On trouve souvent, dans les revues chinoises consacrées au thème naval, des diagrammes simulant une attaque multivectorielle de missiles contre un groupe aéronaval.
Néanmoins, dans le numéro d'octobre du magazine Naval & Merchant Ships, une illustration sort de l'ordinaire: elle décrit les conséquences éventuelles d'une frappe contre le territoire américain avec vingt missiles intercontinentaux dotés d'ogives nucléaires.
Les cibles incluent sans surprise les grandes villes des côtes Est, Ouest, et du Midwest. Si un tel plan était mis en œuvre, un voile radioactif gigantesque couvrirait pratiquement tout le territoire des USA et causerait près de 50 millions de morts. Sous ce diagramme, on retrouve une autre illustration montrant comment il faudrait frapper New York pour que l'onde de choc anéantisse Manhattan.
L'article fait également référence à l'annonce de futurs essais du vecteur mobile pour les missiles intercontinentaux DF-41. L'auteur, qui précise qu'il n'exprime pas son propre avis, rappelle que quand le porte-parole du ministère chinois de la Défense avait été interrogé sur les essais du 6 août 2015, il n'avait pas "nié l'existence du DF-41". L'article note que l'existence de cette arme offre à la Chine la possibilité d'attaquer depuis ses régions du nord et du centre toute le territoire américain sauf la Floride. Pour mieux comprendre le changement rapide de l'équilibre nucléaire entre la Chine et les USA et sa signification, l'auteur a examiné certaines publications récentes en mandarin concernant les forces nucléaires chinoises.
Dans l'ensemble, un enthousiasme très modéré règne malgré tout à Pékin concernant les chances d'un accroissement rapide de l'arsenal nucléaire de la Chine. Sur le forum à orientation nationaliste du Global Times, un commentateur de l'Institut chinois d'études internationales créé avec le ministère des Affaires étrangères a laissé plusieurs commentaires éclairant la question posée sur le forum un an plus tôt: "De combien de bombes nucléaires la Chine a-t-elle besoin?" Il écrit avec une inquiétude flagrante que "nous avons entendu des voix exigeant de nous doter d'un arsenal nucléaire semblable à la grande puissance". Il suggère au contraire de concentrer les efforts sur la création de "forces nucléaires d'élite réduites et efficaces". De la même manière, l'ex-directeur adjoint du Bureau de sécurité nucléaire de la marine avait proposé que la Chine possède un arsenal moyen, et prenne exemple sur la France et le Royaume-Uni en n'utilisant pas plus de quatre sous-marins nucléaires. Les USA et la Russie disposent d'un bien plus grand nombre de sous-marins stratégiques.
L'apparition sur internet de conversations sur la multitude de nouveaux systèmes nucléaires en Chine est donc autant source d'inquiétude que d'optimisme. En tant qu'individu circulant souvent dans les trains à grande vitesse en Chine, je m'imagine personnellement les sommes astronomiques dépensées pour ces voies ferrées, même si cet argent aurait pu servir à créer un arsenal nucléaire. Le fait que cela ne soit pas le cas parle en faveur du gouvernement chinois et de son choix des priorités. Les stratèges américains doivent se souvenir de cette retenue chinoise, notamment quand ils mettent sur la balance la création de nouveaux armements coûteux (l'accroissement des systèmes de défense antimissile, un nouveau bombardier stratégique, le sous-marin SSBN-X et une frappe globale immédiate) et la recherche de moyens pour retenir Pékin dans ses litiges sur ses frontières maritimes.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.