Dans un hémicycle seulement à moitié garni, le projet de loi de prorogation de ce régime d'exception a été adopté par 212 voix contre 31 et 3 abstentions, soit un vote bien moins massif que le 19 novembre dernier lors d'une première prolongation de trois mois (551 pour, 6 contre et 1 abstention).
Le Sénat avait pour sa part validé il y a une semaine cette prolongation par 316 voix contre 28.
"Unité, détermination et esprit de responsabilité des parlementaires face au terrorisme", a salué mardi le Premier ministre Manuel Valls dans un tweet.
Le gouvernement fait valoir que l'état d'urgence a permis à ce jour plus de 3.000 perquisitions administratives, 400 assignations à résidence, et de déjouer un attentat.
Si seulement 29 procédures ont été ouvertes sous la qualification terroriste, "les éléments collectés peuvent alimenter des dossiers de renseignement qui donneront lieu le cas échéant à judiciarisation" plus tard, a fait valoir mardi au Palais Bourbon le ministre de l'Intérieur.
Et la menace terroriste "est plus élevée que jamais", a affirmé Bernard Cazeneuve. "C'est une certitude" qu'il y aura d'autres attentats "d'ampleur" en Europe et "cet hyperterrorisme est là pour durer", avait affirmé samedi Manuel Valls à Munich.
Neuf des 10 députés Front de gauche ont voté contre cette nouvelle prolongation car l'état d'urgence n'est plus "efficace" et "les abus ne sont pas acceptables dans un état de droit", selon leur chef de file André Chassaigne.
La moitié des écologistes, dont l'ancienne ministre Cécile Duflot, ont aussi refusé la poursuite d'un régime faisant passer "de l'État de droit à l'État de sécurité, qui nécessite de gouverner par la peur", selon Noël Mamère, qui a défendu en vain une motion de rejet.
Ces opposants ont relayé les préoccupations d'associations comme la Ligue des droits de l'Homme, du Défenseur des droits Jacques Toubon, du Conseil de l'Europe, ou encore de magistrats déplorant leur mise à l'écart au profit de la justice administrative.
102 députés PS ont voté pour ces trois mois supplémentaires, mais 11 se sont prononcés contre, principalement des frondeurs, et deux se sont abstenus.
Comme on l'avait pronostiqué au groupe PS, il n'y a pas eu de "porosité" avec le récent vote sur le projet de révision constitutionnelle, qui prévoit notamment d'inscrire le régime de l'état d'urgence dans la loi fondamentale, où pas moins de 83 socialistes ont voté contre et 36 se sont abstenus.
Les Républicains ont pour leur part à la quasi-unanimité soutenu cette prolongation. Certains auraient souhaité un renforcement des mesures permises, déjà musclées en novembre.
L'UDI et les radicaux de gauche ont aussi dit "oui" à ces trois mois supplémentaires.
Le gouvernement justifie le maintien de l'état d'urgence par un "péril imminent" qui demeure, mais aussi par la nécessité de préparer les dispositions qui viendront en relais de l'état d'urgence, notamment la prochaine réforme pénale de Jean-Jacques Urvoas.
Plusieurs orateurs de tous bords ont souligné mardi qu'il faudrait savoir sortir de l'état d'urgence. Or la question d'une troisième prolongation se pose déjà, du fait de l'organisation en France, entre les 10 juin et 10 juillet, de l'Euro de football, comme l'a relevé Eric Ciotti (LR).