Mais l'ONG va progressivement passer le flambeau à l'association Utopia 56. Gestion pour le moins nouvelle et insolite car l'association est surtout connue pour sa longue expérience dans l'activité festivalière. Cabanes, chauffages au pétrole, gravas, la différence avec le précédent "camp de la honte" est considérable. Mais pour les migrants, l'attente reste la même.
Après trois mois de marathon logistique pour Médecins Sans Frontières (MSF), c'est l'association Utopia 56 qui va reprendre le flambeau du premier camp humanitaire de France. Forte actuellement d'une cinquante de membres sur le camp de la Linière, la structure a annoncé ses objectifs dès novembre 2015: "mobiliser et organiser des équipes de bénévoles pour venir en appui d'autres associations œuvrant dans l'événementiel ou l'humanitaire". Dans l'humanitaire, elle est encore novice, ayant fait ses armes à Calais dans le "nettoyage et l'hygiène", selon un des responsables. Dans l'événementiel, elle est connue pour assurer depuis longtemps toute la régie du camping du festival breton des Vieilles Charrues.
Valérie, la chargée de communication de cette jeune structure œuvrant désormais auprès d'une population évidemment moins portée sur la fête que celle présente aux festivals qu'elle chapote habituellement, reconnait qu'il s'agit là d'une grande première: "Absolument, on aurait pas imaginé cela il y a quelques semaines".
Son "pari fou" de construire le premier camp humanitaire de France, on peut dire que Médecins sans Frontières l'a remporté. Dès le premier jour du déménagement du "camp de la honte" vers le camp de la Linière, près de 900 personnes s'était portées volontaires pour migrer vers ce lieu, aux conditions d'accueil nettement plus acceptables.
Les travaux ne sont pas terminés: les zones à proximités du poste MSF sont réservées en priorité aux enfants et familles. Les zones centrales sont mixtes et la répartition s'est faite au compte-goutte. Un peu plus loin, les tentes jalonnent un sol, cette fois-ci revêtu de bâches de drainage et de gravas (ô joie!), en attendant que la construction des derniers shelters s'achèvent. Il n'y en aurait pas d'autre de construit, et c'est à l'association Utopia 56 qu'il incombe la tâche de compter les arrivées/départs, en plus de la coordination des innombrables bénévoles, venus parfois de pays voisins: Angleterre, Allemagne, ou encore Luxembourg.
Médecins sans frontières va progressivement réduire son action humanitaire sur le camp pour n'avoir plus qu'un pôle médical. La coordinatrice MSF, Angélique Muller, nous explique que la réhabilitation d'une structure déjà existante sur ce terrain, situé 4 km du précédent, va permettre d'apporter des soins de santé primaires, de mettre en place des consultations psychiatrique et des activités psychosociales. Déjà, le nouveau camp a un effet palpable sur la population. Les femmes sortent d'avantage, les sourires réapparaissent, constate-t-elle.
Le camp de Basroch était non seulement une « honte », mais un cul-de-sac: dans le camp de la Linière où le drapeau du Kurdistan est représenté sous toutes ses formes et coutures, les migrants attendent, inlassablement, de pouvoir rejoindre leur famille outre-Manche. Youssef est kurde et insiste: "Je ne peux pas dire que je viens d'Irak, de Syrie ou de Turquie. Tous les jours, ils nous tuent". Il est parti seul il y a trois ans et, faute de passeport, sa demande d'asile en France a été rejetée. Il se déplace aux côtés de deux familles, qui sont comme les siennes: "Je prie Dieu pour que ces familles partent d'ici. Ce n'est pas une vie pour des enfants". Elles attendent de rejoindre leurs proches en Angleterre où ils se sont réfugiés alors que Saddam était au pouvoir: "Il faut que le gouvernement français ou le Parlement européen fasse quelque chose".
L'objectif du camp actuel est également de donner envie aux migrants de faire leur demande d'asile en France. L'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII) ou le Carrefour des Solidarité s'apprêtent à renforcer leur travail d'information et d'orientation.
Auprès des enfants, l'enseignement du français se développe et plaît. Ce qui, forcément, a un impact sur les perspectives que l'on peut se faire en France. Fulgence, responsable d'une petite école, nous confie: "Pour l'instant c'est essentiellement en anglais, car ils ont une allergie au français. Mais les choses changent! Surtout depuis qu'il y a ce camps-là. Parce que les conditions sont meilleures donc ils sont plus réceptifs. Il y a aussi l'appréhension par rapport au mauvais accueil français, qui n'est pas un mauvais accueil français mais un barrage anglais… mais bon, c'est comme cela qu'ils le voyaient. Ils ne pouvaient pas comprendre qu'on puisse les loger dans un camp aussi +merdique+ que celui du Barsroch. Maintenant, j'ai beaucoup de familles qui pensent déjà à demander l'asile en France".
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