Bientôt la fin des visas européens pour les Ukrainiens?

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Plus de visas pour les Ukrainiens se rendant en Europe?

La Commission européenne entend resserrer les liens avec Kiev en se penchant dès le mois d'avril sur l'instauration d'un régime sans visa pour les Ukrainiens, une annonce faite alors que les Pays-Bas ont annoncé qu'ils allaient peser sur l'UE pour qu'elle prenne en compte le rejet de l'Accord d'Association par les Néerlandais.

Le président ukrainien Piotr Porochenko l'avait promis à ses électeurs, Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, s'apprête à le concrétiser: les ressortissants ukrainiens pourront bientôt se rendre en Europe sans visa, pour trois mois maximum toutefois.

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Alors que l'Accord d'Association est remis en cause par les Pays-Bas, qui ont déclaré que l'UE devait tenir compte du référendum qui a vu les électeurs hollandais rejeter massivement le rapprochement entre l'Union européenne et l'Ukraine (à 61.1% contre), Bruxelles et Kiev continuent de resserrer les liens.

Libéraliser le régime des visas pour les Ukrainiens souhaitant se rendre dans l'Union européenne, une décision de la branche exécutive européenne qui fait suite à l'avis favorable rendu en décembre dernier par Dimitris Avramopoulos, le commissaire européen pour la migration, les affaires intérieures et la citoyenneté. Pour cet ancien ministre grec de la Défense, l'Ukraine a "rempli les critères pour la libéralisation du régime des visas" les "efforts déployés" par le gouvernement ukrainien "pour atteindre cet objectif ont payé". Gouvernement ukrainien qu'il "félicite" pour "les progrès accomplis dans la réalisation du processus de réforme."

"Que pensez-vous de la libéralisation des visas pour les ressortissants Ukrainiens?", nous sommes allés poser la question à des Français:

- "Oui pourquoi pas… mais pas tout seul dans l'absolu, je pense que ça suppose d'abord de clarifier le statut de l'Ukraine, non?

- Elle n'est pas prête et elle est en ruines, le pays est en ruines! Voilà ce que l'Europe a apporté à l'Ukraine, bravo l'Europe! C'est une catastrophe, c'est le chaos total! Ils ont trouvé pire que les Grecs: l'Ukraine!

- Il faut que je me remémore déjà quel est le statut de l'Ukraine par rapport à l'Europe […] s'il y a eu des engagements, j'ai du mal à imaginer qu'on puisse les remettre en question… J'ai du mal à imaginer quel pourrait être le problème…

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- Un régime sans visa pour les ressortissants ukrainiens, ça serait peut-être intéressant que la crise soit réglée avant de prendre ce type de mesure, je pense; car il y a un front ouvert qui ne permet pas une vraie sécurisation des frontières et du coup c'est ouvrir les frontières de l'Union européenne un peu trop facilement.

- J'aurais tendance à dire que quel que soit le pays, qu'on les traite de la même manière, donc il faudra que d'un côté ou de l'autre de toute façon il y ait des règles qui soient homogènes, donc je ne vois pas pourquoi plus les Ukrainiens que quelqu'un d'autre: pourquoi plus +targetter+ l'Ukraine qu'un autre pays, ce ne sont pas les seuls qui viennent sans visa."

Homogénéiser les règles entre l'Union européenne et l'Ukraine en matière de visas, une question qui ne doit pas faire l'objet de tant de polémique estime Cyrille Bret, maître de conférences à Sciences Po Paris, haut fonctionnaire et co-auteur du blog EurAsia Prospective, qui tient à rappeler que d'autres pays — non membre de l'Union européenne — disposent de ce régime favorable à la libre circulation des personnes.

​"C'est une mesure qui commence à mettre en place l'Accord d'Association, le rapprochement graduel — administratif essentiellement — entre l'UE et l'Ukraine. C'est un signe fort de la part de l'Union européenne, dans la mesure où la liberté de circulation des biens et des personnes et des capitaux est un marqueur fort de la construction européenne. En revanche, l'absence de visas ne peut pas être considérée comme la première marche d'une adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne, dans la mesure ou bien des pays comme la Norvège ou la Suisse bénéficient de cette facilité, sans pour autant aspirer à devenir candidat ou membre de l'Union européenne."

"Le régime des visas, une question de droit international, qui régit les modalités de mobilité des populations: Il ne faut pas accorder à cette libéralisation des visas — pour des mouvements de courte durée — un poids politique trop fort: pas de bouleversement géopolitique."

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Rappelons simplement que la Norvège et ses 5.1 millions d'habitants dispose d'un PIB par tête de 65 705 dollars par an, que les 8.1 millions de Suisses génèrent chacun 59 536 dollars annuels tandis que les 45 millions d'Ukrainiens alignent à peine plus de 3560 dollars par an et par habitant de PIB.

Mais surtout, Kiev a clairement exprimé ses intentions de rejoindre l'Union européenne: rappelons que l'autre grande promesse de campagne du président ukrainien — au-delà de la libéralisation des visas pour ses concitoyens — est "la conservation d'une perspective d'intégration dans l'Union européenne"…

Pour François Asselineau, président de l'UPR, nul doute que la dimension géopolitique de la décision est à prendre en considération… d'autant plus que dans la foulée de cette libéralisation des visas pour les Ukrainiens, la Commission se penche sur les cas des Géorgiens, un pays figurant avec l'Ukraine parmi les partenariats orientaux de l'Union européenne, ainsi que sur celui des Kosovars…

"Il avait été décidé par la Commission de lever les visas vis-à-vis de la Géorgie et du Kosovo. Qu'est-ce que qui se cache derrière: c'est en fait de la haute géopolitique, qui n'est d'ailleurs ni décidée par les gouvernements européens, ni par les commissaires européens, mais qui est imposée par Washington. D'ailleurs la Presse allemande, en décembre dernier, n'avait pas été la dernière à souligner ce point. En réalité, il s'agit de tout faire pour intégrer rapidement l'Ukraine et accessoirement le Kosovo — qui n'est en fait qu'une base américaine — et aussi la Géorgie dans l'espace géopolitique euroatlantiste afin d'encercler la Russie."

