Ayant pour objectif de lutter contre les ennemis de l'Ukraine, le site ukrainien Mirotvorets ("le faiseur de paix" en ukrainien), soutenu par le député ukrainien Anton Guerachtchenko, conseiller du ministre de l'Intérieur et proche de l'ancien premier ministre Arseni Iatseniouk, a publié les données personnelles (numéro de téléphone, e-mail, nom du service de presse) de plus de 4.000 journalistes, dont une cinquantaine de Français et un millier d'occidentaux.
Toutes sortes d'agences de presse sont concernées, de toutes nationalités: CNN, ABC, Al-Jazeera, AFP, Reuters, RT, ZDF, RTL, Europe 1.
Le titre en anglais de la liste est sans équivoque: "7.901 scoundrels" ("7.901 scélérats"), tandis que le texte sur la page Web compare les journalistes à des "terroristes accrédités".
Les réactions ne se sont pas fait attendre.
La porte-parole de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias Dunja Mijatoviс s'est déclarée inquiète au sujet de la sécurité des journalistes en Ukraine.
Même le département d'Etat américain a exprimé sa préoccupation.
"Les Etats-Unis soutiennent fermement le principe fondamental de la liberté de la presse. Le travail des journalistes est d'une importance capitale, en particulier dans les pays où les droits civils et politiques sont en danger, ainsi que dans les zones de conflit, où les journalistes sont le plus en danger. Ainsi, cet incident est très préoccupant", a déclaré la porte-parole du département d'Etat américain Elizabeth Trudeau.
Certains journalistes affirment avoir signé une lettre ouverte enjoignant les autorités ukrainiennes à mener une enquête criminelle sur les activités du site. Beaucoup d'entre eux ont déjà reçu des menaces.
Mme Dominique Pradalié, secrétaire générale du Syndicat national des journalistes (SNJ), se joint à l'indignation générale dans un entretien accordé à Sputnik.
"Pour le Syndicat national des journalistes, les éléments concernant la vie privée des journalistes ne doivent pas être publiés, dans la mesure où ils ont droit comme tout le monde à une vie privée et ne doivent pas être montrés du doigt", a-t-elle fait remarquer.
"Le gouvernement de Kiev prend ses aises vis à vis du travail des journalistes, de la liberté de la presse et de la liberté d'expression. L'Ukraine tend à ressembler de plus en plus à la Turquie, où les journalistes sont opprimés et emprisonnés simplement parce qu'ils relatent autre chose que la vérité officielle que Kiev voudrait diffuser", a-t-il noté.
Selon lui, il est typique de ce genre de pays d'exposer les journalistes à des pressions et à des menaces.
"Il ne s'agit pas seulement d'une liste de noms, elle contient aussi toutes leurs informations personnelles. Cela les expose au chantage, les met sous pression, ce qui est le but recherché", a souligné M.Ochsenreiter.
Le procureur de Kiev a décidé le 11 mai d'ouvrir une enquête sur ce sujet, invoquant une obstruction à la pratique du journalisme.