Ali Laidi, chercheur associé à l'IRIS, et Pierre Picard, spécialiste de la Chine et du monde chinois, s'expriment au sujet de la politique chinoise de l'Union européenne dans des entretiens accordés à Sputnik.
Qui influence la position de l'UE?
M.Laidi souligne que le débat au sein des institutions européennes va toucher, d'une part, la Commission européenne qui semble être pour l'octroi du statut à la Chine et, d'autre part, le Parlement européen qui semble être beaucoup moins favorable à accorder ce statut.
"Le débat c'est qu'il va avoir l'Allemagne, les Néerlandais, et les pays du nord etc. qui vont pousser à accorder le statut de marché économique à la Chine, et puis les autres qui vont freiner par peur qu'une ouverture beaucoup trop grande du marché nuise à l'économie européenne", déclare l'interlocuteur de Sputnik.
L'analyste ajoute que le débat concerne également les hommes d'affaires qui sont, pour leur part, "radicalement opposés à l'ouverture de la Chine, donc au fait que l'Union européenne donne le statut d'économie de marché".
Selon M.Laidi, la peur de l'Union européenne est alimentée par certaines études sur les conséquences de l'octroi du statut, plutôt des études américaines. Les raisons de cette crainte européenne peuvent être expliquées par l'attention portée sur de telles études. Si l'UE accord le statut d'économie de marché à la Chine, cela pourrait menacer 3,5 millions d'emplois dans les 3 à 5 ans qui viennent, et c'est près de 2 points de PIB en moins, lit-on dans l'une des études citée par M.Laidi.
"Si l'Europe doit se décider d'accorder ou pas le statut d'économie de marché, elle doit le faire sur des bases statistiques qu'elle fait elle-même, et non pas sur une étude qui vient d'un think tank américain", souligne l'expert.
"Ce que je sens au niveau parlementaire, c'est une grosse méfiance vis-à-vis de la Chine, et ça va jusqu'à, j'entends des parlementaires parler d'assumer une guerre commerciale vis-à-vis de la Chine", poursuit M.Laidi.
L'essor de l'économie chinoise lance un défi à l'Europe
Selon M.Picard, le problème de l'octroi du statut d'économie de marché entraîne les discussions sur les critères correspondants, ainsi que des débats politiques.
"Il y a bien des pays qui ne réunissent pas tous les critères pour être une économie de marché et qui font partie, je dirai, du système", explique le spécialiste de la Chine.
"Si le statut n'est pas accordé, on retombe un petit peu sur des barrières, je dirai, plus ou moins protectionnistes, pour protéger ce qui est bien, l'industrie européenne, mais on peut quand même se poser la question si elle n'est pas plus politique ou géopolitique", poursuit l'interlocuteur de Sputnik.
M.Picard estime que la crainte nait dans la situation d'évolution de sociétés concurrentes, "quand un acteur devient dominant sur la scène internationale, ce qui est le cas de la Chine puisque elle est, sinon elle va devenir d'une façon certaine la première économie mondiale".
"Tant qu'on n'aura pas une politique communautaire très claire sur l'ensemble de ces sujets et bien finalement on se fera dépasser par des pays qui sont eux plus clairs", conclut l'analyste.