, à la rencontre d'Adnani. Sans le voir, ils lui prêtent alors serment de loyauté personnelle.
"Adnani est bien plus que la voix de Daech. C'est une figure clé dans l'organisation des opérations à l'étranger. C'est lui qui approuve en dernière instance les plans élaborés en détail par ses subordonnés", affirme Thomas Jocelyne de la fondation pour la défense de la démocratie à Washington.
Un jour, Sarfo a été approché par plusieurs autres extrémistes d'Allemagne lui demandant de tourner dans une vidéo de propagande de cinq minutes en allemand. Tout le monde est alors parti à Palmyre pour tourner une scène dans laquelle Sarfo marchait devant la caméra avec le drapeau noir de Daech sur plusieurs prises. Puis les terroristes ont mis à genoux des soldats syriens faits prisonniers avant de les exécuter. Selon Sarfo, l'un des islamistes s'est ensuite tourné vers lui pour demander: "Alors, tu en penses quoi? J'étais bien quand je tirais?"
C'en était trop. Sarfo avait eu ses premiers doutes lors des entraînements exténuants, quand il avait vu le traitement réservé à ceux qui ne pouvaient pas tenir. Mais il a surtout été déçu par les tournages, notamment les nombreuses prises. C'est sous l'influence d'une telle vidéo qu'il était parti en Syrie, persuadé que les images étaient réelles et non scénarisées.
Il a alors décidé de fuir. Harry Sarfo a mis plusieurs semaines à traverser le territoire de Daech avant de franchir la frontière turque avant d'être arrêté à l'aéroport de Brême le 20 juillet 2015. Il a tout avoué et purge actuellement une peine de 3 ans de prison pour terrorisme.
Les assistants
Parmi les plus curieuses nouveautés de Daech l'implication d'étrangers dans la planification des attentats, notamment d'Européens.
"C'est un schéma opérationnel inédit et intéressant — s'appuyer sur quelqu'un comme Abaaoud ayant son propre réseau à l'étranger. Il reçoit une autonomie tactique même si les opérations doivent tout de même être approuvées par le commandement de Daech", explique Jean-Charles Brisard, président du Centre d'analyse du terrorisme de Paris.
Au sein de la direction actuelle d'Emni, les enquêteurs s'intéressent essentiellement à deux conseillers très proches d'Adnani: le Français Abou Souleymane et le Syrien Abou Ahmad, qui contrôlent la sélection des hommes pour les attentats à l'étranger, choisissent les cibles et prennent en charge l'approvisionnement et la logistique — notamment le paiement des contrebandiers.
Les services secrets occidentaux ont découvert le rôle d'Abou Souleymane après les attentats de Paris grâce au témoignage de l'un des otages détenus par les terroristes au Bataclan. Selon David Fritz-Goeppinger, 24 ans, un terroriste aurait demandé à un autre: "Doit-on appeler Souleymane?" Le second aurait insulté le premier d'avoir parlé français en ordonnant de passer à l'arabe. "J'ai immédiatement compris que si ce n'était pas l'homme qui avait planifié l'attaque, c'était forcément leur chef direct. Ils agissaient effectivement comme des soldats en attendant des ordres", explique David.
Le pseudonyme complet de Souleymane est Abou Souleymane al-Faransi (le Français). Selon les informations disponibles, il a plus de 30 ans et est de citoyenneté française avec des origines marocaines ou tunisiennes. Selon les experts britanniques, après la mort d'Abaaoud il a été chargé de la planification des opérations en Europe.
Haddadi raconte être arrivé en Syrie en février 2015 où il a travaillé en tant que cuisinier pendant plusieurs mois avant d'être contacté par Emni: "Un jour, un Syrien est venu dans ma cuisine pour dire qu'un certain Abou Ahmad voulait me voir". Il a été amené dans une maison inconnue dont le gardien a contacté Abou Ahmad par radio. Après plusieurs heures d'attente, il leur a été ordonné de partir dans un autre endroit où ils ont été reçus par un Saoudien vêtu tout en blanc, qui a proposé à Haddadi de se promener en ville.
"Il ne disait que du bien de moi. Que Daech croyait en moi, et que désormais je devais justifier cette confiance. Il a dit que Daech comptait m'envoyer en France et que j'apprendrais tous les détails sur place", raconte Haddadi.
Puis ils ont été rejoints par Abou Ahmad — un Syrien d'environ 40 ans, maigre, avec une longue barbe noire, habillé en noir, "habitué à donner des ordres", comme l'a décrit Haddadi.
Haddadi maintenait le contact avec Abou Ahmad via l'application de messagerie Telegram et à l'aide de SMS sur son numéro turc. Après l'arrestation de Haddadi, il s'est avéré que les renseignements connaissaient déjà le numéro d'Abou Ahmad: ils avaient découvert un papier avec son numéro dans la poche du pantalon recouvrant la jambe arrachée d'un kamikaze près du Stade de France.
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