Qui est la principale victime des essais nord-coréens ?

© Flickr / rj_schmidtUSA Freedom Act Passes US House Vote, Moves to Senate
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Alors que le Sénat américain adoptait Mercredi à l’unanimité une loi établissant de nouvelles sanctions envers la Corée du Nord, peu après le lancement d’un satellite Dimanche dernier ; Séoul et Washington entament des négociations en vue de déployer un système américain anti-missile THAAD dans la Péninsule.

Le sénat américain a voté à l'unanimité le renforcement des sanctions à l'encontre de la Corée du Nord après le lancement, Dimanche 07 Février, d'une fusée à trois étages Kwangmyongsong, depuis le pas de tirs historique de Sohae à Tongchang-ri, dans le Nord-Ouest du pays. Un lancement annoncé depuis plusieurs semaines par Pyongyang.

A vehicle leaving the Kaesong joint industrial zone passes through disinfectant spray before a checkpoint at the CIQ immigration centre near the Demilitarized Zone (DMZ) separating North an South Korea, in Paju on February 11, 2016 - Sputnik Afrique
Séoul et Pyongyang s’écharpent autour de la zone industrielle de Kaesong
Si les autorités nord-coréennes annoncent le lancement d'un satellite, à des « fins scientifiques », la manœuvre a été vivement condamnée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies et interprétée par les Etats-Unis et leurs alliés comme un tir de missile balistique: d'après eux le type de fusée employée pourrait bien véhiculer un jour une tête nucléaire…

Les nouvelles sanctions américaines doivent empêcher les autorités nord-coréennes d'avoir accès à toute source de financement susceptibles d'être employée aussi bien pour le développement de son programme nucléaire, que pour celui de tout « vecteur » qui permettrait à Pyongyang de délivrer une frappe. Des mesures de rétorsions qui viennent s'ajouter à celles décrétées le mois dernier, suite au quatrième essai nucléaire nord-coréen. Des sanctions auxquelles vont se joindre le Japon, pilier de l'OTAN dans la région, ainsi que la Corée du Sud.

Séoul a pris la décision « inévitable » de fermer le complexe industriel intercoréen de Kaesong, située en Corée du Nord à 10 kilomètres de la frontière avec le Sud: les autorités sud-coréennes accusant Pyongyang d'avoir eu recours aux centaines de millions de dollars qui y ont transité pour financer son programme nucléaire. Une mesure jugée « injuste » par les représentants des chefs d'entreprises du Sud, dont le président Jeong Gi-Seob a déclaré « c'est comme si on nous ordonnait de sauter d'une falaise ».

A North Korean employee works in a factory of a South Korean company at the Joint Industrial Park in Kaesong industrial zone, a few miles inside North Korea from the heavily fortified border in this December 19, 2013 file photo. - Sputnik Afrique
Corées: fermeture de la zone industrielle commune
Il faut dire que Kaesong était l'ultime projet commun entre les deux Corées, symbole de la réconciliation entre le Nord et le Sud, et qui rassemblait plus de 120 entreprises du sud de la péninsule et employait pas moins de 53 000 nord-coréens. Et Pyongyang n'a pas tardé à réagir à l'annonce de sa fermeture: tous les avoirs des entreprises étrangères implantées dans la zone seront saisis et tous les sud-coréens devront avoir quitté la zone à 17h, heures locales.

Pour Cyrille Bret, maitre de conférences à Science-Po Paris, il s'agit avant tout d'une mesure symbolique qui ne met fin qu'à la source officielle de devises:

« Il faut quand même garder à l'esprit qu'il y'a d'autres sources de devises qui sont officieuses et illégales et notamment un énorme trafic transfrontalier avec la Chine, qui gêne profondément les pouvoirs publics chinois, notamment les trafics d'armes et de narcotiques qui sont aussi une source avec laquelle se finance la Corée du Nord, donc c'est surtout d'un point de vue symbolique, comme ça avait été le cas il y'a deux ans, c'est le signe que les relations sont tendues, au point que l'idée même que la diplomatie du rayon de soleil soit enterrée ».

Comme le rappelle notre expert, les autorités nord-coréennes disposent toujours de sources de financement internes, et rien ne les empêche de « prélever le nécessaire » sur la population.

