Il faut dire que l'organisation terroriste n'avait pas lésiné sur la mise en scène — quasi-théâtrale — des destructions infligées au patrimoine de cette ville deux fois millénaire et qui avaient été massivement relayée sur internet. Moins mis en lumière, mais tout aussi néfaste pour le site historique de Palmyre: le pillage en règle et le trafic de ses antiquités, sous la férule de Daech.
Pour le chef d'Unité de la préparation et des réponses aux situations d'urgence de l'UNESCO, Giovanni Boccardi, si une reprise de la ville par l'armée syrienne serait "une très bonne nouvelle", il demeure néanmoins réservé quant à l'état du site, après bientôt un an de saccage. De fait, les vidéos de la ville survolée pendant les combats par les drones de la télévision Russie 24, montrent des milliers de trous, correspondant vraisemblablement à des fouilles sauvages du site.
Il rappelle également les assassinats commis par Daech, comme celui du professeur al-Assaad, cet homme qui avait dévoué sa vie à la préservation de la cité antique, et qui, à l'âge de 82 ans, fut décapité et dont la dépouille fut exposée sur un poteau à l'entrée de la ville.
Un recel qui peut rapporter gros. Selon les chiffres généralement admis, les revenus pour Daech générés par ce trafic seraient de l'ordre de 20 à 30 millions de dollars, ce qui en ferait la deuxième source de revenus de l'organisation terroriste, après le pétrole.
"On parle de 6 000 objets d'origine syrienne, saisis par les autorités turques. Il y aussi des objets saisis récemment en Bulgarie et même en Slovénie, des statues d'alabastre de l'époque sumérienne. En Italie, on parle de 90 objets, l'UNESCO essaie de garder un contre-rendu et d'assurer la coordination entre INTERPOL et les autorités nationales pour ensuite faciliter le retour de ces objets dans leurs pays d'origine, quand cela est possible."
Et si les autorités européennes ont pris conscience de ce mal et qu'au niveau international la résolution 2199 a été adoptée auprès des Nations Unies, il demeure difficile de faire appliquer les mêmes règles partout, comme le rappelle Giovanni Boccardi:
"L'UNESCO œuvre avec INTERPOL, l'organisation mondiale pour les douanes, l'organisation pour les crimes et la drogue des Nations Unies, pour aider les États à mettre en œuvre cette résolution.
Ce n'est pas évident, parce qu'il faut adapter les législations nationales, il y a énormément d'efforts qui sont fait. Beaucoup d'objets ont été saisis à la frontière entre la Turquie et la Syrie, le Liban et la Syrie, en Jordanie, mais aussi en Suisse, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en France, en Italie, à Singapour et dans d'autres pays acheteurs ou de transit."
"Il est compliqué pour nous d'empêcher ce business à la source; ce qu'on peut faire est le rendre beaucoup plus compliqué au niveau de la demande, c'est-à-dire en Europe ou dans d'autres régions du monde, et pour cela il y a des mesure juridiques, il y a des mesures techniques, d'information. l'UNESCO fait beaucoup de formation d'agents des douanes et de police, mais là où des moyens de communication, comme vous, pouvez aider, c'est dans la sensibilisation: pour faire comprendre — une fois pour toute — qu'il ne s'agit pas d'un +crime innocent+, comme on l'a parfois appelé, c'est-à-dire quelque chose qui n'est pas légal, mais qui ne fait de mal à personne. Ce n'est plus le cas: on parle de +blood antiquities+, des antiquités tâchées de sang, car contribuer à ce trafic c'est contribuer à la criminalité organisée, au terrorisme."
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