Le no man's land entre les deux projets a peu à peu rétréci, faisant même apparaître des points de friction comme on a pu le constater en Ukraine par exemple, ou en Moldavie, analyse d`Alexandre Latsa.
En parallèle, l'Union européenne poursuit des discussions d'adhésion avec la Turquie et quatre pays des Balkans que sont la Serbie, la Macédoine, l'Albanie et le Monténégro. Deux autres pays des Balkans, le Kosovo et la Bosnie, sont également pressentis pour adhérer, ainsi que trois pays du Caucase (Arménie, Géorgie et Azerbaïdjan) et trois pays d'Europe de l'est: la Biélorussie, l'Ukraine et la Moldavie.
Les derniers évènements géopolitiques en Ukraine et la politique des sanctions antirusses déployée par Bruxelles ont troublé cette logique de l'intégration sans fin, et amené un certain nombre de questions et d'inquiétudes nouvelles. Parmi les pays qui sont déjà membres de l'Union européenne, et parmi ceux qui pourraient le devenir, certains sont très dépendants de la Russie sur le plan énergétique et sur le plan économique.
Sans surprise, on a pu constater que lors du dernier sommet européen qui s'est tenu à la fin du mois de mai 2015, les représentants européens ont tenu un double discours destiné à ne pas décourager les Etats candidats, ne pas augmenter la tension avec la Russie mais aussi et surtout à masquer les difficultés que connaît la zone Euro actuellement comme la récente tragédie grecque l'a confirmé. On a aussi constaté que par exemple l'Autriche, Chypre, l'Italie et la Grèce ne se pressent pas pour ratifier le traité d'association avec l'Ukraine, provoquant le courroux de l'administration ukrainienne. Il y a sans doute un lien direct avec la situation en Ukraine qui s'est détériorée récemment, et aussi avec le fait que le nouveau projet de gazoduc Turquish Stream pourrait créer une situation nouvelle dans la région. Contrairement au projet South Stream qui allait directement de Russie en Bulgarie, le nouveau projet prévoit des pays de transit qui ne font pas partie de l'Union européenne (Turquie, Macédoine et Serbie). Dans la région, la situation n'inspire, il est vrai, pas beaucoup d'optimisme. L'Ukraine ne sait plus vraiment où sont ses frontières, et le pays pourrait, au mieux, se retrouver à terme géographiquement encastré entre deux conflits gelés: Transnistrie et Donbass.
De son côté, l'Union douanière eurasiatique comprend désormais cinq pays (Russie, Kazakhstan, Biélorussie, Kirghizstan et Arménie) et elle étend son intégration sur le plan régional mais aussi avec des pays beaucoup plus éloignés. Elle vient de lancer des accords de libre-échange avec le Vietnam tandis que justement la Moldavie, l'Inde, le Chili, Israël et la Nouvelle-Zélande se sont déclarés intéressés pour se rapprocher ou rejoindre l'union douanière. Dernier Etat de la liste, l'Arménie vient de rejoindre l'Union douanière douchant ainsi les espoirs ce ceux qui imaginaient que ce pays du monde russe choisisse de s'en éloigner.
De la même façon que l'extension de l'UE vers l'est et la Russie s'est longtemps superposée avec l'extension de l'OTAN, l'extension de l'union douanière se fait en parallèle avec l'extension de l'Organisation de Shanghai. Fondée en 2001, l'organisation (OCS) comprend désormais huit membres puisqu'aux 6 membres d'origine (Russie, Chine, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan et Ouzbékistan) viennent de se rajouter l'Inde et le Pakistan dont le statut a été validé lors du sommet exceptionnel qui s'est tenu début juillet 2015 dans la République musulmane russe de Bachkirie.
Cette restructuration de l'espace Asie-Eurasie s'effectue sous impulsion dominante du binôme Russie/Chine. Si la Chine n'est que partenaire de l'Union douanière eurasiatique, Pékin a un projet propre qui se superpose et complète les architectures eurasiatiques en développement et qui est la réanimation d'une gigantesque route de la soie visant à relier l'est et l'ouest du continent eurasiatique. La Chine a depuis plusieurs années des projets de prises de contrôles d'infrastructures existantes (sources ici, la et ici) sur le flanc est de l'Europe, au cœur des Balkans. Cette impulsion chinoise vient récemment de prendre une nouvelle dimension, puisque c'est une puissance moyenne de l'Europe centrale, la Hongrie, qui vient de signer un accord de coopération sur les développements ultérieurs de la route de la soie.
Peu à peu, une nouvelle architecture mondiale semble se dessiner autour de deux ordres qui établissent des structures et mécanismes qui leurs sont propres (sur les plans politiques, économiques, sécuritaires, militaires ou financiers…) et concernant leurs aires géographiques propres et proches.
Deux ordres ayant également chacun des modèles civilisationnels et sociétaux propres et largement incompatibles.
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