Si cette initiative, actuellement examinée par le parlement, est approuvée, le Japon aura le droit de participer aux opérations militaires collectives en dehors de son territoire, de secourir les otages japonais et de réagir aux menaces extérieures en cas de provocations militaires. Il s'agira d'une première depuis la défaite nippone à l'issue de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, plus de la moitié de la population japonaise ne pense pas que le droit de recourir à la force à l'étranger réponde aux intérêts de la sécurité nationale.
Selon la constitution du Japon en vigueur, les forces d'autodéfense (l'armée du pays) peuvent être utilisées uniquement pour la protection du territoire national en cas d'agression directe. Le premier ministre japonais Shinzo Abe et les partisans des nouvelles lois affirment que ces dernières ne contredisent pas le caractère pacifiste de la constitution.
Rappelons que la constitution japonaise d'après-guerre a imposé une interdiction stricte de l'usage de la force, et transmettant le droit de protéger le pays aux États-Unis. Cependant, depuis le début des années 1990, cette norme a commencé à s'estomper. En 2015, le budget des forces d'autodéfense a atteint le niveau record de 41,7 milliards de dollars, devenant le septième dans le monde. En avril 2015, de nouveaux principes de la coopération nippo-américaine ont été signés, donnant à Tokyo le droit de protéger ses alliés et leurs biens, même si le pays n'est pas directement menacé. Désormais, le gouvernement essaie de consacrer cette norme au niveau national.
Les innovations proposées ont provoqué de vifs débats et des manifestations de masse. Les opposants font valoir qu'en réalité, elles annulent l'article neuf pacifiste de la constitution. "D'une part, les gens veulent en finir avec le statut de protectorat américain, d'autre part — ils ne veulent pas dépenser trop d'argent à des fins militaires et perdre les soldats dans des guerres lointaines et pas toujours claires", remarque la directrice exécutive du Centre russe des études de l'APEC, Natalia Stapran. Les tentatives de modifier la législation actuelle ont également ébranlé les positions du premier ministre — la cote de popularité du gouvernement Abe a baissé à 40% — le minimum depuis 2012.
Par ailleurs, les perspectives de collaboration encore plus étroite de Tokyo et Washington dans le domaine de la défense (50 000 soldats américains se trouvent déjà au Japon) suscitent des préoccupations à Moscou. La Russie a critiqué à plusieurs reprises le déploiement sur le territoire du Japon d'éléments du système global de défense antimissile des États-Unis. Moscou surveille également avec une attention soutenue les débats entourant l'autorisation aux forces armées japonaises de participer à des opérations militaires à l'étranger.