Un nouveau passage en force sur le projet de loi El-Khomri qui n'a pas été du gout de tout le monde. Si à droite, par principe, les députés se sont levés pour quitter l'hémicycle, Christian Jacob — Président du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale — a annoncé que son groupe parlementaire ne présenterait pas de motion de censure, une ligne partagée également au Centre, à entendre le député Nouveau Centre Rudy Salles.
Pour lui, nous vivons une situation inédite sous la Vème République, estimant que l'Assemblée nationale aurait dû être dissoute il y a déjà plus d'un an afin d'offrir au pays une nouvelle majorité et ainsi éviter le blocage qu'il subit aujourd'hui:
Je constate un spectacle absolument navrant, au niveau de la majorité et du gouvernement, aujourd'hui chacun règle ses comptes en plein jour: il y a quelques jours c'était Monsieur Eckert qui réglait ses comptes avec Monsieur Macron par Twitter interposés. J'avoue que je n'ai encore jamais vu une telle situation entre le gouvernement et ce qui s'appelle la majorité, mais je crois que l'on n'est pas encore au bout de nos peines."
Si le spectacle de déchirement entre "des Gauches" et la majorité semble inspirer des sentiments partagés au sein de l'opposition —, pour le député socialiste Michel Pouzol, une alternative au 49.3 était possible:
Mais le gouvernement et le Parti Socialiste sont-ils dans une optique de compromis? Si Manuel Valls a assuré, à plusieurs reprises, que le texte était "le fruit de nombreux compromis", qu'en est-il à l'égard des élus de sa propre majorité?
Autre élément qui démontre la ligne dure adoptée par l'exécutif: le dépôt d'une motion de censure par des députés socialistes leur vaudrait l'exclusion du groupe PS à l'Assemblée Nationale, ainsi que du Parti. C'est la menace qu'avait brandie le président des Socialistes à l'Assemblée, Bruno Le Roux, lors de la précédente tentative de déposer une motion de censure: «Les frondeurs doivent savoir que […] c'est une ligne rouge que de déposer ou voter une censure contre le gouvernement», avait-il déclaré. Une exclusion qui ne serait pas sans dommages à quelques mois d'une primaire et des législatives, relève le Point, l'hebdomadaire qui décrit l'attitude des élus PS face ce dilemme cornélien non sans une belle métaphore d'un écologiste ralliés aux socialistes: ils sont "comme un banc de baleines qui va s'échouer".
"Ecoutez, la question n'est pas celle du Premier ministre — je ne sais pas s'il doit démissionner ou pas — mais en tout cas, moi je me bats pour que nous ayons une motion de censure et que nous soyons assez nombreux pour la déposer, parce que ça c'est le processus démocratique: le 49.3 implique forcément cette réaction-là."
La motion de censure, une démarche prévue par l'article 49 alinéa 2 de la Constitution — n'ayant pour l'heure aboutie qu'une seule fois, en 1962, contre Georges Pompidou qui avait été poussé à la démission — Mais pour le député centriste Rudy Salles, dans ce cas de figure, ce n'est pas forcément le Premier ministre qui devrait partir:
Avant son adoption finale, très probablement via un troisième 49-3, le texte effectuera une dernière navette entre l'Assemblée et le Sénat. Une navette qui devrait être expéditive, estimant que le "gouvernement s'était essuyé les pieds sur sa première copie" — comme l'avait bien résumé Danielle Sportiello, journaliste parlementaire de France 3 — le Palais du Luxembourg a annoncé qu'il renverrait automatiquement le texte, sans lui apporter une quelconque modification.
Quant à la mobilisation de la rue, ce n'est pas elle qui mettra la pression sur l'exécutif: hier, lors de la douzième journée de mobilisation contre le projet de loi, ils étaient 45.000 manifestants à Paris selon la CGT, contre 6.500 et 7.500 selon la préfecture de police. On est loin des chiffres avancés de part et d'autre lors de la mobilisation du 14 Juin. De plus, FO et la CGT ont donné rendez-vous aux manifestants… à la rentrée, soit longtemps après l'adoption définitive de la loi. Bref, les jeux semblent être faits.
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