Certains observateurs parlent de la Libye comme d'un "front de secours" pour Daech. Si près de 3.500 Libyens auraient quitté le pays pour gagner les rangs de Daech, d'après un rapport de l'Onu, 800 d'entre eux y seraient ensuite revenus pour y étendre son influence.
Un accord d'union nationale entre les deux parlements ennemis en Libye devrait voir le jour, face à la menace Daech. C'est à Tunis que les représentants des deux camps rivaux se sont rencontrés et ont annoncé, dimanche 6 décembre, qu'ils étaient parvenus à un accord pour la formation d'un gouvernement d'union nationale. Il faut dire que l'influence de Daech ne cesse de croitre en Libye…
En décembre 2014, le chef du commandement de l'armée américaine pour l'Afrique, le général David Rodriguez, qualifiait quant à lui le phénomène de "très petit et naissant". Pourtant, trois mois plus tard, il s'avère que les auteurs de l'attentat du musée du Bardo, le premier d'une série revendiquée par Daech, se sont vraisemblablement formés au maniement des armes en Libye.
Aujourd'hui, l'Onu estime, dans un rapport, le nombre de combattants de Daech en Libye entre 2.000 et 3.000, dont 1.500 concentrés dans la seule localité de Syrte. Et parle de près de 3.500 libyens qui combattraient pour l'organisation terroriste en Irak et en Syrie, parmi lesquels 800 d'entre eux seraient rentrés au pays pour rejoindre sa branche locale.
"Les autorités libyennes sont extraordinairement faibles. D'abord, il y a les deux autorités libyennes, celle de Tobrouk qui est officiellement reconnue, et celle de Tripoli, et ils commandent relativement peu de chose. Je rappelle qu'après la révolution libyenne, et pour y être allé moi-même, j'ai pu constater que tout ce qui était maritime était sous le commandement central, tout ce qui est aérien ou ce qu'il en reste également. En revanche, tout ce qui était terrestre était encore sous la coupe des milices qui avaient menées la révolution et qui sont parfois en opposition les unes aux autres, des oppositions de pouvoir reposant sur les dissensions habituelles, en Libye, entre les différentes factions libyennes. Donc, il n'y a pas d'organisation terrestre, il n'y a que des milices qui s'opposent les unes aux autres ou qui, au gré des allégeances, peuvent trouver des intérêts communs. Pour synthétiser: il n'y a pas de pouvoir libyen capable de luter au sol contre les milices puissantes."
En plus de Syrte, les combattants de Daech seraient aujourd'hui à Derna dans l'Est, à Nofilia, non loin de Syrte, ainsi qu'à Benghazi. Outre ces villes côtières qui assurent le contrôle à Daech sur plus de 250 kilomètres de littoral, le spécialiste du Maghreb et de l'islamisme et chercheur à l'IRIS Kader Abderrahim avançait, dans une précédente interview, que l'organisation terroriste contrôlerait plus de 20% du territoire libyen.
Selon Dominique Trinquand, la Libye est pour Daech une projection et non un simple territoire de "repli", comme l'avancent certains médias:
"Une base arrière, je ne le crois pas. On pourrait dire une base avancée vers le Magreb peut être, mais une base arrière, certainement pas. Je rappelle que Daech, c'est l'Etat-Islamique au Levant, et le Levant c'est la Syrie et l'Irak. En revanche, […] aujourd'hui, Daech est probablement acculé sur son territoire de prédilection qui est le Moyen-Orient, Syrie et Irak, et donc elle cherche à essaimer un petit peu partout pour que ses combattants puissent essayer de renverser des pouvoirs, voire pour intervenir sur des pays occidentaux comme la France ou ailleurs."
Pour Dominique Trinquand, s'il n'y a toujours aucune intention d'intervenir de la part des occidentaux, notamment faute de moyens militaires disponibles, les différentes forces en présence qui aujourd'hui encadrent géographiquement la Libye ne doivent pas demeurer inexploitées:
"Je pense que l'action en Libye doit s'appuyer forcément sur une présence forte aux frontières de l'Algérie et de l'Egypte et puis de l'Union Européenne au Nord, parce que c'est la frontière sud de l'Union Européen: endiguer le flot d'immigrés et puis de rétablir un semblant d'organisation en Libye. Donc, une coordination entre l'Algérie, l'Egypte, au Nord et au Sud, par le biais de la France par le G5 sont des nécessités absolues."
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