Nous avons quitté Kronstadt le 13 juin, puis nous avons reçu un message radio disant que la France n'était pas prête à nous accueillir. Donc, pendant cinq jours, nous avons posé l'ancre en mer Baltique. Enfin, l'autorisation est arrivée et le 30 juin nous sommes arrivés à Saint-Nazaire. La formation a commencé dès les premiers jours. Jusqu'à la mi-septembre, les instructeurs français nous ont enseigné la théorie.
Nous sortions dans la ville en civil et par groupes. Les déplacements individuels étaient interdits. C'est la procédure habituelle quand des militaires se trouvent sur le territoire d'un État étranger. Nous n'avons pas rencontré de réactions négatives de la part des habitants. Les gens, là-bas, sont plus curieux qu'hostiles. C'est toujours comme ça — les préjugés de certains peuples contre les autres sont formés par les autorités, c'est-à-dire par un nombre limité de personnes qui abreuve le reste de nouvelles d'un certain type. Je crois que notre séjour en France peut être considéré comme exemplaire. Même lorsque le Mistral ne nous a pas été livré à temps et que la période d'incertitude a commencé, avec une montée du mécontentement chez les gens, les équipages ne se permettaient aucun comportement inapproprié.
Le 4 octobre notre formation s'est achevée et nous avons reçu des certificats. Ensuite, nous attendions simplement que l'incertitude prenne fin. Côté russe comme côté français, nous avons espéré jusqu'au dernier moment que les navires seraient quand même livrés à la Russie. Le premier navire "Vladivostok" était complètement prêt. Nous avons vérifié tous ses systèmes — il ne restait qu'à dresser le drapeau russe et rentrer à la maison. Je vais dire plus. Le "Sébastopol" était prêt aussi — il était prévu de le livrer en automne 2015 mais les Français ont rapidement fini les travaux de construction et ont déjà mené des essais en mer. Peut-être pensaient-ils livrer les deux navires à la fois.
La Russie a-t-elle besoin de ces navires? Le Mistral n'est pas le meilleur navire au monde dans sa catégorie, mais il est loin d'être le pire. Sa vitesse maximale atteint 19 à 20 nœuds — ce qui n'est pas spécialement rapide. Mais pour un bâtiment de débarquement la vitesse n'est pas si importante que, par exemple, pour un croiseur ou un destroyeur. Son but est de s'approcher de la côte à une distance minimale et d'assurer le débarquement. Le Mistral permet de le faire.
Il est capable de transporter jusqu'à 1.000 personnes, 18 hélicoptères, quelques véhicules blindés et 2 embarcations de débarquement. Il peut être utilisé comme un navire de communication et de commande. Et n'oublions pas que deux navires — c'est près de 400 emplois pour les marins et les officiers.