Des confusions dans la politique de l'administration Obama en Syrie jouent un sale tour sur le terrain et mènent à ce que des groupes soutenus par les États-Unis commencent à se battre les uns contre les autres.
Les luttes intestines entre les protégés des Américains sont le dernier revers de cette politique et mettent à nu les contradictions alors que la violence dans le pays ne cesse de monter.
"C'est vraiment étrange et je n'arrive pas à le comprendre", confie à BuzzFeed Ahmed Othman, le commandant du bataillon Furqa al Sultan Murad soutenu par les États-Unis. Il dit avoir été attaqué cette semaine par des militants kurdes à Alep soutenus eux aussi par les États-Unis.
Furqa al-Sultan Murad reçoit des armes des États-Unis et de leurs alliés dans le cadre d'un programme secret, supervisé par la CIA, qui aide les groupes rebelles qui luttent pour renverser le gouvernement du président syrien Bachar el-Assad, selon les responsables des rebelles et les analystes du conflit.
Les militants kurdes, quant à eux, reçoivent des armes et le soutien du Pentagone dans le cadre des efforts américains pour lutter contre Daech. Connus comme les Unités de protection du peuple kurde (YPG), ils font partie de la stratégie de l'administration Obama pour contrer les extrémistes en Syrie et coordonnent régulièrement leurs opérations avec celles des forces américaines.
Ahmed Othman a expliqué que les YPG ont essayé de prendre sous leur contrôle deux zones d'Alep, ce qui a amené à des échanges de tirs qui ont fait des victimes des deux côtés. Il avait pris en otage sept combattants des YPG et les tenait prisonnier, a-t-il ajouté.
Un responsable au sein du gouvernement turc a critiqué les États-Unis pour ce qu'il décrit comme une politique en Syrie qui a mal tourné. "Les YPG prennent des terres et des villages aux groupes qui reçoivent de l'aide américaine", a-t-il dit, parlant sous le couvert de l'anonymat en raison de la nature sensible du sujet. "Ce sont des groupes qui obtiennent non seulement de l'aide américaine mais certains d'entre eux ont également reçu des formations de la part des Américains".
Le responsable a ajouté que les groupes rebelles arabes soutenus par les États-Unis avaient vu leur soutien diminuer, alors que les YPG bénéficiaient d'un regain d'intérêt". "Les Américains ne livrent pas assez de munitions à l'opposition modérée. Ils ne fournissent pas un soutien politique", a-t-il souligné. "Et ils n'ont pas empêché les YPG de les attaquer"
"Ils ont dit que nous ne sommes pas sous le contrôle des YPG sur [ces territoires]", a-t-il ajouté. "Voilà la réponse officielle. Mais elle n'a aucun sens. Que puis-je dire?", s'indigne-t-il.
Dans un communiqué envoyé par courriel, le colonel Patrick J. Ryder, porte-parole du commandement central américain, qui supervise le soutien accordé aux YPG, a déclaré qu'il n'avait pas d'informations à fournir concernant un probable accrochage entre les différents groupes de l'opposition".
"La Syrie continue d'être un environnement très complexe et délicat", a-t-il constaté. "Je peux vous assurer que nous restons concentrés sur le soutien des groupes locaux terrestres qui luttent contre Daech".
Les récents affrontements pourraient faire perdre aux États-Unis la composante arabe cruciale dans leur lutte contre Daech, estime Andrew Tabler, spécialiste sur la question syrienne du Washington Institute for Near East Policy (WINEP), un think tank qui se concentre sur la politique étrangère des États-Unis. "Si cela continue, les États-Unis vont avoir une seule option, celle de ne coopérer qu'avec les YPG. Il n'y aura pas de possibilité (de coopérer avec la partie, ndlr) arabe", a-t-il constaté. "Ce qui serait bien si les Kurdes étaient la majorité de la population syrienne, mais ce n'est pas le cas. Nous avons besoin d'Arabes sunnites pour vaincre Daech", conclut Andrew Tabler.