La nouvelle initiative suisse qui fait bruit

© AFP 2024 FABRICE COFFRINI Affiche de campagne de l’Union démocratique du centre, parti politique suisse conservateur et nationaliste, en faveur du oui pour le référendum sur l’éviction des étrangers ayant commis un délit
Affiche de campagne de l’Union démocratique du centre, parti politique suisse conservateur et nationaliste, en faveur du oui pour le référendum sur l’éviction des étrangers ayant commis un délit - Sputnik Afrique
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Une initiative populaire suisse fait encore parler d’elle. Cette fois-ci, on renvoie (ou pas) séance tenante tout étranger pris en flagrant délit, littéralement.

La Suisse - Sputnik Afrique
Le renvoi des étrangers criminels soumis au vote en Suisse
Une nouvelle fois, les référendums sont indissociables de la Suisse. Si en Grande-Bretagne, un référendum sur la sortie de l'UE en Juin fait la une de tous les médias, les Helvètes accueillent les consultations populaires soit avec passion (lorsqu'ils sont concernés), soit avec indifférence, comme s'il s'agissait d'un énième référendum.

Seulement cette fois, le sujet prête à controverse; la plupart des sondages indiquent une participation qui sera très forte, car elle concerne beaucoup de mondes: non seulement les étrangers résidant en Suisse (soit un peu moins de 2 Millions de personnes, donc près du quart de la population), mais aussi les binationaux (ceux nés de parents suisses à l'étranger, ou nés d'un parent étranger en Suisse, ceux que l'on surnomme les « Secondos »).

​M. Guy Mettan, élu PDC et Président du Club suisse de la Presse nous évoque ce qui apparaît comme une contradiction dans l'initiative:

« Sur le principe, cette initiative consiste à mettre en œuvre une autre initiative sur le refoulement des criminels étrangers, durcit en fait ce qui était prévu par la première initiative, et en ce sens c'est un changement; elle est trompeuse vis-à-vis du peuple, et c'est pourquoi on a assisté à une mobilisation sans précédent de la société civile et des organisations économiques et des partis politiques pour s'opposer à cette initiative.

En plus, les problèmes pratiques et juridiques de mise en œuvre parce qu'elle serait injuste par rapport pour ceux de la deuxième génération suisse, qui viennent d'être naturalisés. (…) Sur le plan personnel, cette initiative est plutôt néfaste et devrait être rejetée.»

En quoi consiste l'objet? Concrètement, c'est un nombre de cas dans lesquels tout étranger résidant en Suisse et condamné pénalement sera expulsé, nous explique M. Etienne Grisel, professeur honoraire de droit public à l'Université de Lausanne, et auteur de l'ouvrage « Initiative et référendum populaires, traité de la démocratie semi-directe en droit suisse ». Plus précisément, tout auteur de deux délits mineurs ou d'un crime, et non citoyen suisse, fera l'objet d'une expulsion du territoire, sans retour possible pendant plusieurs années sur le territoire suisse. Cette initiative sera directement mise en œuvre, comme toute initiative, au sein du droit suisse.

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Deux initiatives pour un même thème? La précédente de 2010 avait été acceptée à 53% de la population, cette fois-ci c'est pour mettre en œuvre ce qui a été adopté, sans passer par la décision judiciaire; Le renvoi est donc automatique et effectif. En effet, le titre francophone est « Pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en œuvre) ». En clair, ce sera « raus » d'office.
Déposée en 2012 à Berne, soit 2 ans après l'acceptation de celle de principe de 2010, l'initiative divise le pays, même dans les rangs du parti conservateur UDC, car beaucoup y verraient que des citoyens suisses soient expulsés du simple fait de leur autre nationalité.

Une fois n'est pas coutume, la Suisse se retrouvera divisée sur le sujet: les régions rurales, le Tessin et la Suisse alémanique voteront en faveur de l'initiative; de leur côté, les grandes villes (Zurich, Genève, Bâle, Lausanne), leurs périphéries, et les cantons francophones s'opposeront à l'initiative.

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Au niveau social, là aussi les disparités existent: les milieux financiers, académiques, religieux, la plupart des partis politiques et les Suisses de l'étranger sont farouchement opposés; tandis que l'UDC, et les partis à sa droite de l'échiquier, sont les seuls partis à la défendre.

C'est que les arguments en faveur sont forts, et s'appuient sur les chiffres de l'Office Fédérale de la Statistique, qui montrent que la majeure partie des crimes et délits commis en Suisse ont été perpétrés par des étrangers.

De plus, elle permettrait de faire valoir la volonté populaire qui s'est exprimée en 2010. En retour, le Parlement avait peu après l'acceptation de 2010 mis en place un contre- projet qui ne reprenait qu'une partie de cette initiative, qui en ajoutait une clause de « rigueur », qui permet aux juges de décider (ou pas) de l'expulsion de quelqu'un. L'éternel argument populiste contre l'élitisme.

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Enfin, les évènements de la Saint Sylvestre ayant impliqué des agressions sexuelles (à Zurich et d'autres villes de Suisse) ont montré qu'elles n'étaient pas toutes le fait de migrants. Malheureusement, les médias ont relayés l'information contraire dans l'immédiat qui a suivi ces évènements. Le mal est fait, et l'effet produit n'a fait qu'accentuer une méfiance à l'égard de l'étranger, pourtant déjà très forte à cause de la crise migratoire.
Quelles seraient les conséquences d'une acceptation pour la Suisse par rapport à la communauté internationale? M. Guy Mettan, nous répond:

« Cela remettrait en cause notre image et notre réputation à l'égard de l'UE, alors que nous sommes en pleine phase de négociations délicates sur la libre circulation des personnes; cette libre circulation qui est remise en cause par un vote populaire qui a eu lieu en Février 2014 (ndlr: la votation « Contre l'immigration de masse », acceptée par le peuple) ; ce serait très handicapant pour la Suisse. »

Quels sont les pronostics? Le « non » a des chances de l'emporter, selon les sondages, ce que nous confirme M. Grisel. «Cependant, il faut se méfier des sondages, car ils ne sont pas très développés en Suisse, et ne sont pas très fiables, surtout que les citoyens ne répondent pas toujours de façon très sincère. (…) Beaucoup changent d'avis au dernier moment », ajoute-t-il.

​M. Mettan nous affirme que les positionnements sont au coude-à-coude, et les avis partagés. « Cela va se jouer à quelques milliers de voix; c'est impossible à dire, j'ai personnellement le sentiment que cette initiative sera refusée à une très faible majorité. »

Toujours est-il que ce Dimanche sera une journée historique pour la Confédération, car ce jour-là déterminera la direction que prendront les Helvètes pour leur place dans le monde.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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