Pour trouver une solution à cet ancien conflit, Paris compte réunir les principaux acteurs mondiaux. Elle a même reporté à l'été la conférence internationale qu'elle avait voulu organisé le 30 mai pour que le secrétaire d'État américain John Kerry puisse y assister. Les négociations devraient se passer en deux étapes, la première se tiendrait sans la participation d'Israël et de la Palestine.
Lors de la visite du ministre français des AE en Israël, Benjamin Netanyahou n'a pas mâché ses mots, réaffirmant à Jean-Marc Ayrault que "la seule voie pour parvenir à une paix véritable entre nous et les Palestiniens, ce sont des négociations directes sans condition préalable".
Pour Alain Rozenkier, Président de La Paix Maintenant en France, Netanyahou a bien des raisons pour ne pas vouloir de la conférence de paix internationale.
« Je pense que M. Netanyahou ne veut pas de négociations du tout avec les Palestiniens. Il a l'impression que le conflit actuellement n'est pas au cœur des préoccupations des puissances occidentales qui ont d'autres chats à fouetter avec les questions du terrorisme, la crise économique, la crise des migrants. Donc il a l'impression que c'est un conflit actuellement de basse intensité, qu'il peut gérer. Donc la situation lui permet de maintenir le contrôle sur les territoires occupés et de développer les implantations. Les négociations directes actuellement sont impossibles parce que d'une part, pour négocier encore faut-il être prêt à faire des compromis et à renoncer à certaines choses. Et d'autre part, Netanyahou n'a pas l'intention de renoncer à grand-chose. Et du côté palestinien la situation est telle qu'entre les divisions qu'il existe entre l'Autorité palestinienne et le Hamas aucun n'est en état de négocier et d'accepter des compromis et de faire des concessions. C'est la raison pour laquelle l'intervention de la communauté internationale est nécessaire pour arriver à sortir de ce conflit. C'est dommage que M. Netanyahou ait a priori sans essayer de comprendre quel rôle il peut jouer dans ce processus ».
Le sénateur PS Gilbert Roger, Président du Groupe d'amitié France-Palestine au Sénat, appelle Netanyahou à réfléchir sur les gages que les pourparlers internationaux peuvent apporter à Israël.
« La France est désintéressée, elle considère que c'est un conflit régional d'importance qu'il faut aider à régler. Et c'est le sens de l'initiative. Le fait que M. Netanyahou, refuse une fois encore comme il a pu refuser d'autres tentatives d'aide depuis Oslo en passant par Washington, montre l'enfermement idéologique de M. Netanyahou. On veut tout tenter pour réussir un processus de paix qui a échoué depuis le premier jour du conflit c'est-à-dire depuis 1967. En même temps, on voit bien dans la région qu'il y a de grands dangers et en particulier désormais le danger de Daech. Je crois qu'aucun pays montre qu'il n'a envie d'avoir Daech à ses portes. On peut penser qu'Israël n'a pas besoin, ni a envie d'avoir Daech à ses portes non plus. Donc il faut trouver les moyens de faire une paix équitable qui assure à Israël comme à la Palestine la paix et le respect des uns et des autres dans des frontières reconnues ».
« Pour avoir la possibilité d'être médiateur encore faut-il être bien accepté par les deux parties. C'est le cas du côté de l'Autorité palestinienne qui est favorable à cette initiative de la France parce que tout ce qui peut relancer le processus pour elle, surtout par l'intermédiaire d'une puissance étrangère, et qui évite dans un premier temps de faire des concessions, est bien vu. Mais du côté israélien il est clair que la France n'a pas bien joué en votant la résolution de l'Unesco qui niait les liens historiques entre Israël et un certain nombre d'emplacements qui occupent une place importante dans le sort du peuple juif et dans sa croyance. Et là, la France commence assez mal cette médiation à laquelle elle aspire ».
Le leader palestinien, quant à lui, soutient pleinement l'initiative française. Mahmoud Abbas avait effectué une tournée diplomatique pour convaincre les principaux acteurs mondiaux. Mi-avril, il s'est notamment rendu en Russie pour s'assurer, avec succès, du soutien de Poutine. Le chef d'État russe a déclaré lors de la rencontre avec M. Abbas qu'il était prêt à soutenir de nouveaux efforts pour régler le conflit israélo-palestinien. Selon les experts, la Russie pourrait bien jouer le rôle clé dans ce processus de paix. Et aujourd'hui, la Russie dispose d'un éventail de moyens beaucoup plus vaste que les USA.
Le sénateur Gilbert Roger a fait savoir que la Russie et les États-Unis regardent le projet français d'un œil bienveillant. L'engagement récent de Moscou et de Washington dans le processus du règlement du conflit syrien ainsi que dans la solution du problème du nucléaire iranien a porté ses fruits. Pour Alain Rozenkier, leur participation dans les négociations que Paris compte de relancer est nécessaire.
Paris souhaite à tout prix que les pourparlers aient lieu. Bien que pour le moment on n'ait pas pu convaincre Israël, le gouvernement français ne jette pas l'éponge et mise sur un règlement « très équilibré » de ce conflit, selon Gilbert Roger. L'initiative française essayerait de reprendre le meilleur de tous les projets existants que ce soit l'initiative saoudienne qui a échoué, celle d'Oslo, celle de Madrid et celle de Washington, Camp David.
Mais le pessimisme d'Israël pourrait tout de même réduire à rien les efforts des Français. Tel-Aviv craint que l'implication dans le processus de paix d'un nombre important d'acteurs mondiaux influents ne se retourne contre Israël et que la communauté internationale n'impose des conditions de paix "désavantageuses" à l'État hébreu.
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