L'histoire pourrait retenir ce mois comme le moment où les autorités turques ont franchi la ligne rouge morale et se sont engouffrées dans une vraie politique totalitaire. Il est temps que l'Occident renonce aux relations étroites avec le régime de Recep Tayyip Erdogan, écrit Doug Saunders dans un éditorial publié par le Globe and Mail.
L'auteur de l'article reconnaît toutefois que le Canada et ses alliés dépendent de la Turquie: la campagne militaire en Irak et en Syrie sera paralysée en l'absence d'une coopération active avec Ankara. En outre, le pays qui a accueilli trois millions de migrants syriens joue un rôle clé dans la prévention de l'afflux d'une nouvelle vague de migrants en Europe.
"En même temps, la Turquie est devenue un problème et un problème vraiment sérieux", souligne le journaliste.
Ce fait lamentable n'est qu'un maillon dans une campagne gouvernementale sans précédent qui cherche à étouffer ou à prendre sous son contrôle l'opposition politique et médiatique sous toutes ses formes. Plus de 1.800 personnes ont été arrêtées au cours de l'année dernières pour avoir "porté offense au président", alors que l'existence même de cette loi contredit les principes de la démocratie, estime M.Saunders.
Cette campagne se déroule sous le couvert d'une lutte contre les islamistes et les mouvements kurdes. Le président Erdogan parle de l'existence d'une menace à la sécurité nationale, mais dans les faits en étouffant toutes ces organisations démocratiques et sociales, il se crée un pouvoir absolu.
Actuellement, le président turc bombarde intensivement les citoyens de son propre pays. Diyarbakir, une commune à dominante kurde, est devenue une ville fantôme, criblée de cratères d'obus. Les perquisitions et les arrestations y sont courantes. Et tout ceci n'a pratiquement aucun lien avec la protection de la sécurité de l'Etat turc.
"Les Kurdes syriens et irakiens sont nos principaux alliés dans la guerre civile en Syrie et sont une clé vers la résolution de ce conflit. En les considérants en ennemis (…) Erdogan a détruit une Turquie unie et ouverte dont il avait lui-même participé à la création à l'époque. Il l'a réduite en miettes à l'aide d'instruments non seulement autoritaires, mais aussi totalitaires. Il est temps d'agir avec la Turquie non en allié, mais de se comporter avec elle comme avec un pays qui est sorti du cadre du permis", conclut Doug Saunders.