De nos jours, les groupes terroristes, qu'il s'agisse d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ou de l'Etat islamique (EI ou Daech), quittent leurs bastions traditionnels du nord-ouest africain et partent à l’assaut des villes les plus paisibles de l'Afrique de l'Ouest, constatent les analystes.
Ainsi, l'extrémisme menace aujourd'hui le Sénégal, pays majoritairement musulman, bien connu pour sa tolérance religieuse exceptionnelle. Cette ancienne colonie française qui n'a pas souffert jusqu'à tout dernièrement d'un incident terroriste majeur, prend aujourd'hui des mesures de sécurité sans précédent devant les hôtels et de nombreux bâtiments publics.
Le Sénégal a longtemps été épargné par les djihadistes qui ont frappé d'autres pays d'Afrique de l'Ouest. Aussi, à Dakar, capitale sénégalaise, où boîtes de nuit et mosquées coexistent pacifiquement, la violence islamiste a longtemps été perçue comme un problème étranger.
"Ici, vous pouvez passer vos nuits à boire en discothèque, puis serrer la main de l'imam", a déclaré devant les journalistes Abdullaye Diene, un imam de la plus grande mosquée du Sénégal.
Quoi qu'il en soit, depuis un certain temps, les terroristes ont tué des dizaines de personnes dans leurs attaques lancées contre hôtels, cafés et stations balnéaires en Afrique de l'Ouest, en traversant sans problèmes les frontières poreuses entre les pays.
"Le terrorisme en expansion rapide s'approche de plus en plus du Sénégal", prévient la conseillère du président sénégalais Aminata Touré, ancienne premier ministre du pays.
En Afrique de l’Est, les terroristes d'Al-Shabbaab, basés en Somalie, ont effectué des massacres au Kenya voisin, tuant plus de 200 personnes et dévastant complètement l'industrie du tourisme. Les djihadistes de Boko Haram au Nigeria se sont rendus au Niger, au Tchad et au Cameroun. En Afrique du Nord, Daech et ses affiliés ont occupé de vastes territoires en Libye et ont lancé des attaques en Tunisie et en Egypte.
"Le Sénégal ne sera jamais en sécurité s'il n'y a pas de sécurité au Mali, au Nigeria, au Burkina Faso et dans toute la région (de l'Afrique de l'Ouest, ndlr) et au-delà dans le Sahel", a averti Mankeur Ndiaye, ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur.
Pendant de très longues années, les terroristes d'AQMI ont rôdé dans les déserts du nord du Mali et de l'Algérie mais changent aujourd'hui de stratégie. Au lieu de combattre les troupes françaises ou les casques bleus dans le nord du Mali, ils s'élancent dans des attaques à des centaines de kilomètres de leurs bases traditionnelles au Sahel pour s'attaquer aux villes les plus tolérantes sur le plan religieux.
Par ailleurs, les observateurs constatent le retour en force d'AQMI qui est dû, selon les experts, à sa capacité à recruter des jeunes hommes dans les zones du nord du Mali négligé en grande partie par le gouvernement central.
"Il y a des endroits au Mali où les djihadistes ont soit comblé le vide laissé par l'absence de l'Etat soit gagné en popularité en raison de mauvais traitements ou de négligence du gouvernement", a notamment estimé Corinne Dufka, directrice adjointe de la division Afrique de Human Rights Watch (HRW).