Dimanche 3 avril, le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) a publié sur Internet des révélations sur les avoirs cachés dans des paradis fiscaux par des milliers de personnes ou organisations, parmi lesquelles figurent des dirigeants politiques en exercice, des personnalités du sport et des organisations criminelles.
Ce groupe international de journalistes affirment que pour produire cette "bombe" informatique, ils ont utilisé 2,6 téraoctets des documents d’archives provenant d'un cabinet panaméen spécialisé dans la domiciliation de sociétés offshore, obtenus par le journal allemand Süddeutsche Zeitung de source anonyme.
Bien sûr, un scoop d’une telle envergure n’est pas passé inaperçu et a provoqué une réaction certaine du côté des gouvernements et des hautes responsables de différents pays, qui ont, logiquement, demandé des preuves.
C’est la France qui a été l’une des premières. En particulier, François Hollande, dont le nom ne figurerait en aucune façon dans ces documents, a déjà promis des "enquêtes" fiscales". En fait, le président français s’est réjoui de l'éclatement de l'affaire des Panama Papers. En démontrant sa satisfaction, M. Hollande a déclaré que "toutes les informations qui seront livrées donneront lieu à des enquêtes des services fiscaux et à des procédures judiciaires", rapporte Marianne.
Le ministre français de l'Économie Emmanuel Macron, à son tour, a salué le "très beau travail journalistique" mais, contrairement au président n’a pas montré de signes de satisfaction. Il s'est dit "choqué" en tant que citoyen et contribuable par les révélations sur le scandale des Panama Papers.
Le ministère français des Finances et le secrétariat d'Etat au Budget ont demandé la transmission du fichier Panama Papers, s’il existe vraiment, afin d’apporter les suites juridiques nécessaires à la révélation de ces montages offshore qui concerneraient notamment des personnalités françaises.
"Une fois que ces informations seront détenues et vérifiées, nous disposons d'outils juridiques permettant de redresser les impôts éludés et d'appliquer les pénalités, et notamment pour la détention de comptes non déclarés à l'étranger ou de sociétés écran permettant d'échapper à l'impôt qui serait normalement dû à la France", déclarent-ils.
Dans le même temps la justice pénale pourra être chargée d'affaires de blanchiment de fraude fiscale, indique le communiqué.
Les Britanniques sont aussi éclaboussés. Les documents publiés la veille par le journal allemand, mentionnent, notamment le père de premier ministre britannique actuel, David Cameron, ainsi que six membres de la Chambre des lords et trois anciens députés du Parti conservateur et de ses soutiens.
Le cabinet de M. Cameron n’a donné aucun commentaire au sujet du scandale autour des Panama Papers, mais a exprimé son intention d’examiner scrupuleusement les documents originaux, rapporte Independent.
D’après le représentant du Service sur les questions fiscales et douanières du Royaume-Uni, le gouvernement britannique a déjà demandé des documents au ICIJ.
"Nous allons étudier soigneusement les données et nous agirons promptement et de manière appropriée", a déclaré le directeur du département juridique du Service sur les questions fiscales et douanières Jenny Grainger.
Les autorités fiscales espagnoles épluchent déjà les informations des Panama Papers, rapporte le journal El Mundo. Les documents de la société panaméenne Mossack Fonseca mentionnent en effet le nom de la tante du roi Philippe IV d'Espagne. Dans le viseur des journalistes d'investigation figurent également l'attaquant de Barcelone Lionel Messi et le réalisateur Pedro Almodovar, indique le quotidien.
Le régulateur des marchés financiers d'Autriche (FMA) enquête sur les banques Raiffeisen Bank International et Hypo Landesbank Vorarlberg, également mentionnées dans les Panama Papers. Il cherche à déterminer si les créanciers ont bien respecté les interdictions de blanchiment d'argent. Selon le porte-parole du FMA, si nécessaire l'organisme transmettra les résultats de son enquête aux forces de l'ordre, rapporte l'agence de presse Reuters.
La direction de l'Autorité de supervision financière suédoise (FSA) a demandé au Luxembourg des informations sur la banque Nordea, qui, d'après les Panama Papers, a aidé certains de ses clients à ouvrir des comptes dans des juridictions offshores. "Nous prenons cette information très au sérieux", a déclaré à Reuters un représentant de la FSA.
Le fisc belge compte aussi mener sa propre enquête en s'appuyant sur les informations des Panama Papers: 732 Belges seraient impliqués dans ce scandale offshore. "Tout cela semble très impressionnant", a déclaré le ministre belge des Finances Johan Van Overtveldt.
De leur côté, les autorités norvégiennes demandent des explications au conseil d'administration des banques norvégiennes qui apparaissent dans cet enquête journalistique. Les informations selon lesquelles la principale banque norvégienne DNB aurait aidé certains clients à monter des sociétés offshores aux Seychelles pourraient "saper la confiance générale envers le secteur", a déclaré le Service norvégien de supervision financière et budgétaire.
Le fisc des Pays-Bas étudiera de près toutes les informations des Panama Papers concernant le pays. "Le service a l'intention de passer au crible tous les documents pour y déceler la présence de données importantes. Les Pays-Bas sont attachés à la lutte contre la fraude fiscale", indique le communiqué du ministère néerlandais des Finances, publié sur son site officiel.
De son côté, le fisc australien a annoncé le début des vérifications auprès de centaines d'Australiens mentionnés dans la fuite informatique, soit plus de 800 contribuables. "Nous avons établi un lien entre environ 120 d'entre eux et une société située à Hong Kong qui offre des services pour travailler avec les offshores", indique le communiqué du fisc australien.
Les services fiscaux néo-zélandais affirment coopérer de manière étroite avec leurs partenaires dans le cadre des accords fiscaux internationaux afin d'obtenir des informations sur les clients mentionnés dans l'enquête des journalistes.
De son côté, le Bureau national anticorruption d'Ukraine indique n'avoir aucune intention d'enquêter sur les soupçons d'actifs offshore du président ukrainien Piotr Porochenko. La page du bureau sur Facebook souligne que le chef de l’État est hors des pouvoirs de l'institution, qui n'est donc pas en droit de lancer une enquête contre ce dernier.
Le journal allemand Süddeutsche Zeitung affirme que les 11,5 millions de documents secrets, que personne n’a jamais vus à part les journalistes de grandes éditions mondiales, proviennent de quelques sources anonymes. Les données opaques mentionnent nommément douze chefs d'Etat, cinq d'entre eux étant encore en activité, dont le président ukrainien Piotr Porochenko, l'ancien président soudanais Ahmed al-Mirghani et le chef de l’Etat des Emirats arabes unis et émir d'Abu Dhabi Khalifa bin Zayed bin Sultan Al Nahyan.
D'autres sont mentionnés à travers leurs proches, dont le père du premier ministre britannique David Cameron, la famille présidentielle d'Azerbaïdjan, la famille du président chinois Xi Jinping. Le président russe, lui, n’est mentionné que par le biais de ses "amis intimes".
Pourtant, l'authenticité des documents n'est pas prouvée. De surcroît, la société Mossack Fonseca a déclaré qu'elle refusait de certifier l'authenticité des données, qualifiant les actes des journalistes de "crime".