Projet de loi israélien sur les ONG, une nouvelle version de l'étoile juive

© AFP 2024 Gali TibbonAyelet Shaked
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La ministre de la justice israélienne Ayelet Shaked vient de déposer un projet de loi qui imposerait aux ONG israéliennes financées par l'étranger de le mentionner sur tous leurs documents publics et de porter des signes de distinction. Deux experts commentent le projet de la loi controversée pour Sputnik.

Les organisations non gouvernementales israéliennes financées par l’étranger pourraient connaître une nouvelle ère dans leur fonctionnement. Sous le prétexte d'exiger plus de transparence, la ministre de la justice imposerait  le port de badges de distinction au parlement israélien, ce qui permettrait à tout moment de voir d’où proviennent les dons. 

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Un badge de la honte pour les ONG étrangères

Selon Ayelet Shaked, l’existence même des ONG financées à l’étranger viole les normes et les règles des relations entre pays démocratiques. Le nouveau projet de loi a été déposé dimanche et n’est pas encore passé en première lecture, mais il a déjà déclenché une avalanche de réactions négatives dans le pays. 

D'après Raphi Walden, le président de l’ONG israélienne "Médecins pour les droits de l'homme", le but de la loi est très clair: il s'agit de discriminer les ONG qui luttent pour les droits de l'homme, de "les présenter devant l'opinion publique comme des traîtres qui donnent une image négative d'Israël à l'étranger".

Et d'ajouter: "Beaucoup d'organisations pour les droits de l'homme en Israël n'hésitent pas à s'opposer et à critiquer le gouvernement dans ses activités qui vont à l'encontre des droits de l'homme et en particulier dans la colonisation des territoires en Palestine".

Ne distinguer que ceux qui s’opposent à la politique de l’Etat

La nouvelle loi toucherait les ONG dont plus de 50% des financements proviennent de l’étranger. Les ONG concernées sont seulement celles qui s’opposent à la politique agressive de l’Etat d’Israël. Raphi Walden y voit une véritable hypocrisie de la part du gouvernement israélien.

"C'est une hypocrisie parce que beaucoup d’hommes politiques israéliens ont été subventionnés de façon très importante, comme le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense, et d'autres fonctionnaires. Ils ont reçu des fonds très importants en provenance de l'étranger et ils ne sont pas accusés pour ça. De même pour l’extrême droite israélienne, qui reçoit chaque année des fonds pour promouvoir la colonisation de la Palestine. C'est une atteinte très grave au principe de base de la démocratie qui devrait régner en Israël", s'indigne le président de l'ONG "Médecins pour les droits de l'homme".

Un tel projet de loi n’est pas nouveau, les autorités israéliennes avaient essayé à plusieurs reprises de mettre en place le contrôle "légitime"  des ONG qui pourraient éventuellement influencer l’opinion publique. 

La nouvelle version de l'étoile juive

Pourtant, le nouvel élément dans ce projet est le port de badges spéciaux. Ces "badges de distinction", sont inutiles et scandaleux d’après Ilan Rozenkier, sociologue et  président de l’association "La paix maintenant".

Il explique que dans le projet, il est question d'obliger les représentants d'associations de porter un badge dès qu'ils accèdent à la Knessset, la chambre des députés israélienne.

"C'est la nouvelle version de l'étoile juive qu'on veut faire porter à ces associations, qui rendent infamant le fait de bénéficier de financement étranger. Egalement dans un contexte de violence et d’irresponsabilité qui anime parfois des foules et des individus en Israël, c'est désigner des gens à la vindicte d'une populace qui pourrait passer à l'acte et commettre des agressions. C'est à tout point de vue malvenu".

Augmenter la transparence – un argument officiel plus que douteux

Selon Ilan Rozenkier, cette loi n'est qu'une manœuvre politique du gouvernement israélien.

Il souligne que l'objectif d'augmenter la transparence n'est que l'argument officiel. Le vrai objectif est de "porter atteinte à la légitimité de ces associations".

"Les associations qui bénéficient de financements étrangers et de tout type de financement doivent le déclarer aux autorités du pays, ceux qui connaissent les modalités assez lourdes des financements européens savent qu'il faut également soumettre des projets et des comptes-rendus précis de l'utilisation des fonds versés, donc il n'y a absolument aucune ambiguïté possible s'agissant de l'origine des fonds et de leur utilisation", explique le sociologue.

L'Israël n’est pas le premier pays qui tente de mettre en œuvre une loi concernant les ONG financée à l’étranger y compris l’Arabie Saoudite, Le Zimbabwe, L’Erythrée, La Biélorussie, le Bangladesh et la Russie.

Si pour la plupart de ces pays, les votes entérinant ces lois sont passés inaperçus aux yeux du monde, s’agissant de la loi sur les ONG votée en Russie qui a été moins drastique, la communauté internationale s’est indignée pendant plusieurs semaines, critiquant l’atteinte sévère aux idéaux de la démocratie. Il reste à savoir maintenant comment l’Occident et le reste du monde réagiront  à cette nouvelle loi israélienne.

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