Richard Labévière, journaliste et essayiste français, rédacteur en chef de "Défense", la revue de l'Institut des hautes études de défense nationale, explique à Sputnik si l'opération Sentinelle est efficace et si le contribuable français en a pour son argent, et si c'est à l'armée de mener cette mission honorable de combattre le terrorisme malgré le fait que "La France est en guerre".
"Le dispositif Sentinelle, depuis sa création, n'est pas destiné à durer et être reconduit. Il a été réévalué et prolongé dans le cadre de l'Etat d'urgence. Ce déploiement de 10.000 soldats est très lourd, étant entendu que la France a par ailleurs certaines obligations dans les opérations extérieures, dans ses bases fixes, au Djibouti, par exemple, dans ses opérations au Sahel, et dans d'autres déploiements, des armées françaises ont d'autres priorités", a déclaré M.Labévière.
"Combien cette dizaine de millions de journées de présence/homme (à peu près l'équivalent de l'engagement français en Afghanistan) a-t-elle permis d'appréhender ou d'aider d'appréhender des terroristes? Combien d'attaques et d'attentats ont-ils été évités grâce à ce dispositif? On pourra rétorquer que, par principe, on ne voit pas forcément les résultats d'une dissuasion, mais lorsqu'un dispositif est aussi visible et facilement contournable, peut-on vraiment parler de dissuasion? Des poteaux empêchent-ils une inondation?", se demande M.Goya.
"On peut comparer le déploiement du Sentinelle au dispositif Vigipirate. Comme on ne répond pas durablement au terrorisme en lui déclarant la guerre, ce n'est pas la seule réponse à apporter. Si je prends le plan Vigipirate, l'effet est double: la dissuasion et la protection. De ce point de vue, le bilan du plan Vigipirate est plutôt positif", a souligné M.Labévière.
En outre, il y a la question des budgets. L'armée terrestre française comprend entre 100.000 et 120.000 hommes, alors que pour le Royaume-Uni c'est entre 85.000 et 90.000 soldats, poursuit-il. Et pourtant, les Britanniques peuvent projeter de 15.000 à 20.000 hommes, tandis que l'armée française peut projeter péniblement de 10.000 à 12.000 personnes.
"Ça se traduit en forme de budget, d'heures supplémentaires, de logement. Et l'armée, chaque année, a considérablement diminué ses budgets. Inévitablement, arrive un moment où il y a des points de rupture: les logements déplorables, la logistique qui ne suit plus, les problèmes d'approvisionnement, qui se sont présentés en Afghanistan, en Afrique ou autres", a fait remarquer M.Labévière.
Plusieurs experts sont d'accords: la mission Sentinelle devrait prendre fin. S'il faut plus de présence policière, ce qu'ils croient, il faudrait l'augmenter. Si le renseignement intérieur est aussi important, ce qui ne fait aucun doute, il faudrait le renforcer lui aussi, sans éparpiller les efforts dans l'opération Sentinelle.
Le ton des spécialistes de la question est grave: dans son blog, Michel Goya s'exclame: "Il y aura d'autres attaques ennemies et la guerre est loin d'être finie. Il est temps d'être sérieux".