Erdogan était pourtant annoncé comme déclinant et sans doute en passe de perdre les élections. Lors des dernières échéances électorales de juin 2015, les médias francais avaient annoncé qu'Erdogan avait connu une terrible défaite électorale.
Pourtant le parti islamo-conservateur d'Erdogan n'avait obtenu "que" 40% des voix contre 49% aux élections précédentes de 2011, tandis que son principal rival, le parti républicain, stationnait à 25% des suffrages. Dans le même temps, les nationalistes prônant un "Islam turc" passaient de 13 à 16% tandis que la surprise de l'élection de juin 2015 était l'émergence d'un parti kurde de gauche qui obtenait près de 13% des voix.
Malgré tout et malgré les prévisions des analystes et "spécialistes", le parti d'Erdogan a de nouveau obtenu près de 50% des suffrages, soit son score de 2011, tandis que l'opposition de gauche obtient toujours 25%, les nationalistes 11,9% et le parti kurde 10,9%.
Comme en Russie, de nombreux sympathisants des tendances patriotiques et conservatrices ont choisi de soutenir Erdogan et donc l'Etat, l'AKP étant sur une dynamique de forte progression contrairement à tous les autres partis turcs.
"Caramba" comme dirait un journaliste francais, les Turcs apprécient visiblement Erdogan comme les Russes apprécient Poutine! La réalité électorale turque est visiblement pour certains aussi difficile à comprendre que la réalité électorale russe.
On peut en réalité comprendre les comportements électoraux des Turcs comme des Russes en observant les dynamiques de croissance et donc d'enrichissement de la population au cours des 15 dernières années, mais aussi de réaffirmation de la fierté nationale que les peuples turcs comme russes ont pu connaître durant cette même période. Il n'est pas difficile de comprendre que l'enrichissement et le maintien du niveau de vie priment sur certaines libertés individuelles ou droit des minorités, ces valeurs que l'Occident juge fondamentales et primordiales.
Bien sûr ces tendances politiques similaires dans un sens se manifestent malgré tout avec de lourdes différences. Alors qu'un Islam politique et sociétal fort semble de plus en plus s'ancrer dans la Turquie profonde, l'éclosion d'un traditionalisme orthodoxe en Russie se fait avec beaucoup moins de violences. La Russie ne connait quasiment plus d'assassinats politiques ni de censure d'Internet ni une répression politique de l'ampleur de celle que traverse la Turquie d'aujourd'hui.
Bien visionnaire qui peut dire quel avenir pourraient prendre les relations complexes, historiquement, entre ces deux pays qui connaissent une interaction économique croissante et une évolution politico-civilisationnelle plutôt similaire qui promeut verticalité du pouvoir, conservatisme, patriotisme, religion ou désoccidentalisation morale. Sur le plan des valeurs traditionnelles, les leaders russes comme turcs insistent sur le fait démographique et la famille traditionnelle qui doit comporter un papa, une maman et trois enfants.
Une chose semble sûre: le poutinisme comme l'erdoganisme semblent confirmer leur statut de tendance historique lourde et avoir le soutien de la majorité des citoyens.
Une alliance potentielle entre ces deux puissances qui n'ont su, pu ou voulu emprunter la voie occidentale pourrait fortement contribuer à l'avènement d'un monde de plus en plus multipolaire et de moins en moins occidentalo-centré.
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