Le lancement du satellite nord-coréen Kwangmyong 4 - Sputnik Afrique
Le satellite de Pyongyang "fait des culbutes" dans l'espace
Mais outre ces mesures de rétorsion économiques, le gouvernement sud-coréen et certains responsables américains de la défense ont ouvert des pourparlers afin qu'un système antimissile THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) soit déployé dans la Péninsule. «Nous voudrions voir ce déploiement aussi vite que possible», a indiqué le porte-parole du Pentagone, Peter Cook, dans une conférence de presse. Un enthousiasme qui n'a pas trouvé écho à Pékin, la Chine étant fermement opposée à une telle mesure qui pourrait remettre en question sa dissuasion nucléaire. Mais selon Peter Cook, la Chine n'a pas à s'inquiéter, le système ne serait orienté que vers la Corée du Nord.

Pour notre expert, pas de doute possible sur les intentions réelles des américains, la règle démise étant que le pays visé n'étant pas celui qui est désigné:

« C'est coup double pour les Etats-Unis, puisque ça leur permet à la fois de montrer leurs muscles à la Corée du Nord et de faire valoir leur position hostile à la prolifération sur le traité de 68 et ça leur permet évidemment d'enfoncer un clou supplémentaire dans la zone d'influence de la République Populaire de Chine. Il est à noter d'ailleurs que cette stratégie des boucliers anti-missiles est un grand classique de la diplomatie américaine puisqu'elle a été constamment utilisée pour agacer, pour défier la Russie durant les années 2000 à la faveur de la lutte contre la prolifération en Iran ».

Car si Pékin appelle au calme face à la surenchère diplomatique et fait part de ses « regrets », la Chine demeure régulièrement pointée du doigt dans les médias occidentaux pour son soutien supposé « inconditionnel » à Pyongyang. Une Chine coupable de ne pas recourir aux leviers de pression dont elle dispose sur son voisin, favorisant les contacts diplomatiques quitte à avaler des couleuvres.

Le drapeau nord-coréen - Sputnik Afrique
Le Conseil de sécurité condamne le tir de fusée nord-coréen
Pour Cyrille Bret: il ne fait pas de doute que le pays demeure néanmoins la première victime des gesticulations de la Corée du Nord et que les conséquences du lancement de ce Dimanche étaient prévisibles, qui plus est au lendemain d'un essai nucléaire; une perche tendue aux américains, dans une région en pleine ébullition:

« Le premier résultat obtenu par les coréens du nord aujourd'hui, c'est d'instiller une défiance plus grande encore entre la Chine et les Etats-Unis. Les deux essais: l'essai sur le vecteur et l'essai sur le satellite, permettent à Pyongyang d'obliger Pékin à prendre partie contre les Etats-Unis pour la Corée du Nord. Il faut bien voir que la Chine n'est pas alignée sur les positions de la Corée du Nord, et toute la rhétorique qui pousserait à faire croire que les chinois soutiennent inconditionnellement est fausse puisse que le pays qui est le plus gêné par ces essais c'est bien la Chine qui apparait bien incapable de maitriser son satellite ».

Reportage TV sur l'essai nucléaire nord-coréen du 6 janvier 2016 - Sputnik Afrique
Séoul: la Corée du Nord prépare un nouvel essai nucléaire
On notera par ailleurs, que malgré la résolution positive sur le dossier nucléaire iranien, Washington a décidé de poursuivre les essais en vue d'un déploiement effectif du bouclier anti-missile auprès de ses alliés européens membres de l'OTAN. Un représentant de l'Alliance expliquait devant des journalistes que « Le récent accord entre l'Iran et la communauté internationale ne change pas la situation ». L'Alliance avance que le système de défense antimissile protégeant ses alliés européens est justifié par la menace de missiles balistiques qui tendrait à se généraliser, relevant que « plus de trente pays disposent déjà ou font actuellement l'acquisition de technologies de missiles balistiques ». En Septembre 2015, les députés de la Diète — la chambre basse du parlement polonais — ratifiaient un accord avec les Etats-Unis en vue de déployer une base anti-missile à Redzikowo, qui serait opérationnelle en 2018.

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