Des préfabriqués dans le 16e

© AFP 2024 Franck FifeVue de Paris. Trocadero et Bois de Boulogne
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Le conseil de Paris a approuvé l’aménagement dans le bois de Boulogne d’un centre d’hébergement d’urgence provisoire pour les personnes en situation de précarité. Réelle mesure d’utilité publique ou provocation politique?

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Une décision de l'assemblée délibérante de Paris qui, Mercredi 16 Décembre, a provoqué l'ire des élus du 16e arrondissement, qui demandent à la ville de Paris de suspendre ce projet qui n'est pas sans provoquer une certaine inquiétude chez les riverains, face à ce projet comprenant près de 200 logements, des logements sous forme de « maisons éphémères en bois » qui s'installeront à l'angle de l'avenue du Maréchal Maunoury, aux abords directs des ambassades de Monaco et de la Biélorussie.

​D'autant plus que la mise en application du projet sera rapide, comme nous l'explique Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris en charge des questions de logement et d'hébergement d'urgence.

« Ces logements modulaires verront le jour d'ici le printemps, d'ici Mars-Avril, l'idée c'est qu'on ait 200 logements. Aujourd'hui les architectes de l'urgence savent fabriquer ce type de logements modulaires, il y'en d'ailleurs dans beaucoup de pays d'Europe, je pense en particulier aux pays du nord de l'Europe, aux pays scandinaves et nous souhaitons nous appuyer sur ces expériences là pour faire de même à Paris; faire du beau, faire de l'hébergement pour des personnes qui sont en difficulté mais avec de la qualité architecturale ».

Une rapidité possible grâce à la nature de ces logements qui, tels des « préfabriqués », allègent grandement les procédures administratives, bien loin des lourdeurs de « la procédure traditionnelle de construction de logement neuf qui elle prend beaucoup plus de temps » comme le souligne l'adjoint d'Anne Hidalgo.

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Un cas de figure justifié, selon Ian Brossat, par l'urgence de la situation dans la capitale. D'après les chiffres de la préfecture de région, faute de place dans les centres d'hébergements saturés, ce seraient chaque nuit près de 16 000 personnes sans domicile fixe qui seraient logées dans les hôtels sociaux parisiens.

Concernant la polémique qui subsiste quant aux réels destinataires de ces futures installations provisoires, celles-ci devraient, conformément à l'ordre du jour du Conseil de Paris, être gérées par l'association Aurore, spécialisée dans l'accompagnement des personnes en situation de précarité ou d'exclusion sociale.

« C'est très clairement de l'hébergement dédié à des sans-abris, à des personnes qui aujourd'hui vivent sur notre territoire depuis longtemps et aujourd'hui se retrouvent à la rue. En plus on sera, à l'ouverture de ce centre, en Février — Mars, c'est-à-dire au moment où l'accueil hivernal s'arrête et donc ça permettra de reloger des personnes, qui sans cela n'auraient plus de solution, dans des conditions convenables ».

Les premières « maisons éphémères en bois » sont ainsi attendues d'ici les prochaines semaines. Une rapidité qui n'a pas échappé à Claude Goasguen, ancien ministre et député-maire du 16e arrondissement de Paris, qui a l'intention de saisir le tribunal administratif: pour l'élu, le Bois de Boulogne est certes un site protégé, mais ce sont surtout les conditions sanitaires et sécuritaires qui l'inquiètent, en rappelant certains cas de dérives observées ailleurs.

« Un camp, à l'intérieur du bois de Boulogne, qui est quand même très vaste, avec des possibilités au fond d'avoir des tentes tout autour: c'est en réalité un nouveau Sangatte qui, délibérément, est installé par madame Hidalgo au milieu du bois de Boulogne. Donc c'est extrêmement dangereux, c'est rapide, c'est décidé comme ça, comme un diktat, sans que nous ayons été consultés et moi notamment le maire du 16e. Que les habitants du 16e soient solidaires, ça va de soi, mais on avait proposé d'autres lieux qui n'ont même pas été examinés; le gouvernement, le préfet de région et madame Hidalgo ont décidé que ça serait là et pas ailleurs ».