Cela conduirait donc à accueillir des pays pour le moins instables, comme l'Ukraine, ce qui n'a pas échappé aux Français que nous avons rencontrés:

(Vox-pop) "Je suis pour la suppression des visas pour les Ukrainiens, à cause de la Russie qui envahie l'Ukraine et je les comprends tout à fait". À cette citoyenne engagée, le président de l'UPR, ancien inspecteur général des finances, tient à souligner que si l'addition du rapprochement entre Bruxelles et Kiev sera salée pour l'Union européenne, la note sera en bonne partie payée par le contribuable français…

"C'est un pays en faillite, il faut le rappeler, un pays dont le PIB depuis 2014 s'est effondré de 18%, c'est un pays dont les fins de mois sont assurées par l'Union européenne. Il faut bien comprendre ce que cela veut dire! L'Union européenne ne produit rien, elle est un processus redistributif d'argent, donc ce sont les Français, les Allemands et les Néerlandais principalement — les peuples contributeurs nets, qui donnent beaucoup plus d'argent à l'Union européenne qu'ils n'en reçoivent, donc ce sont eux qui sans le savoir financent l'Ukraine. Début 2015 M. Juncker avait dit qu'il allait augmenter de 1,8 milliard d'euros les fonds versés par l'UE à l'Ukraine, comme la France paie 1/6ème du budget européen… ça veut dire que les Français ont été taxés — sans qu'ils le sachent — d'environ 300 millions d'euros en plus de ce qui était prévu, pour donner de l'argent au gouvernement Porochenko…"

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Une décision de la Commission qui ne tient pas compte du résultat du référendum néerlandais du 6 avril dernier, un référendum certes consultatif, mais qui mettaient notamment à jour certaines inquiétudes liées à l'immigration… mais pour Cyrille Bret, les Pays-Bas et leur référendum font figure d'exception, parmi les 27 autres États qui ont exprimé leur souhait de normaliser leurs échanges avec ce pays de l'espace post-soviétique:

"Le résultat du référendum néerlandais obéit à des déterminants essentiellement internes au pays, qui ont finalement assez peu avoir avec la question du voisinage de l'Union européenne, des relations avec l'Ukraine […] En matière de conventions internationales, la procédure est assez simple: après la conclusion de l'accord par les gouvernements ou leurs représentants, dans certains pays selon leur droit constitutionnel, une ratification soit par référendum soit par le parlement est nécessaire. La procédure aux Pays-Bas suit son cours. Il ne faudrait pas que l'arbre cache la forêt: le processus de ratification est partout ailleurs en bonne voie, ce n'est pas là-dessus qu'il faut juger du caractère démocratique ou non démocratique de l'Union européenne."

Un argumentaire que dénonce justement, François Asselineau: pour lui les peuples n'ont pas été directement consultés, la plupart des pays passant prudemment par la voie parlementaire. Il s'appuie sur une tribune de Fraser Cameron parue suite au référendum. Cet ancien haut fonctionnaire de la Commission européenne, désormais analyste politique et qui dispose d'une large couverture médiatique outre-Manche, remet en question le principe de soumettre à référendums des questions liées à la construction ou à l'Union européenne de manière générale…

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"Il dit + c'est pas normal que les Pays-Bas puissent bloquer un accord approuvé par 27 autres États + ce qu'il ne dit pas c'est que les 27 autres peuples n'ont pas été consultés. Et que s'ils l'avaient été, comme l'ont été les Néerlandais, il est très probable qu'il y aurait eu une écrasante majorité de pays qui auraient justement refusé l'Accord d'Association avec l'Ukraine.

Derrière tout ça ils se cachent, comme le font les dictateurs de notre époque, derrière la démocratie représentative: en disant que c'est le rôle des députés, sauf que ces derniers n'ont jamais été élus par les peuples sur les sujets dont il s'agit, ils ont été élus par les peuples sur des questions souvent de politique intérieure et sur selon un clivage droite-gauche et non pas sur une politique européenne qui n'intéresse d'ailleurs pas du tout les peuples au moment où ils votent…"

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Sauf peut-être quand on leur pose la question directement. Le référendum néerlandais sur l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine est là pour nous le rappeler… Pour autant, l'Union européenne n'a pas attendu les Pays-Bas pour faire entrer en vigueur — de manière provisoire et en attendant sa ratification définitive — ledit accord. De son côté, Piotr Porochenko ne s'encombre pas des subtilités de procédure européennes. Il a annoncé qu'en plus d'être dans l'attente d'une réponse positive de la Commission européenne concernant le régime des visas, il estimait que le vote des Néerlandais ne changerait rien à l'Accord d'Association, étant donné que celui-ci était déjà en vigueur.

Élan d'optimisme ou de cynisme? La ratification du traité pourrait bien avorter si Amsterdam reste ferme dans sa décision de tenir compte de l'avis des Néerlandais sur la question.

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