C'est ce qu'a révélé l'organisation Corporate Europe Observatory (CEO), qui dénonce régulièrement l'influence des lobbies dans les échanges commerciaux.
« Ce n'est pas si différent des procédures législatives normales aux Etats-Unis, dans lesquelles il est habituel d'avoir un rôle important des acteurs privés dans le processus de gouvernance; beaucoup plus que dans l'Union Européenne. C'est ce qui est controversé de notre côté de l'Atlantique; dans ces négociations, il y a plus de controverses de notre côté que de celui américain: cette influence plus ouverte des entreprises et des acteurs privés est plus courante aux Etats-Unis. »
N'y a-t-il pas collusion entre droit européen et droit des affaires américain?
« Juridiquement c'est possible de construire l'accord de façon non-contraire au droit européen, car ces consultations se font avant que toute loi puisse être passée. Dans les leaks, les autorités européennes devront consulter celles américaines avant de passer un nouveau règlement. (…)
Maintenant ce sera juste plus institutionnalisé. »
Cet accord n'est pas sans ses détracteurs.
Enfin, le fait est que beau nombre des négociations sont faites sans la moindre information apportée en publique, dans un secret quasi absolu, ce qui rejoint les critiques reprochant au traité un manque de respect pour la démocratie et une opacité suspecte.
En cas d'acceptation par le parlement Européenne, et des Etats membres, quelles seraient les conséquences dans la vie de tous les jours? M. Paul Zurkinden, secrétaire national du Mouvement Républicain et Citoyen, nous répond:
« On ne connait pas le vrai contenu du traité transatlantique, puisque c'est négocié dans le plus grand secret, même les parlementaires ont un accès très restreint aux documents de négociations; le traité porte sur l'ensemble des normes, sociales, économiques, du travail, ou écologiques, qui seraient revus à la baisse afin de faciliter le commerce au niveau européen et américain. C'est donc un réel recul social au profit des revenus des acteurs multinationaux. »
De plus, cet accord aurait pour conséquence l'alignement des produits européens avec ceux américains, ce qui ajouterait une concurrence difficile à contrer pour les produits locaux dont les coûts de production sont trop élevés. Seules les sociétés ayant le plus large accès y gagneraient, donc les multinationales.
« Le poids des sociétés américaines est très important et pose de gros risques pour la démocratie en Europe; le document fuité montre comment la coopération facilitera l'influence des Etats-Unis et des groupes d'intérêts économiques, cela même avant qu'une proposition de loi puisse être formulée au niveau européen. Il s'agit de tuer le problème démocratique dans l'œuf, puisque la Commission aura compétence de décider des domaines dans lesquels la coopération sera plus forte, laissant le Parlement Européen et les états de côté.
Des groupes d'intérêts pourront émettre des propositions à l'agenda de la Commission, et d'influencer les normes qui existent au niveau européen. (…) c'est un nouvel exemple du monstre technocratique qu'est devenue l'union Européenne, avec plus de poids aux multinationales et aux Etats-Unis.
On a donc un paradoxe: la Commission a pour mandat de représenter l'intérêt général européen, mais répond en fait à des intérêts particuliers. Ceci affaiblit les institutions démocratiques. Des autorités étrangères participeraient à l'élaboration de nos lois.
C'est le même mécanisme que celui des tribunaux d'arbitrage: ces tribunaux et le TAFTA empêchent des lois d'entrer en vigueur si elles y contreviennent, avant même qu'elles soient discutées. »
Le processus de décision au sein de l'Union Européenne serait altéré et devrait passer par l'aval des sociétés les plus impliquées, ce qui impliquerait la mainmise du secteur économique sur celui politique.
Toujours est-il que le Parlement européen et les gouvernements des Etats européens devront donner leur approbation pour la mise en œuvre du traité.
Paul Zurkinden: « L'Union Européenne est à la croisée des chemins; il nous faut nous libérer de tous ces intérêts particuliers qui contreviennent à toute coopération, puisqu'on met en concurrence des états avec des entreprises qui feront des lois.
Il y a actuellement 20 000 lobbyistes présents à Bruxelles qui ont dépensé 250 Millions d'Euros en 2015. L'Europe doit choisir ce qu'elle veut: soit subir la mondialisation en institutionnalisant une relation de subordination avec les Etats-Unis, soit choisir la voie d'une Europe puissante et indépendante qui défendrait ses intérêts dans le respect des nations. »
Les USA sont donc sur le point d'acheter l'Europe. Le rêve de Jean Monnet et Robert Schuman cède le pas au cauchemar d'Aldous Huxley.
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