Pour la Mairie de Paris, la réponse est simple: « Chaque arrondissement doit participer à l'effort de solidarité ». Ian Brossat accuse en retour la mairie du 16e de s'opposer systématiquement à une politique de mixité sociale.

Pourtant le 16e arrondissement ne manquerait pas de participer à l'élan de solidarité, rétorque son maire. D'ailleurs, plusieurs autres sites ont été suggérés, certes moins importants, ils auraient néanmoins de manière conjuguée permis d'obtenir le même résultat en matière d'accueil. Des propositions qui selon Claude Goasguen n'auraient pas été considérées. Pour l'adjoint à la mairie de Paris les conditions sanitaires nécessaires n'auraient pas été au rendez-vous.

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« Par conséquent cette solution n'en est en réalité pas une, et il s'agit d'un prétexte utilisé par la mairie du 16e pour s'opposer une fois de plus à la mixité sociale et à l'hébergement pour des personnes en grande difficulté ».

Si Ian Brossat relève que le 16e est l'arrondissement le moins densément peuplé de la Capitale et qu'il y a par conséquent « de la place », la question qui anime le débat demeure donc « pourquoi le site du bois de Boulogne? ». Pour la majorité de Droite il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un choix idéologique, plus symbolique que pratique d'autant plus que les élus rapportent ne pas avoir été consultés.

« Il y'avait des possibilités, moins importantes mais on aurait pu mettre des camps d'hébergement dans trois quatre endroits du 16e arrondissement pour avoir le même résultat… En réalité madame Hidalgo et le préfet n'ont pas voulu parce que c'est parfaitement symbolique: Le bois de Boulogne paie parce qu'il est à côté du quartier riche de Paris, c'est-à-dire le 16e arrondissement ».

En somme, une provocation pour l'élu qui dénonce une « petite mesure politicienne », visant à faire croire que ses administrés ne seraient pas solidaires parce qu'ils protestent.

Ian Bossart, et la Mairie de Paris de leur côté ne sont pas exempts d'accusations de position de type politique, au sujet de leur désir de mixité sociale notamment et de leur forte envie de « casser à tout prix les ghettos de riches », un leitmotiv bien plus qu'assumé par la Mairie de la ville de Paris:

« Ah, je l'assume totalement! Effectivement la ville de Paris, du moins à la majorité municipale nous n'aimons pas les ghettos: ni les ghettos de pauvres ni les ghettos de riches. Et Je pense qu'on vit mieux quand on vit ensemble et quand différentes catégories sociales vivent sur le même territoire, on ne peut pas accepter de vivre avec des barrières, on est au 21e siècle et je pense qu'il est temps qu'un certain nombre de préjugés, d'a priori, disparaissent, c'est effectivement notre volonté et j'assume totalement cette politique-là, une politique de brassage social, moi je crois que tout le monde y gagne et on vit mieux quand on permet à des populations d'horizons différents de vivre ensemble. En tout cas c'est la philosophie qu'est la nôtre et on est très déterminé à avancer dans cette direction ».

Il faut dire que la mairie de Paris mène une politique musclée en matière de logements sociaux, et ce afin de « rééquilibrer l'offre d'hébergement » et de « renforcer la mixité sociale là où aujourd'hui il y'en a trop peu », que cela soit dans le 16ème où d'autres projets sont en cours, comme par exemple cette centaine de logements sociaux avenue du maréchal Fayolle, où partout ailleurs dans Paris; notamment en ayant largement recours aux préemptions sur les logements de certains immeubles, on compte dans la capitale, plus de 250 adresses retenues rien que pour l'année 2014, le tout dans le but d'atteindre le taux de 30% de logements sociaux dans l'agglomération d'ici 2030, y compris dans le quartier des Champs Elysées.

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