Si Nuit Debout et les manifestations du 1er mai ont permis à des revendications d'être entendues, elles ont aussi donné lieu à des débordements de violence auxquels la police ne semblait pas répondre avec une grande fermeté.
Selon le syndicat de police Alliance, si les CRS interviennent après le début des violences, la responsabilité en revient aux politiques qui transmettent leurs ordres trop tard. Ce qui empêche la police d'assurer la protection des manifestants, et empêche aussi d'appréhender les fauteurs de troubles avant que ceux-ci s'en prennent aux biens et personnes.
Pourquoi cette affirmation de la part du syndicat Alliance? M. David Michaux, responsable national CRS du syndicat UNSA Police, nous donne son avis sur la question.
"Les ordres n'arrivent pas trop tard. Il y a des divergences sur le secteur de Paris, où il y a plusieurs directeurs en charge, et on a des ordres par moment différents: les collègues gendarmes et CRS sont des unités différentes et ont des façons de travailler différentes. Il y a donc des divergences des interventions à faire, ce qui fait qu'on a un décalage", estime-t-il dans un entretien accordé à Sputnik.
Sur le terrain, cela se passe de la manière suivante: du début à la fin de la manifestation, dès qu'il y a des dégradations qui sont causées, ou des agressions, on a une réactivité à avoir.
Les riverains de la Place de la République sont par ailleurs exaspérés par les violences qui ont lieu de manière récurrente, au détriment de la vie paisible à laquelle ils aspirent dans le quartier. Mais devront-ils faire régner l'ordre eux-mêmes?
"Le système de sécurisation établi dans la place est fait en sorte à ce qu'on ne parte pas en conflit", explique M. Michaux. "Il y a toujours des personnes qui viennent pour se mêler et faire que ce mouvement dégénère. On comprend l'énervement des riverains de la place. Il ne faut pas qu'ils fassent justice eux-mêmes; c'est notre travail de gérer cela".
A de telles fins, la police dispose de tout un arsenal de moyens, dont le gaz lacrymogène, des flash-balls, des sprays au poivre et des canons à eau. Et les plaintes pour violences faites par la police ont été très importantes depuis le début de l'année.
A titre d'exemple, un Parisien a montré un usage disproportionné des moyens de défense de la police face aux manifestants, et pas contre des casseurs.
"Il n'y a pas de moyens disproportionnés, le LBD et le flash-ball ne sont pas utilisés sur Paris. Le préfet de Paris ne souhaite pas que ces deux moyens soient utilisés", précise M. Michaux. "Tous les syndicats de police ont dénoncé ce qu'a fait la CGT. Il y a une branche CGT au sein de la police, ce n'est pas une bonne publicité. La CGT avait son congrès, était-ce un moyen de communiquer?", s'interroge-t-il.
Pourtant, les gardiens de la paix ne sont pas à l'abri de violences: 300 d'entre eux ont été blessés au cours des deux derniers mois. Les moyens utilisés par les casseurs ne se limitent plus à des cailloux ou des bâtons, mais relèvent de l'arsenal de guerre, comme en témoignent les évènements à Rennes le 28 avril dernier.
Dans ce contexte, plusieurs questions se posent. La police est-elle en mesure de faire face à des bandes organisées et armées? Dispose-t-elle du matériel adéquat dans ce qui ressemble de plus en plus à une guérilla urbaine? Existe-il un mode opératoire en fonction des circonstances qui se présentent?
"Le matériel, on l'a. A la suite des attentats, on est amenés à trouver de nouvelles armes et de nouveaux matériaux pour endiguer ce qui se passe actuellement. On a un gros problème d'effectif. Le recrutement en cours n'aura pas des résultats du jour au lendemain: il est fait pour 2017-2018", met en valeur l'interlocuteur de Sputnik.
On pâtit des consignes données sur les différentes manifestations, sur une manifestation, on va faire en sorte que le mobilier urbain ne soit pas détruit, et qu'il n'y ait pas de casseurs. Il y a une décision qui sera prise en fonction du niveau de casse: plus il y a de la casse, plus il y a des ordres pour interpeler, poursuit-il.
La violence entraine toujours la violence, c'est la vicieuse loi du talion.
Les casseurs ont pour habitude de se mêler aux manifestants, voire de les utiliser comme "boucliers humains" pour se protéger des ripostes de la police. Certains parlent d'infiltration. Toujours est-il que ces individus portent une image dégradante à l'égard de mouvements contestataires qui s'en passeraient volontiers.
Manifestants et casseurs complices? Pas sûr, si les uns nuisent à l'image des autres.
Le syndicat Alliance a par ailleurs exprimé des doutes quant aux consignes données aux policiers face aux casseurs. Y a-t-il une mauvaise volonté de la part du gouvernement d'assurer la sécurité des concitoyens pour faire face aux casseurs?
Selon M. Michaux, il y a, au contraire, une réelle volonté d'assurer la sécurité.
"Nous repérons les fauteurs de troubles, les meneurs, afin que les personnes qui les entoures, les petites mains, comprennent que le meneur est interpelé et qu'il est temps de rentrer. Après si cela ne marche pas, il n'a pas de demi-mesure: si l'on peut interpeler tout le monde, on va le faire".
"La manifestation de la Place Vendôme est due à des violences commises contre un policier, et ça a été le ras-le-bol général. Concernant la manifestation du 18 mai, cela concerne notre période actuelle, où l'on fait face à une violence ascendante qui dépasse le raisonnable. Cette manifestation découle de la volonté du ministère de l'Intérieur et du premier ministre de montrer que les forces de l'ordre exercent un métier difficile. La justice doit prendre ses responsabilités: il y a des casseurs, il y a des personnes qui viennent détruire les manifestations", explique M. Michaux.
En réponse à la manifestation policière de la Place Vendôme, il y a eu un protocole lié à la rémunération des carrières, signé par UNSA Police et Alliance Police. En d'autres termes, un policier ne finira pas policier, il aura d'autres choses à côté. C'est une manière de reconsidérer les gardiens de la paix, résume-t-il.