Un engagement d'abord passif à travers des réflexions et analyses personnelles, puis actif, surtout depuis fin 2014. De décembre 2014 à juin 2015, elle sera porte-parole du comité ad hoc diaspora pour la paix en RCA. En ce moment, elle travaille sur un blog dont l'objectif serait de faire découvrir la Centrafrique: son histoire, ses maux, ses tares, ses défis, enjeux et perspectives.
Sputnik: Lors des affrontements entre les milices Seleka et les Anti-balaka, certains spécialistes avaient avancé l'éventualité d'une partition de la RCA, dans le cas où une solution pacifique durable n'est pas trouvée. Votre avis sur la question?
Sylvie Baipo: La Centrafrique est un pays indivisible. Pour moi, la partition est un non sujet, parce qu'aucune vraie action de sortie de crise n'a été entreprise, mise à part celle entreprise récemment par le Pape François. Comment parler de partition alors que tout n'est que manipulation?
Nous avons vu ce que la partition du Soudan a donné? Un fiasco sans nom. C'est cela que la communauté internationale veut renouveler en Centrafrique? Sachant que le cas du Soudan est différent de celui du Centrafrique car au Soudan, la partition est née notamment en raison des problèmes raciaux (Nord blanc et Sud noir). Ce racisme n'existe pas en Centrafrique, et la partition sur la base religieuse n'a aucun fondement. La population rejette cette partition. Seuls les partisans de cette partition savent les avantages qu'ils en tirent.
Il faut avoir à l'esprit que la division rend vulnérable, il faut que la Centrafrique et l'Afrique en général comprenne que nous sommes dans une ère où seuls les grands ensembles survivent. Se diviser nous rend vulnérable et à la merci des tentations des voisins.
Sputnik: Parlons du rôle de la communauté internationale. Notamment de la France qui était intervenue en RCA, on se souvient d'ailleurs de la fameuse opération Sangaris. Est-ce que cette intervention avait contribué à apporter la paix ou non? Plus largement, quel est lien aujourd'hui qui lie la France, ou plutôt l'Elysée, à la Centrafrique?
Sylvie Baipo: Sans hésitation, non, cette opération qui est toujours en place n'a pas apporté le résultat escompté. Nous en sommes à nous poser la question sur la sincérité de l'aide annoncée. Car depuis que les sangaris sont en place il y a eu davantage d'exactions et de victimes. Sans compter que les sangaris eux-mêmes ont commis des exactions (viols sur des mineurs de 8/9 ans).
Nous ne sommes pas dupe, au-delà d'être des défenseurs de droits de l'homme, la France a davantage un enjeu économique en Centrafrique. D'ailleurs, le Président Hollande l'a clairement dit lors du sommet France-Afrique en 2013 « la France soutien ses intérêts ».
Il y a aussi des casques bleus appelés Minusca en Centrafrique. De même, leur impartialité sur le terrain est remise en cause par la population. Je me demande quel a été le critère de sélection des troupes composant la Minusca. Et soyons honnête, citez-moi un pays où une intervention sous l'égide de l'ONU a été un succès?
Sputnik: La politique française en République centrafricaine peut-elle être vue comme partie intégrante de ce qu'on appelle la Françafrique? Si oui, combien de temps selon vous cela va continuer?
Sylvie Baipo: Oui totalement, c'est un système ancien qui perdure et n'a pas pris une ride.
Il est paradoxal que certain pays du tiers-monde ont réussi à prendre leur envol et que seul les pays assujettis à des accords de coopération restent cloués au sol. D'autant plus que ces pays ont un potentiel non négligeable.
Foccart n'est plus mais le dossier a bien été transmis et continuera à se transmettre.
Cela continuera jusqu'à une prise de conscience totale et profonde des Africains et des Centrafricains en particulier. Espérons que cette prise de conscience soit rapide et pacifique.
Sputnik: Dernière question. Quel avenir entretenez-vous pour votre pays? Sur le court et le moyen terme. Quels sont ses principaux défis?
Sylvie Baipo: Je pense que nous ne pouvons que nous relever. Après de telles atrocités, nous ne pouvons que nous unir pour un avenir meilleur si et seulement si nous le voulons et tirons les leçons d'un passé chaotique.
A court terme, nous avons des échéances électorales. Au regard des campagnes en cours et du comportement de la classe politique, je ne suis pas sûr que les leçons de la crise ont été tirées.
J'ai plus d'espérance sur le moyen terme, espérance conditionnée par les efforts qui seront fait par le prochain président en termes de gouvernance (transparence, responsabilité,…).
La Centrafrique n'a pas d'autre choix que de se relever et se reconstruire par le travail de ses fils et filles. Notre destin ne dépend que de nous, de notre volonté, de nos capacités et du fait de vouloir regagner un peu de dignité.
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