Brexit or not Brexit? Jeudi, les Britanniques seront appelés aux urnes pour se prononcer sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne. Si le résultat du vote demeure indécis, l'inquiétude elle semble bien présente: outre chez les principaux intéressés, c'est sur le continent que des voix s'élèvent pour mettre en avant les conséquences — aussi bien directes qu'indirectes — que pourrait avoir le fameux Brexit sur les économies nationales.
Et en cas de Brexit, une partie de ce beau monde pourrait déménager… à Paris et à la Défense — littéralement phagocyté par Londres ces dernières années. En bref, suivre l'invitation d'Arnaud Montebourg qui déclarait en 2014 qu'"En cas de Brexit nous déroulerons le tapis rouge aux investisseurs britanniques qui vont fuir leurs pays", un leitmotiv qu'il répétait au micro de Patrick Cohen — sur France Inter — le 8 juin dernier. Une pique à l'encontre de David Cameron, qui voulait lui, dérouler le tapis rouge aux investisseurs français fuyant la fiscalité à la française.
Le cabinet de notation américain Standard & Poor's, étude à l'appui, pense même que Paris pourrait remplacer Londres au sein de l'Union comme première place financière européenne. Et ce n'est pas HSBC qui contredira, le groupe bancaire britannique a annoncé qu'il ferait venir 20% de ses effectifs à Paris en cas de Brexit.
"L'autre point, qui est très important à comprendre, est que si aujourd'hui la City fonctionne à Londres, c'est non seulement parce qu'il y a des régulations qui sont plus intéressantes, ou parce qu'il y a quelques infrastructures qui sont adaptées, mais c'est surtout parce que tout le monde est réuni à Londres: les avocats d'affaires, les banquiers et que tout le monde peut se rencontrer dans le restaurant du coin ou au pub le soir et que cette proximité elle permet d'être très efficace dans les affaires et c'est ça qui conduit à cette spécialisation géographique, c'est quelque chose qui ne va pas se défaire en un jour".
"Au-delà des droits de douane, ce qui compte, c'est ce qu'on appelle les +barrières non douanières+ c'est-à-dire ce qui ne passe pas par des tarifs, mais qui est lié à tout un tas de choses qui ont trait à la réglementation, à la régulation… Quand vous construisez une voiture, aujourd'hui vous bénéficiez d'un environnement réglementaire européen qui fait que les normes sont européennes et donc quand vous construisez une voiture au Royaume-Uni, si l'usine est conforme à la réglementation européenne, la voiture est certifiée conforme et vous pouvez la vendre n'importe où en Europe sans avoir besoin d'une autorisation particulière. Demain, si le Royaume-Uni sort de l'Union européenne, il n'y a aucune raison de conserver cet état de choses et donc la voiture que vous construisez au Royaume-Uni vous devez la certifier au moment où vous l'exportez vers l'UE — puisqu'à ce moment-là ce sera une exportation — et cela ça peut dissuader un fabricant de voitures d'aller installer son usine au Royaume-Uni".
"Je ne connais pas une seule entreprise financière qui va venir s'établir à Paris tant que l'inspection des finances sera là. Ces gens-là ont réussi à détruire la place de Paris depuis 30 ans avec beaucoup de constance et je ne vois pas pourquoi les gens devraient revenir ici […] La raison pour laquelle tout le monde est à Londres, c'est le droit Britannique — la Common Law — qui est un droit de jurisprudence, s'imaginer qu'on va se précipiter pour être géré par des droits de code comme on a en Europe me parait une idée un peu curieuse…"
Une taxe qui aux dernières nouvelles, devrait s'élever à 0,1% sur les actions et obligations et 0,01% sur les produits dérivés, à partir du moment où l'une des parties de la transaction est domiciliée dans l'un des 10 pays participant — depuis le retrait de l'Estonie —, parmi lesquels l'absence de l'Angleterre est criante.
Progressivement, la place financière de Paris s'est complètement délocalisée dans la banlieue de Londres, avec en point d'orgue le déménagement en 2009 des serveurs de NYSE Euronext, auquel les bourses de Paris, Amsterdam, Bruxelles et Lisbonne sont intégrées. Quant au Palais Brongniart, place de la Bourse à Paris, s'il continue d'illustrer les articles financiers de certains quotidiens, il sert aujourd'hui d'espace d'exposition, sa salle de marché a quant à elle été transformée en salle de cocktail. Dernier fait notoire de ce qui fut le palais du capitalisme français: En février 2016, le bâtiment a servi à battre le record mondial… de fondue.
Pour notre expert, Charles Gave, auteur du livre " L'État est mort, vive l'État! " (Editions François Bourin, 2009) qui épingle l'hypertrophie de l'État, penser que ce flot de capitaux, comme de forces vives vers la Grande-Bretagne, va se tarir avec la sortie du pays de l'Europe est, là encore, une belle illusion…
Si Paris a de manière quasi-héréditaire toujours vu Londres se dresser devant elle, au cours des siècles passés, c'est aujourd'hui Francfort qui pourrait rafler les éventuels retombées positives d'un retour de capitaux européens, basés à Londres, sur le continent.
Un constat également dressé par Xavier Timbeau, d'autant plus que si Paris possède des sièges de grandes banques — attributs dont sa rivale outre-Rhin s'est également dotée ces dernières décennies — la configuration institutionnelle même de l'espace européen pourrait faire pencher définitivement la balance…
Autre point qui pourrait ne présage rien de bon pour Paris qui pourrait être écarté de la course: à la mi-mars, aboutissait le projet de rapprochement capitalistique entre la Bourse de Londres (London Stock Exchange) et celle de Francfort (Deutsche Börse). Et ce n'est pas le Brexit qui risque de faire capoter ce mariage au profit de la France.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.