"J'ai indiqué en septembre dernier que si les choses n'avançaient pas, il fallait envisager l'arrêt des négociations. Cette option est toujours sur la table, très clairement", a déclaré à Reuters le ministre du Commerce extérieur, Matthias Fekl, en marge d'un colloque du Medef sur ce dossier.
"On sent bien que certains veulent à tout prix conclure avant les échéances américaines, ce n'est pas l'approche française", a-t-il poursuivi sans citer de pays.
Ses propos font écho à ceux prononcés jeudi dernier sur France 2 par François Hollande, président d'une France qui a toujours été méfiante vis-à-vis des traités de libre-échange.
"La France peut toujours dire non", avait-il assuré. "La France, elle a fixé ses conditions, la France elle a dit s'il n'y a pas de réciprocité, s'il n'y a pas de transparence, si pour les agriculteurs il y a un danger, si on n'a pas accès aux marchés publics et si en revanche les Etats-Unis peuvent avoir accès à tout ce que l'on fait ici, je ne l'accepterai pas."
"BEAUCOUP A FAIRE"
La conclusion d'un accord considéré par la gauche de la gauche comme un risque pour l'agriculture française et un cheval de Troie pour les OGM et le boeuf aux hormones américains est politiquement délicate en France à un an de la présidentielle.
"Il y a des gens qui sont contre un traité de libre-échange avec les Etats-Unis parce que c'est libre, parce que c'est du commerce et parce que ce sont les Etats-Unis", souligne un responsable européen de haut rang.
En Allemagne et en Autriche, la contestation du traité est également très vive, même si la chancelière Angela Merkel s'est engagée à fond pour la conclusion de l'accord.
"C'est possible mais il reste beaucoup à faire", a-t-elle ajouté en faisant référence notamment au respect des indications géographiques protégées européennes pour les produits alimentaires et à l'ouverture des marchés publics américains.
Les négociateurs européens estiment avoir réglé tous les points qui pouvaient être négatifs pour les Européens et soulignent, pour illustrer leurs dires, que la Chambre américaine de commerce et les candidats à la primaire présidentielle américaine sont critiques envers le projet.
Les normes, par exemple au niveau environnemental, seront au moins équivalentes à celles de l'UE et tout ce qui est déjà interdit de commercialisation dans l'Union européenne, comme le boeuf américain aux hormones ou certains OGM, le restera.
Rien n'obligera à privatiser les services publics, et le mécanisme de règlement des différends imaginé au début de la négociation a été totalement modifié devant les craintes exprimées, notamment en France et en Allemagne.
COUR D'ARBITRAGE PERMANENTE
Si, à l'origine, les tribunaux américains et européens devaient être dépossédés de leur pouvoir en faveur d'un arbitrage privé, désormais il est envisagé que des juges des deux parties siègent dans une cour d'arbitrage permanente, a déclaré Cecilia Malmström.
"Tout est discuté avec les Etats membres. Il n'y a pas de surprise", dit le responsable européen qui rappelle que la Commission négocie au nom de l'UE sur la base d'un mandat unanime des 28 Etats membres et du Parlement européen réaffirmé au plus haut niveau par les dirigeants des Vingt-Huit.
En cas de blocage par un pays de l'UE, par exemple la France, les conséquences pourraient être importantes.
Le couple franco-allemand risque de se déchirer, Angela Merkel devant réaffirmer dimanche prochain à Hanovre, lors d'un sommet avec Barack Obama, son soutien au projet.
Les Etats-Unis sont en effet devenus en 2015 la première destination pour les exportations allemandes, supplantant la France pour la première fois depuis 1961 grâce à la reprise américaine et à la faiblesse de l'euro par rapport au dollar.
Le Medef estime qu'il s'agit d'une opportunité de trouver dans le marché américain "un relais de croissance important dans un contexte économique français et européen fragile".
"Ces négociations posent la question de la place de la France et de l'Europe dans la mondialisation, souvent perçue avec défiance alors que paradoxalement c'est en exportant et en s'internationalisant que nos pays pourront retrouver de la croissance", dit l'organisation patronale dans un communiqué.
En outre, si la France veut jouer la montre et attendre que son échéance électorale soit passée, il sera extrêmement difficile de reprendre le fil de la négociation avec une nouvelle administration, explique-t-on de source européenne.