La russophobie, symptôme d’un journalisme en crise

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Guy Mettan, journaliste et homme politique suisse, évoque la crise du journalisme occidental, et les risques qu’elle fait courir à la liberté d’expression. Selon lui, les Occidentaux "ont tendance à voir la paille qui est dans l'œil des Russes plutôt que de voir la poutre qui est dans le leur".

Les médias occidentaux souffrent d'une crise structurelle depuis quinze ans. Leurs revenus publicitaires et des abonnements ne cessent de baisser alors que la concurrence des médias sociaux ne cesse de gagner en importance. Moins de journalistes, moins de pages, moins d'émissions, moins de temps d'enquête ont gravement réduit la diversité des tires mais aussi des opinions et des approches au sein des titres.

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Par ailleurs, la prolifération des communicants dans les entreprises et les administrations a explosé et conduit à un formatage de l'info, une "pré-digestion" bref un contrôle effectif de la production médiatique qui est accentué par l'affaiblissement des grands groupes publics et la montée en puissance des médias privés.

C'est tout cela qui produit la pensée unique, ou le "journalisme embarqué" comme je l'appelle. Souvenez-vous des correspondants occidentaux obligés de suivre l'armée américaine pour informer sur la première guerre du Golfe. Ce journalisme embarqué a insidieusement pénétré les consciences et les médias, comme en témoigne en particulier leur adhésion aux préjugés antirusses véhiculés par les plumes les plus en vue des grands médias dominants (qui soi-dit en passant ont presque tous été rachetés par des gros entrepreneurs milliardaires ou des marchands d'armes).

Il y a heureusement des nuances et des minorités qui continuent à penser par elles-mêmes. En Europe surtout, mais aussi aux Etats-Unis. Elles existent et bouillonnent mais restent trop souvent confinées sous l'épaisse couche de glace des médias dominants.

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Quand j'ai écrit mon livre sur la russophobie occidentale (Russie-Occident: une guerre de mille ans, qui vient de paraître aux Editions des Syrtes), j'ai été frappé de constater qu'il n'existe pratiquement pas d'études sur ce sujet en Europe continentale mais seulement en Angleterre et aux Etats-Unis, ce qui est un paradoxe. Mais les Allemands s'y sont mis et de nombreux livres viennent de paraître pour dénoncer la manière dont leurs médias ont manqué d'objectivité à propos de l'Ukraine. L'Italie et le sud de l'Europe ont toujours été plus critiques. Mais la France reste totalement imperméable à une couverture des événements qui ne soit pas unilatéralement pro-européenne et pro-américaine.

Il existe aussi de la propagande côté russe. Personne n'échappe à ce travers dans l'actuelle guerre de l'information qui ravage les médias. Mais les Occidentaux, qui se considèrent plus évolués que le reste du monde, sont sûrs de détenir seuls la vérité. Ils ont donc toujours tendance à voir la paille qui est dans l'oeil des Russes plutôt que de voir la poutre qui est dans le leur.

Le poids des préjugés, la défense étriquée des intérêts à court terme, la soumission à l'idéologie libérale et le parapluie militaire américains font le reste. Je n'ai pas l'ambition de renverser à moi tout seul des tendances aussi lourdes. Mais j'essaie au moins de lancer le débat et de poser des questions.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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