La réponse du président Vénézuélien ne s'est pas faite attendre, et il accuse Valls d'"interventionnisme, de colonialisme et de racisme".
La lettre officielle de Valls, ainsi que son tweet, vont en fait plus loin qu'une simple félicitation. En effet, il prend ouvertement position en faveur de la libération de Leopoldo Lopez, et affirmant une "unité" vénézuélienne. En d'autres termes, le Premier Ministre français prend position vertement.
Selon Maxime Vivas, journaliste et essayiste, c'est une position déstabilisante.
En effet, Valls est un socialiste alors qu'il se félicite de la défaite de la gauche vénézuélienne et soutient l'opposition vénézuélienne, qui n'est pas une droite comme la française mais une droite extrême et putschiste. Bon nombres de candidats ont d'ailleurs participé au putsch d'avril 2002, qui avait essayé de renverser le président démocratiquement élu Hugo Chavez. C'est un paradoxe que l'on peut difficilement expliquer, sauf si on part du principe que la politique française n'est plus indépendante. Ce n'est plus la politique étrangère du général de Gaulle, mais une politique alignée sur celle des Etats-Unis. La France est en concurrence avec la Russie, la Chine et tout autre pays pour des raisons commerciales. Or, ni la Russie, ni la Chine, ni la Syrie n'ont attaqué la France. Au contraire, la Russie a délivré la France de l'occupation nazie. Alors pourquoi chercher à se faire des ennemis?
Le président Maduro parle d'"interventionnisme", et de "vision coloniale" à l'encontre de M. Valls; ces mots n'ont pas été choisis au hasard.
Les Français ont toujours eu un complexe de supériorité, lié à leur grandeur passée. L'Amérique Latine a été colonisée dans sa grande partie par l'Espagne, mais le Venezuela n'a jamais été colonie française. Le Venezuela est un pays aux fortes ressources qui doit être respecté. Si Maduro voit dans l'opposition du racisme, c'est à cause de l'apartheid social et racial qui sévit encore au Venezuela (quartier riches et blancs, contre pauvres et métisses). C'est pour cela que Hugo Chavez, lui-même métisse, a souvent été caricaturé en singe. Il y a donc une certaine incapacité chez nous de voir d'anciennes colonies ne plus être des colonies.
On dit souvent que le Venezuela est une dictature, et voilà une "dictature" qui s'est dissoute en quelques minutes dans les urnes. C'est un cas unique au monde. D'ailleurs, le Venezuela est le seul pays au monde où les médias sont dans leur majorité dans l'opposition. Je tiens à préciser que l'ancien président américain Jimmy Carter (qu'on ne peut accuser de sympathie à l'égard du communisme) a déclaré que le système électoral vénézuélien était le meilleur du monde. D'ailleurs, à chaque défaite électorale, le gouvernement s'est toujours incliné; par exemple, en 2007, lors du référendum constitutionnel, Hugo Chavez a tenu compte du verdict populaire, ce qui n'est pas le cas du traité constitutionnel européen de 2005 (qui fut balayé en référendum, mais appliqué par voie parlementaire).
En d'autre termes, si l'opposition gagne aux élections, c'est son droit, personne ne le contestera, ni Nicolas Maduro, ni les parlementaires de l'ancienne majorité. Cependant, Leopoldo Lopez fut bien empêché de se présenter politiquement à cause de deux scandales liés à du népotisme et abus de biens. Sa libération a certes été demandée par des ONG, mais quel est le lien entre le premier ministre français et M. Lopez? L'ambassade de France à Caracas n'a d'ailleurs jamais émis le moindre souhait à ce sujet, ni mentionné de "crise" ou de "prisonniers injustement condamnés" (ce qui n'est pas le cas de toutes les ambassades du monde).
Si Señor Maduro estime que M. Valls a des propos "colonialiste" ou "interventionniste", il s'en prend directement à M. Valls et non à la Justice française ou à la France. Contrairement à Manuel Valls, Nicolas Maduro respecte les nations étrangères, sans se baser sur des préjugés. Il y a donc bien eu partialité de la part du premier ministre français. Il félicite les "démocrates" vénézuéliens, comme si tous les autres mouvements sauf le MUD étaient non-démocratiques. Or, la démocratie et les droits de l'Homme se basent sur le respect de la différence d'opinion.
En conclusion, l'ingratitude est souvent une vertu en politique. Dans le cas des Le Pen, c'est un vice (pour reprendre les propos de Henry de Lesquen, patron de Radio Courtoisie). Dans le cas de Manuel Valls, c'est une seconde nature. Valls aurait pu tout aussi bien féliciter l'opposition française pour sa victoire socialiste aux régionales.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.