La guerre des médias, ou comment diviser un pays

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Les services de renseignements allemands ont affirmé récemment l’influence des médias russes et russophones sur la politique allemande, et l’instabilité qu’ils créeraient. Fausse paranoïa de Guerre Froide, ou véritable guerre hybride ?

Les medias allemands ont depuis deux ans développé une véritable schizophrénie à l'égard de la Russie. Les propos de Medvedev lors de la Conférence sur la Sécurité ont été repris, mais on s'est focalisé en long et en large sur le terme de « 3ème Guerre Mondiale »; la paranoïa est-elle de retour?

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Encore faut-il voir qui a un intérêt à mettre en valeur le terme «3ème Guerre Mondiale».

Paranoïa ou pas, les services de renseignements allemands (Bundesnachrichtendienst, BND) ont pris en compte récemment l'influence des médias russes et russophones sur la politique allemande.

Le but des médias russes serait de déstabiliser l'Europe de l'intérieur (guerre hybride) en exagérant la gravité des agressions de la Saint-Sylvestre et en blâmant Merkel pour tous les maux que traverse l'Allemagne actuellement (crise des migrants, chômage des jeunes, affaire Volkswagen, musique de Stefan Raab). Nous avions déjà évoqué ce problème dans un de nos articles précédents.

© SputnikAllemagne: le renseignement recherche des agents d'influence russes
La guerre des médias, ou comment diviser un pays - Sputnik Afrique
Allemagne: le renseignement recherche des agents d'influence russes

En tout cas c'est ce que clament haut et fort les agences de presses (NDR, WDR) ainsi que les bloggeurs teutons « spécialistes de la Russie » (qui ont évidemment une connaissance approfondi du pays depuis leurs appartements à Francfort).

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L'histoire concernant la jeune Russo-Allemande de 13 ans, qui avait clamé dans les médias avoir été violée par des migrants, avait créé une vraie tempête au sein de la communauté russophone de Berlin. Le Ministre des Affaires Etrangères Sergueï Lavrov s'était empressé de dénoncer le manque d'état de droit que connait l'Europe. La fille s'est rétractée a admis avoir menti sur cette agression. Les médias allemands ont surenchéri dans cette histoire en dénonçant à leur tour « les calculs de Moscou »: le Kremlin inventerait des histoires; alors qu'en réalité M. Lavrov était de bonne foi, car il a cru (comme tout le monde, y compris les médias allemands) les propos de la jeune fille.

Mais cela ne concerne pas seulement la société civile. En effet, un haut représentant des Affaires Etrangères allemandes a déclaré dans la presse que la « déstabilisation systématique de la communauté occidentale » était le fait de puissances étrangères. La France et la Hongrie sont pointées du doigt régulièrement pour les formations et politiciens populistes, et l'influence de Moscou sur ces derniers (Front National, Victor Orban).

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Ces campagnes politiques et médiatiques rejoignent depuis l'automne 2015 la politique extérieure de l'Union Européenne, menée par Federica Mogherini, dans un but de « lutter contre la désinformation ». On parle régulièrement aussi de « cinquièmes colonnes ».

Un lien est fait entre ces médias et les mouvements et partis populistes que sont PEGIDA et AfD. Le gouvernement allemand se creuse la tête depuis des mois pour agir dans ce sens. Malheureusement pour l'Office Fédéral de Protection de la Constitution (Bundesamt für Verfassungsschutz), les autorités n'ont pas de mandat pour surveiller les groupes politiques précités.

Ces assertions, non vérifiées et donc purement spéculatives, viennent pourtant des instances fédérales les plus importantes du pays. Thierry Mariani, député des Français de l'étranger, évoque avec nous cet état de fait ubuesque.

« La Russie a compris les règles de communication; elle laissait le champs libre à d'autres en matière de communication, et elle est particulièrement active depuis quelques années. Mais de là à créer ou susciter des actions de partis politiques étrangers, ça me semble un peu gros, sauf s'il y a des preuves.

Regardez en France la polémique que nous avons avec le financement du Front National; la Russie n'a certainement pas encouragé ou suscité le Front National, bien qu'une banque russe ait participé au financement du Front National (parce que les banques françaises ont refusé). Mais la Russie ne fonde pas de partis politiques en Allemagne. »

L'Allemagne est une puissance européenne qui a toujours eu des relations spéciales avec la Russie; tantôt alliée, tantôt ennemie, tantôt partenaire, mais jamais indifférente. Une position de « Ost-Politik » ne serait-il pas un avantage pour l'Allemagne?

«Bien sûr! Cela rejoint la position géographique de l'Allemagne. La France a un rôle important dans le bassin méditerranéen, et tournée vers le Sud. L'Allemagne a toujours eu une forte influence à l'Est. Cela devrait être un atout pour l'Europe. »

Poutine est partout dans les medias allemands; Ukraine, crise des migrants, PEGIDA, le trafic routier et l'aménagement du territoire; tout est la faute à Poutine! Au point que même des journalistes du magazine « der Spiegel » (réputé pour son objectivité dans le traitement des informations) ont plus d'une fois dénoncé cette psychose et cette chasse aux sorcières.

Surnommé « Le Mad Man » dans le passé, et considéré par Merkel comme un « ermite vivant dans son petit monde », Poutine est le diable depuis 2014. La Russie en est réduite au rôle qu'elle avait au 19ème siècle: un pays barbare, à l'opposé d'une Europe éclairée.

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L'Allemagne est pourtant un pays qui a un passé bicéphale entre Est et Ouest (une série télévisée comme « Deutschland '83 » le montre très bien); la réconciliation post-RDA n'a pas donné lieu à une chasse aux sorcières, et si le pays reste encore divisé sur des questions sociales et économiques, personne ne remettrait en cause l'intégrité de la République Fédérale.

C'est pourtant la conséquence de cette guerre des médias: en voyant l'ombre de Poutine partout, et en accusant la Russie de tous les maux, les médias et les responsables politiques prennent le risque de diviser la population allemande (ironie du sort, car c'est ce dont ils accusent les médias russes).

Cette division du pays et du peuple rejoint la carcasse de l'ancienne Ost-Politik (pratiquée de Willy Brandt à Gerard Schröder).

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Ce sont les résultats d'un choix politique et idéologique opéré durant les années 2000 en Allemagne. Tout est à l'Ouest dorénavant, comme le clamait Angela Merkel en 2005.

Cette Ost-Politik abandonnée permettait au pays (à la fois capitaliste et fortement social) de travailler et commercer avec les Etats-Unis et avec la Russie; cela permettait aussi à l'Allemagne de tenir une place sur la scène internationale, et de servir d'intermédiaire pour la Détente et la fin de la Guerre Froide.

A l'heure où deux blocs se reforment et s'affrontent indirectement (Ukraine, Syrie, Balkans), une Allemagne proche de l'Ouest et de l'Est aurait des conséquences importantes quant à apaiser les tensions actuelles.

L'Allemagne d'aujourd'hui, en choisissant un camp qui n'est pas le sien, perd sa force, et donc son droit d'accuser un autre pays de s'immiscer dans ses affaires internes.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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