Le 21 avril, il s'est avéré, qu'aux Pays-Bas, la Turquie rassemblait des preuves d'insultes visant le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Il convient de noter que cette situation est apparue dans le contexte de l'histoire du présentateur de télévision et comédien allemand Jan Böhmermann qui avait récité publiquement un poème satirique sur M.Erdogan. En réponse, le dirigeant turc a lancé un appel au parquet en Allemagne, et le gouvernement allemand a cédé et a finalement autorisé des poursuites pénales contre le journaliste.
L'agence Sputnik a interrogé Me Daoud, avocat français, spécialiste en droit pénal international et droit de la presse, sur les fondements juridiques existant en France qui permettraient au chef de l'Etat turc de traquer et même poursuivre les Français pour des insultes et injures.
Selon lui, la démarche du président turc peut surprendre mais, au regard du droit français, rien ne l'interdit de rassembler par le biais des consulats turcs des rapports sur des insultes à son encontre sur les réseaux sociaux.
"Au regard du droit positif français, rien ne le prohibe. Est-ce qu'il peut faire engager des poursuites? La réponse, c'est +oui+. C'est-à-dire qu'il y a une disposition spécifique de la loi de 1881 dite +Loi sur la presse+ qui permet à un chef d'Etat étranger ou à un chef du gouvernement de saisir les autorités françaises pour que celles-ci puissent engager en son nom des poursuites pour injures ou diffamation", a-t-il fait remarquer.
Mais où se situe alors la frontière entre la liberté d'expression et les insultes?
L'interlocuteur affirme que la frontière est déterminée par la loi et, si on dit pour illustrer son propos que le président turc est "un salopard, c'est une injure".
Cependant, si une personne dit qu'actuellement on peut se poser des questions légitimes sur le niveau de la liberté individuelle en Turquie et en particulier, par exemple, lorsqu'il s'agit des intérêts des Kurdes, en indiquant que M.Erdogan a une politique extrêmement répressive, donc, des poursuites peuvent bien être engagées contre cette personne.
"Mais je suis convaincu qu'un tribunal français considérerait que j'ai tenu des propos qui relèvent de la liberté d'expression", a-t-il précisé.
Selon Me Daoud, on peut toujours demander la protection contre un tel délit.
Quant à la différence entre les notions turques et les notions européennes par rapport aux offenses, injures, diffamations, calomnies, l'avocat français estime que la susceptibilité d'un chef d'Etat étranger varie peut-être en fonction des latitudes.
"Mais si je demande comme chef d'Etat étranger de bénéficier d'une mesure protectrice, ce n'est pas au regard du droit turc que ça s'applique (…) c'est bien au regard de la loi française et en application des concepts juridiques français et en application de la jurisprudence française", a souligné Me Daoud.
En tout cas, l'expert français est sûr qu'il y aurait un certain scandale, si le président turc faisait la même demande en France qu'il a faite aux Pays-Bas, ce qui peut être considéré comme une atteinte à la liberté d'expression ou une atteinte à la liberté d'information.