Le tournant vers la post-démocratie?
On observe aujourd'hui la radicalisation d'une tendance qui était présente depuis des années à Bruxelles: la volonté de construire l'Union européenne hors de toute démocratie. C'est une tendance qui a été théorisée par des auteurs largement subventionnés par l'UE, comme Andras Jakab (1). Elle était explicite dans les déclarations de MM. Barroso (2) et Juncker (3).
On doit désormais noter les déclarations multiples, de Martin Schultz le président « socialiste » du Parlement européen aux commissaires européens, qui désormais appellent ouvertement l'UE à entrer dans la « post-Démocratie », c'est à dire un système où l'on ne demande plus son avis aux peuples (4).
Des incohérences allemandes
Cette crise proviendra, en partie, de la réaction de l'Allemagne à la politique de la Banque Centrale Européenne. Une partie de la classe politique allemande reproche à la BCE sa politique de taux d'intérêts négatifs (5). On peut le comprendre (6). Compte tenu du système de financement des retraites en Allemagne, où la capitalisation joue un rôle bien plus grand qu'en France, des taux négatifs se répercutent immédiatement sur la capacité de financement des organismes de retraite.
On comprend donc les soucis des dirigeants allemands, soucis dont ne sont pas exclus des perspectives plus politiciennes et plus électoralistes. C'est aussi pourquoi ces mêmes dirigeants s'opposent toujours à la perspective d'une forte réduction de la dette grecque, réduction qui est pourtant essentielle à la survie de ce pays (7). Le blocage que font les dirigeants allemands sur ce point, et le conflit qu'ils ont avec le FMI, risque de provoquer l'insolvabilité de la Grèce d'ici début juillet.
Par ailleurs, on sait que les mouvements de capitaux à l'intérieur de la zone Euro on joué un fort effet déstabilisateur, et continuent d'ailleurs d'avoir cet effet (8).
Un économiste allemand, qui conseille pourtant Mme Merkel, Peter Bofinger, a fortement critiqué et la politique salariale de l'Allemagne (9) et l'idée de se reposer sur une « discipline de marché » qui reviendrait à établir une véritable ploutocratie (10). Le problème est que, ici, remplacer la « discipline de marché » par une « discipline des gouvernements » aboutit à un système anti-démocratique dans lequel la décision politique est progressivement enlevée aux parlements nationaux. La constitution d'un pouvoir des institutions européennes qui n'est plus contrôlé par un Parlement conduit à faire de l'Union européenne un Tyran. Et l'on revient, ici aux déclarations que l'on a évoquées au début de cette note et à la haine de la démocratie qui transpire de personnages comme Martin Schultz, Jean-Claude Juncker et autres…
Incohérences françaises et italiennes
L'incohérence des dirigeants allemands est donc évidente, y compris dans les voix « dissidente » qui se font entendre. Mais, cette incohérence est largement égalée par le comportement des dirigeants français et italiens qui se refusent à admettre le caractère insoluble de la situation actuelle dans la zone Euro.
Les dirigeants des autres pays, et en particulier de la France et de l'Italie, qui sont rappelons-le les 2ème et 3ème puissance économique dans la zone Euro ont la responsabilité politique de mettre l'Allemagne au pied du mur et de dire que puisque qu'une voie de réforme n'est pas possible, seule la dissolution de la zone Euro permettrait aux pays de la dite zone de retrouver une santé économique qui est aujourd'hui un impératif non pas seulement d'un point de vue économique mais aussi politique et stratégique. Mais il est évident que ni Matteo Renzi, ni François Hollande, dont la piteuse prestation télévisée confirme qu'il est aujourd'hui dépassé par les événements, ni Manuel — « coup de menton » — Valls n'ont le courage politique et la vision du futur pour prendre une telle décision.
(1) Jakab A., « La neutralisation de la question de la souveraineté. Stratégies de compromis dans l'argumentation constitutionnelle sur le concept de souveraineté pour l'intégration européenne », in Jus Politicum, n°1, p.4, URL: http://www.juspoliticum.com/La-neutralisation-de-la-question,28.html
(2) Barroso J-M., Speech by President Barroso: "Global Europe, from the Atlantic to the Pacific", Speech 14/352, discours prononcé à l'université de Stanford, 1er mai 2014.
(3) AFP cité par le Point, « Grèce, la ‘provocation' de Jean-Claude Juncker », publié le 13/12/2014, http://www.lepoint.fr/monde/juncker-veut-des-visages-familiers-a-athenes-13-12-2014-1889466_24.php
(4) Voir le poste de Coralie Delaume sur le blog l'arène nue, le 14 avril 2016, Avant de devenir maraîcher bio, il propose d'interdire les référendums en Europe, http://l-arene-nue.blogspot.be/2016/04/avant-de-devenir-maraicher-bio-il.html?spref=tw
(5) Barkin N, 'A storm is brewing' — Germans worry about return of euro crisis, Reuters, 14 avril 2016, http://www.reuters.com/article/us-germany-euro-angst-idUSKCN0XB1YY
(6) Stiglitz J., « What's wrong with negative rates », 13 avril 2016, https://www.project-syndicate.org/commentary/negative-rates-flawed-economic-model-by-joseph-e--stiglitz-2016-04
(7) Godin R., Grèce: le retour de la crise?, 13 avril 2016, http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-le-retour-de-la-crise-564062.html
(8) Rebooting Consensus Authors (2015) "Rebooting the Eurozone: Step 1 — Agreeing a Crisis narrative", VoxEU, 20 November.2016
(9) Bofinger, P (2015) "German wage moderation and the EZ Crisis", VoxEU, 30 November 2016.
(10) http://www.voxeu.org/article/two-views-ez-crisis-government-failure-vs-market-failure, 8 avril 2016.
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