41 % des Français seraient prêts à quitter la France lorsqu'ils remplissent leur déclaration d'impôts, selon un sondage mené par Opinion Way. Si ce chiffre prête à sourire, il évoque évidemment l'évasion fiscale, qui n'a rien de drôle pour les États européens pour qui cette pratique représente 1000 milliards d'euros de manque à gagner annuel.
La situation fiscale en France est à la fois complexe et en perpétuel changement. Points de vue croisés sur la fiscalité française avec Manon Laporte, conseillère régionale Île-de-France Les Républicains et auteur du livre "Massacre fiscal" et Jérôme Lambert, député du groupe Radical à l'Assemblée Nationale.
Jérôme Lambert: "Il n'y a pas un énorme esprit civique en France, c'est-à-dire participer à un effort commun; on demande à ce qu'il y ait plus de services publics."
Existe-t-il un antidote à l'évasion fiscale?
Manon Laporte: "Il faut distinguer exil et évasion fiscale: l'exil concerne ceux qui décident de vivre ailleurs; l'évasion concerne ceux qui ouvrent un compte à l'étranger en dissimulant ou sans déclarer les revenus. Les exilés fiscaux sont nombreux depuis 2011-2012. Un rapport de la Direction générale des Finances publiques a montré qu'il y a eu une augmentation de 30% de ce nombre depuis l'année dernière.
Jérôme Lambert: "Le meilleur antidote, c'est des politiques de répression sévères; regardez ce qu'il se passe aux USA: un fraudeur du fisc risque non pas 1500 euros d'amende et 15 jours de prison, mais 10 ans; quand il y a des affaires qui sortent, comme les Panama Papers, on dit au contribuable: attention on a des listes, si vous ne rétablissez pas vous-même la situation, vous risquez gros."
Le gouvernement de M. Valls avait déclaré que la mise en place de l'impôt à la source s'effectuerait en 2017; une mesure qui est loin de faire l'unanimité… sinon contre elle.
Manon Laporte: "Il y a beaucoup d'inconvénients: les entreprises vont collecter l'impôt sur le revenu, donc une charge administrative supplémentaire; il y a un souci de confidentialité; cela peut marcher sur les salaires, et les retraites, mais pas les rentes foncières; vous aurez deux types de déclarations."
Jérôme Lambert: "Le prélèvement à la source est compliqué, cela oblige les entreprises à faire un prélèvement supplémentaire; je ne suis pas favorable à ceci."
À côté du maquis fiscal français et de ses taux de prélèvement parmi les plus élevés d'Europe, la Suisse fait encore souvent figure de paradis fiscal. Mais quelle est la situation de l'évasion fiscale des contribuables français en Suisse?
La Confédération helvétique a-t-elle pris des mesures contre l'évasion venue de l'étranger? Maître Yves Noël, avocat spécialiste du droit fiscal en Suisse, fait le point:
"Depuis 2009, la situation a changé, puisque le gouvernement suisse a accepté l'échange d'informations à la demande et dorénavant l'échange d'information automatique dès 2018. Le secret bancaire ne vaut plus pour les épargnants étrangers qui déposeraient leurs Francs sans les déclarer dans leur pays d'origine. Les conventions entre la Suisse et d'autres États ont été modifiées les unes après les autres."
"Elle a pu être un paradis bancaire jusqu'en 2009, à cause du secret bancaire. Au niveau fiscal, la Suisse est certes en dessous de la moyenne européenne sur la fiscalité des personnes physiques, mais dans le cas des familles nombreuses, les ménages suisses sont moins avantagés que les Français."
Quels résultats ressortent de cet échange de renseignements?
"On est au début du processus pour l'instant, chaque pays a ses propres chiffres et moyens: il y a à Paris une cellule de dégrisement (ndlr: Cellule de régularisation pour les évadés fiscaux); c'est dans les pays de résidence que l'on connait le montant de l'épargnant."
La prescription pour délits fiscaux est passée de 3 à 6 ans, les enquêteurs ont vu aussi leurs moyens de prospection élargis: surveillance ou infiltration sont désormais possibles, de même que l'amnistie à l'égard de tout délinquant qui coopérerait avec les autorités. Les chiffres de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale permettent au gouvernement d'être optimiste: 21,2 milliards d'euros ont été recouverts en 2015. On est encore loin des 60 à 80 milliards d'euros qui auraient échappé au fisc pour la seule année 2012, mais comme dit le dicton, l'espoir fait vivre.
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